Vote Assemblée de #Corse « La consultation du peuple est indispensable »

Voici l’intervention de Michel Stefani lors du vote à l’Assemblée de Corse le 26 09 2013.

« Cette rentrée s’est faite dans un contexte de crise économique, sociale et politique, marquée par une baisse du pouvoir d’achat et une forte augmentation du chômage, avec plus de 18 000 chômeurs. Le débat d’aujourd’hui ne peut s’en affranchir.

Il se développe donc à partir de la réalité sociale et politique à laquelle les Corses sont confrontés. Chômage, cherté de la vie, pénurie de logements sociaux, spéculation, dérives affairistes et mafieuses, climat pesant entretenu par une violence à multiples facettes. Telles sont les données de cette réalité. Le débat sur la réforme institutionnelle l’occulte pour une large part.

Dès lors, comme nous l’avons précisé, la réflexion doit partir de ce qui caractérise les dimensions sociale et économique de la Corse et non de la forme institutionnelle et administrative de la gouvernance territoriale. Cela pour répondre au mieux, dans le cadre des principes républicains et de la solidarité nationale, à l’urgence sociale et aux exigences d’un développement harmonieux.

La Corse est institutionnellement une région métropolitaine. Au moment où nous commémorons le 70ème anniversaire de la Libération de la Corse et sans remonter à 1789, elle doit pouvoir, au titre de l’insularité qui la distingue, bénéficier de dispositions particulières en tenant compte. Ce questionnement n’est pas neutre et ne l’a jamais été parce qu’il détermine la nature de la réponse politique à l’urgence sociale sur l’ensemble du territoire.

Notre objectif n’est pas de prendre prétexte des difficultés économique et sociales « pour ne pas consacrer du temps à l’analyse et à l’amélioration des institutions particulières » de la Corse mais de ne pas considérer que la dimension institutionnelle serait en elle-même la cause des difficultés et la réforme permanente la seule possibilité d’en sortir.

Cette approche ne résume pas et nous ne le ferons pas le contenu du rapport Chaubon et encore moins des travaux de la commission mais force est de constater que les inégalités, ces 30 dernières années, se sont creusées dans des proportions considérables et connues de tous notamment de celles et de ceux toujours plus nombreux à vivre la pauvreté et la précarité ….

Le mensuel Corsica du mois Mai révélait ainsi que dans la tranche des foyers déclarant plus de 100 000 € de revenus annuels on compte désormais 1 600 contributeurs pour un montant global de 290 M€ soit une moyenne par déclaration de 181 000 €. Le paradoxe est d’autant plus alarmant que la précarité touche aux deux extrémités de la pyramide des âges les jeunes et les anciens avec une augmentation de 20 % en trois ans du nombre de foyers aux revenus inférieurs au seuil de pauvreté (954 € en 2009).

Une mention de la Corse dans la Constitution serait-elle adaptée ou indispensable à la mise en œuvre d’une politique susceptible d’améliorer en priorité les conditions de vie de ces ménages ? La question est posée. Une analyse de la situation au regard des dispositions contenues dans les différentes évolutions statutaires de la Corse, depuis 1982, apporte des éléments de réponse sans perdre de vue les grands mouvements sociaux de 1989 et 1995.

En contrepoint aux propos se référant à Michel Rocard, il me semble intéressant de rappeler qu’à l’époque il expliquait aux travailleurs en grève que « le plafond de la solidarité avait été atteint avec la Corse » alors que par ailleurs certains qualifiaient ici leur revendication de « prime coloniale ».

Qu’on le veuille ou non, ce n’est pas l’obstacle constitutionnel ou l’impossibilité effective de l’exercice des pouvoirs normatifs reconnus à la CTC, qui ont fait les difficultés actuelles de l’OTC. Dans le même ordre d’idée le détournement des réfactions de TVA et du franco de port (qui contribuent au maintien de la cherté de la vie avec les bas salaires), le « vol » sur la taxe de transport (qui pénalise la Corse) ne découlent pas de l’absence de dérogation aux principes d’égalité devant l’impôt.

La pénurie de logements sociaux comparée à la profusion de logements neufs invendus (1400) n’est pas le résultat non plus d’une impuissance administrative tenant de la confusion des compétences, de la complexité de l’organisation institutionnelle, des financements croisés ou de la clause de compétence générale.

D’autres exemples pourraient étayer la démonstration, notamment l’approche discutable selon laquelle il faudrait pouvoir déroger aux lois et règlements nationaux tout en respectant la réglementation ultralibérale de l’Union Européenne et les directives de la Commission comme la dernière s’appliquant à la SNCM.

Ce dont nous traitons par conséquent c’est de l’action publique, des instruments administratifs et institutionnels, de sa mise en œuvre, des moyens budgétaires affectés et de fait de la décision politique qui prévaut en amont et non l’inverse.

L’instrument institutionnel ne fait pas la responsabilité politique il en sert les objectifs. Il est fait cas de 40 délibérations qui se seraient heurtées à un classement sans suite de la part du gouvernement soit, mais combien de délibérations ont été validées. De même, on peut constater, quand il s’agit des moyens budgétaires mis à la disposition de la CTC pour le plan énergétique, le PEI, ou l’organisation des transports que l’effort de solidarité national peut paraître insuffisant mais qu’il n’est pas négligeable.

En conséquence, il faut dire pour qui et pourquoi une évolution institutionnelle s’impose après un examen poussé des conditions sociales, économiques et politiques pour améliorer sensiblement les conditions matérielles de ceux qui souffrent le plus.

La réforme institutionnelle, dans cette approche, ne peut pas être le préalable mais bien la conclusion d’un processus transparent et démocratique fondé sur cet objectif prioritaire et validé par la consultation référendaire. Cela correspond d’ailleurs à l’étude d’opinion réalisée pour éclairer l’élaboration du PADDUC comme la rédaction même de ce document stratégique de planification afin qu’il réponde aux attentes de notre peuple.

Les sujets déjà traités ont été distinctement le transfert de la compétence fiscale (partielle ou totale), avec dans notre visée, non pas un statut fiscal, mais des mesures fiscales antispéculatives, la prorogation de l’Arrêté Miot assortie d’une contribution des gros patrimoines, la Coofficialité de la langue Corse au nom d’un bilinguisme non discriminatoire.

Nous sommes directement à l’origine de ces propositions qui, nous le savions, impliquent une révision constitutionnelle en tout cas pour la prise en compte du statut de la langue, ce qui n’est pas le cas pour le transfert de la fiscalité sur le patrimoine, en faisant la démonstration qu’il ne s’agit pas d’une exonération pour certains mais bien d’une mesure conforme au principe d’égalité devant l’impôt visant effectivement à rétablir la justice fiscale.

Pour ce qui me concerne la délibération, attendue par le gouvernement, doit faire expressément référence à ces deux délibérations sans en élargir le champ parce que je ne suis pas favorable au principe de dérogation permanente procurée par une mention de la Corse à l’article 72 de la Constitution.

J’y vois des risques et des inconvénients. L’exemple du droit de grève me semble des plus significatifs, inscrit au cahier des charges de la DSP Maritime, contre notre seul avis, rien n’empêchera, au bénéfice de cette faculté à déroger reconnue à la CTC, la mise en œuvre effective de cette disposition cette fois ci réglementairement sur simple habilitation.

Affirmer que nous devons rester dans le mouvement historique de la décentralisation ne me dérangerait pas dès lors qu’il s’agirait véritablement d’avancées sociales et démocratiques. Or, y compris dans cette « phase trois de la décentralisation » ce dont il est question, au nom de la subsidiarité, c’est d’actionner les trois leviers budgétaires et économiques que sont « le coût du travail », « la fiscalité » et la « réduction de la dépense publique ».

Partant de là il est pour le moins inexact d’évoquer une prétendue volonté jacobine, forcément négative face à « ce mouvement historique », alors que dans les faits, comme je viens de l’indiquer il s’agit d’une déconcentration tendant à imposer aux collectivités locales la déclinaison des politiques d’austérité de l’Union Européenne dont la préoccupation première n’est pas le bien être des peuples mais la bonne santé des marchés financiers.

Dans le même esprit nous rejetons l’idée d’un statut fiscal dont la caractéristique essentielle serait de rompre avec les principes de péréquation et de solidarité nationales, pour maintenir les avantages que le détournement des réfactions de TVA, de la Taxe de transport, et la non-imposition des gros patrimoines, procurent à quelques-uns.

Le problème des inégalités et donc de la juste répartition des richesses, en un mot de l’argent, se pose et se posera y compris avec un statut de résident ou une citoyenneté corse auxquels nous sommes fondamentalement opposés. En effet, ce statut ou cette citoyenneté n’empêcherait pas les Corses fortunés de spéculer sur un marché qui de fait leur serait réservé au bénéfice d’une confusion subtilement entretenu entre droit à la propriété et droit au logement.

Appliqués au droit du travail, (c’était dans le projet rejeté par les alsaciens) à l’accès aux soins, à la protection sociale incluant la retraite, les prestations familiales, les minimas sociaux, on mesure l’implication et les retombées de telles mesures car la citoyenneté n’est ni une affaire de générosité, ni de culture ou d’ouverture d’esprit supposée, elle est une question de droits reconnus à chaque citoyen à partir desquels se fonde leur destin commun.

Pour conclure s’agissant du vote je ne me situe pas dans un choix binaire « vote d’union » ou « vote de division » mais dans une expression politique différente permettant aux Corses de se faire leur propre opinion et de se prononcer en connaissance de cause dans la cadre de la consultation référendaire désormais indispensable. »

Michel STEFANI

Intervention à l’Assemblée de Corse du 26 09 2013

(…)

by @Lazezu 

Revue de Presse et suite de l’article  : 

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