Visite de @FHollande en #Corse – « vers une évolution statutaire pour la Corse ? »

Après le vote à la CTC et les réponses de François Hollande, vers une évolution statutaire pour la Corse ?

Le 27 septembre 2013, à l’Assemblée de Corse (majorité de gauche), le rapport de sa Commission des compétences législatives et réglementaires sur un projet de réforme institutionnelle a été adopté lors d’un vote nominal par une large majorité (46 voix sur 51). Le consensus a été plus large que lors du vote du 17 mai sur la co-officialité de la langue corse et du français. Aucun élu n’avait alors voté contre, mais onze, de droite comme de gauche, n’avaient pas participé au vote et quatre s’étaient abstenus.
Le « Rapport Chaubon », prévoit d’accorder une place spécifique à la Corse dans la Constitution de la République.

Il s’agirait de la quatrième réforme institutionnelle pour l’île en 30 ans, depuis l’adoption des statuts Defferre (1982) Joxe (1991) et Jospin sur l’adaptation de la loi (janvier 2002).

Vers une avancée politique conséquente ? Le poids des Nationalistes

L’adoption par une large majorité d’élus du Rapport Chaubon » (seuls trois élus du groupe de la Gauche républicaine et deux élus communistes ont voté contre), concrétise l’avancée d’idées que les Nationalistes portent depuis des décennies.
L’échec du Référendum en juillet 2003 sur une nouvelle organisation des institutions de l’île, semblait avoir clôt toute discussion sur d’hypothétiques évolutions, mais aujourd’hui, après des mois de discussions en commission à la CTC, les élus ont montré leur volonté de poursuivre sur la voie des modifications institutionnelles en reprenant l’initiative.
Et pour la première fois, cette initiative ne vient plus de Paris mais des élus corses dans une quasi-unanimité. Paris qui a toujours refusé certaines évolutions à la Corse, au prétexte que les nationalistes n’étaient pas majoritaires, devra désormais répondre à une volonté très largement majoritaire de la représentation élective et démocratique corse.
Ce vote quasi-unanime des élus de la CTC pour demander l’inscription de la Corse dans la Constitution française peut être qualifié aujourd’hui d’historique et les Nationalistes ne peuvent que s’en féliciter car il constitue une avancée politique incontestable, concrétisant près de 40 ans de luttes, de souffrances et de sacrifices au service de la cause du peuple corse.
Les élus nationalistes de Femu a Corsica et de Corsica Libera (14 élus avec l’élu du Rinnovu) auront occupé toute leur place durant les débats en se montrant très actifs, après avoir participé aussi activement à toutes les discussions qui se sont déroulées sur le sujet en commissions depuis plus de deux ans. Et contrairement aux affirmations d’un journaliste de Corse Matin, les Nationalistes sont donc aujourd’hui plus que jamais « au centre du jeu politique » dans l’île.

Dans l’attente des réponses de l’Etat,

Ce vote concrétise la volonté des élus de dépasser le statut actuel pour acquérir de nouvelles compétences dans certains secteurs tels que la langue, le foncier, la fiscalité, le développement, le statut actuel connaissant ses limites par rapport aux propositions que pourrait faire la CTC dans ces domaines.
Il faut maintenant attendre le sort que lui réserveront les hautes instances de l’Etat. (Présidence, gouvernement) cette demande d’inscription dans la Constitution devra être validée par une réforme constitutionnelle (Congrès). Quel que soit le sort réservé à ce vote des élus, par sa forte symbolique, toutes tendances confondues, il marque une étape historique que certains pourront juger insuffisante, mais qui s’avère nécessaire dans le combat du Peuple corse pour la reconnaissance de ses droits sur sa terre.
Certes la bataille est loin d’être gagnée, et désormais la balle est dans le camp de l’Etat, mais la nouveauté, ce qui lui donne force, est que cette réforme, étant due à l’initiative des élus corses quasi-unanimes, ne vient plus de Paris. Paris qui a toujours refusé certaines évolutions à la Corse, au prétexte que les Nationalistes n’étaient pas majoritaires, devra désormais répondre à une volonté très largement majoritaire de la représentation élective et démocratique corse.
La visite officielle de François Hollande
Cette visite (4 oct.) pour les commémorations de la Libération de l’île en sept-oct. 1943 (1er territoire métropolitain libéré par la seule Résistance corse, qui s’était insurgée dès le 9 sept. 1943, appuyée ensuite par le ralliement d’une partie des forces italiennes occupant l’île, puis les Forces françaises libres dont les goumiers marocains et alliées) constituait un 1er test significatif des réactions de l’Etat face à cette initiative des élus corses. La perspective de cette évolution institutionnelle ne pouvait pas ne pas y être évoquée permettant d’avoir une première idée du sort réservé à ce projet de la Collectivité de Corse.
François Hollande a commencé son marathon de la mémoire par l’hommage traditionnel au préfet Erignac assassiné en 1998 à Ajaccio. Puis il a poursuivi son périple dans les geôles (Citadelle) où les résistants corses emprisonnés étaient torturés par les soldats fascistes pendant la seconde guerre mondiale (Hommage à Fred Scamaroni). Puis c’est à Levie (Alta Rocca, haut-lieu de la Résistance corse et berceau des Jean Nicoli et Dumenicu Ribeddu, entre-autres) qu’il continuait sa course, saluant les habitants de l’Alta-Rocca, héroïques protagonistes de la libération de l’île (connus ou méconnus) où se déroulèrent d’âpres combats engagés par la Résistance soutenue par des commandos français du Bataillon de choc, une division blindée allemande y étant contrainte de battre en retraite. Pour la première fois, un Président de la République a rendu hommage officiellement au Résistant emblématique Dumenicu Ribeddu.
Son périple marathon se terminait à Bastia, tenant un discours sur la libération Place Saint Nicolas, tenant un discours sur la libération Place Saint Nicolas, rendant hommage aux sacrifices des Tabors marocains pour libérer Bastia avec l’assaut du col de Teghime, sous le feu des canons allemands, dont une délégation d’anciens combattants venait du Maroc.
Les oubliés de ces commémorations auront été sans doute les soldats et officiers italiens qui se rebellèrent à Mussolini pour se rallier à la Résistance, participant activement aux combats pour libérer l’île, avant l’arrivée des troupes françaises et alliées. Elles payèrent pourtant un lourd tribut avec plus de 600 tués dans les combats.

Les déclarations de François Hollande : Un certain décalage.

Mais mis à part les officiels, les journalistes, et des centaines de CRS et de Gardes Mobiles fraîchement dépêchés dans l’île, les Corses n’ont pas réservé au Président de la République l’accueil ne fut pas aussi triomphal qu’espéré.
Dans l’île, le climat n’est pas qu’à la célébration, le climat de sérénité escompté n’étant pas au rendez-vous, malgré certains signes d’apaisement au plan revendicatif, notamment au sein de la Collectivité de Corse avec les deux derniers votes sur la co-officialité et l’inscription de la Corse dans la constitution. Mais le contexte politique demeure tendu, marqué par de nombreuses arrestations dans les milieux nationalistes ces derniers mois (surtout parmi les jeunes, des manifestations agitées, et un fossé qui se creuse entre l’île et l’Etat
La Corse, région la plus pauvre de France, devant la ceinture de Paris ou Marseille, reste la zone la plus criminogène d’Europe en termes d’assassinats.
Pour la première fois, la violence clandestine nationaliste n’était pas visée prioritairement par le chef de l’Etat, qui condamna « la violence ou les violences » (selon les médias et les discours), promettant une riposte de l’Etat, se gargarisant au passage des brillants résultats obtenus en la matière (méthode Coué en rapport à la triste réalité) ciblant mollement la criminalité organisée (interview France 3).
Au-delà des habituels litanies sur la bataille de l’emploi et du développement économique, on ne peut que constater ces déclarations relèvent plus des incantations que des réalités et des concrétisations.
En se penchant sur la teneur des discours de tous les officiels français en visite dans l’île depuis 40 ans pour retrouver les mêmes mots et lorsqu’on parle du développement économique durant ces décennies, il suffit d’analyser les prétendus résultats obtenus au vu de la situation critique de l’île (précarité, chômage des jeunes, économie du tout-tourisme, spéculation immobilière, impossibilité pour les Corses de se loger ou d’accéder à la propriété foncière.) pour voir que ces objectifs-promesses n’engagent que ceux qui veulent y croire.
Les réponses de François Hollande
Les élus corses réclament, avec plus ou moins de conviction selon les partis et mouvements, un statut fiscal dérogatoire, un pouvoir législatif pour l’assemblée de Corse, un statut de résident pour lutter contre la spéculation immobilière, et nombre d’autres mesures concernant notamment la langue et la culture. Cela faisait des décennies que l’on n’avait pas connu une telle unanimité dans la classe politique insulaire (vote: 46 pour, 5 contre).
– La modification de la Constitution : François Hollande « Ne préjugeons pas de l’issue » « car nous savons que pour modifier la constitution, c’est très lourd et ce n’est pas toujours souhaité…ça doit se faire avec prudence et précaution , avant d’envisager cette voie… mon engagement est de respecter les élus et leur travail, mais mon obligation c’est de rester dans le cadre de la République».
– La langue corse ? François Hollande « On fait déjà beaucoup…. » ce qui, indirectement, veut dire « ne venez pas me parler en plus de coofficialité ! »
– Le statut de résident ? François Hollande : « Il est contraire au principe d’égalité et aurait pour effet de fermer le marché de l‘immobilier… »
– L’Arrêté Miot : « Nous avons parlé de l’arrêté Miot pour trouver la bonne solution. Elle existe et pas seulement pour la Corse, pour l’ensemble de notre territoire où des problèmes sont constatés. Je prends l’engagement ici d’y apporter une réponse » (corse-matin).
François Hollande ne montre guère d’enthousiasme et ses déclarations, même si elles veillent à ne pas fermer les portes du dialogue.
Sur la Constitution, il s’en remet au Congrès (3/5ème des élus) sans montrer une quelconque volonté de son gouvernement de peser sur les discussions et encore moins sur le vote éventuel, ce qui n’a pas toujours été le cas lors de votes au Parlement où son gouvernement a fait le forcing pour faire passer certaines lois.
Sur la langue, il s’en réfère au vote de la Charte des mangues, mais c’était une promesse électorale et il n’a guère poussé en ce sens depuis son élection, sans oublier que le vote des élus corses sur la co-officialité va plus loin que le vote de la Charte.
Sur le statut de Résident, c’est quasiment une fin de non-recevoir, le logiciel socialiste français jacobin ne pouvant même pas envisager une « quelconque rupture d’égalité des Français devant la loi ».
Sur l’Arrêté Miot, les Corses souffleront jusqu’en 2017, mais le fond du problème reste le même et les solutions avancées ne seront pas pérennes.
Notons au passage qu’il n’a pas hésité à sortir de son cadre présidentiel pour celui de chef de parti (socialiste et gauche) apportant un soutien nettement affiché au maire d’Ajaccio (il faut sauver le soldat Renucci), et à la municipalité de gauche de Bastia.
La suite
En fonction des forces politiques, les jugements sur ces déclarations seront variées, mais il faudra réellement attendre la suite des évènements pour pouvoir, au-delà des premières réponses et des premières appréciations, juger de l’évolution des dossiers.
Les Nationalistes qui ont adopté une attitude consensuelle responsable durant les cérémonies (malgré les marseillaises, les drapeaux tricolores alors qu’à Bastia, le drapeau corse était oublié) doivent réfléchir aux suites et préparer leurs réponses en conséquence, dans l’unité.
Les premiers échanges des élus corses avec le gouvernement devraient se dérouler avec la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, qui recevra fin octobre une délégation à Paris avec Manuel Valls.
Le 1er volet du projet de réforme, sur la nécessité d’inscrire la Corse dans la Constitution, a été validé par un consensus qui a dépassé les espérances de ses auteurs. Le 2ème, sur le foncier et le statut de résident, ne recevra certainement pas un écho aussi favorable. Le 3ème est l’évolution de l’architecture institutionnelle.

La réforme institutionnelle confiée à un « Comité stratégique »

Ce comité pourrait être rapidement installé, c’est le souhait de l’exécutif et de Pierre Chaubon. Probablement même lors de la prochaine session de l’assemblée de Corse fin octobre avec un calendrier de réunions sur six mois. Les deux conseils généraux devraient délibérer eux aussi, car devant subir une réforme radicale.
Sa mission consistera, dans un 1er temps, de vérifier s’il est possible de s’accorder sur le principe d’une réforme puis, dans un 2ème temps, de définir son contenu, ses modalités et son calendrier de mise en œuvre. Sa composition avec l’ensemble des sensibilités devront y rechercher recherche d’un large consensus.
Il dispose déjà d’une feuille de route avec les deux versions différentes du professeur Guy Carcassonne (décédé au printemps) et de l’inspecteur José Colombani avec le même objectif, celui de simplifier le paysage administratif de la Corse mais suivant deux voies différentes pour l’atteindre.
La session à l’assemblée de Corse qui lui sera dédiée n’interviendra pas avant le printemps prochain. Pas avant que ne soient rendues publiques les conclusions du Comité stratégique dont le principe de création a été acté. Il disposera probablement d’un mandat d’une durée limitée pour réfléchir dans un esprit de construction et devenir une force de proposition. Mais il ne travaillera pas sans filets. La commission des adaptations législatives et réglementaires de Pierre Chaubon y a consacré plusieurs réunions et le long chapitre argumenté de son rapport définitif tient déjà lieu de feuille de route.
Dès lors, puisqu’une très large majorité d’élus territoriaux ne sont pas adeptes du statu quo, une alternative sera soumise au futur Comité stratégique :
1. L’organisation institutionnelle actuelle est maintenue, mais on y apporte quelques modifications pour en améliorer le fonctionnement et éviter les chevauchements des compétences. Une partie de l’opinion publique se range à ce scénario.
2. On envisage la fusion des trois principales collectivités, Région et départements avec, là encore, deux pistes de travail :
– On décrète la fusion totale avec disparition des deux départements (version du professeur Guy Carcassonne).
– On crée une collectivité unique mais déconcentrée avec des conseils territoriaux qui remplacent les départements (version de José Colombani, l’inspecteur général des services).
Six mois de travaux
Le résultat du référendum de 2003, même si depuis de l’eau a coulé sous les ponts, et le refus récent de l’Alsace sur la collectivité unique, même si le contexte politique n’a rien de comparable, font que certains élus penchent du côté de la position de José Colombani. D’ailleurs, si une majorité des membres de la commission présidée par Pierre Chaubon, privilégie «une véritable simplification administrative », d’aucuns considèrent malgré tout «que la préservation d’un échelon de proximité, sous une forme nouvelle, serait nécessaire ».

Des dossiers épineux à venir

L’île étant confrontée à une spirale spéculative et à une flambée des prix de l’immobilier qui excluent les Corses de l’accession au logement et à la propriété, les prochains débats à l’assemblée de Corse traiteront de plusieurs dossiers majeurs comme le plan d’aménagement et de développement durable (Padduc) et les statuts du foncier et de résident dans l’île. Les débats seront plus âpres et les positions moins consensuelles.

Ensuite, le peuple tranchera-t-il ?

Au-delà des réponses de l’Etat et de ses représentants, l’heure ne serait- elle pas venue en attendant, de consulter les Corses et la meilleure concrétisation de ce vote ne serait-elle pas un référendum d’initiative « régionale » qui ne lui donnerait que plus de poids dans son futur rapport de force avec l’Etat.

Poggioli Pierre                                                                                
6 octobre 2013

(…)

by @Lazezu 

Revue de Presse et suite de l’article  : 

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