46 voix pour, 5 voix contre ! En adoptant la délibération « portant diverses décisions et propositions de modifications constitutionnelles, législatives et réglementaires concernant les institutions particulières applicables à la Corse » par une aussi large majorité, l’Assemblée de Corse a changé la donne politique.
48 heures après, l’Elysée, à trois jours du voyage officiel programmé par François Hollande sur l’île, vient d’annoncer l’ouverture d’un « nouveau processus », allusion directe au processus de Matignon lancé par Lionel Jospin au tournant de l’an 2000.
Cette fois, pas d’absents, d’abstentions ou de non-participation au vote : ce sont 51 conseillers qui ont voté en leur âme et conscience. Le camp des « non » ressort ultra-minoritaire avec cinq voix seulement, deux communistes sur cinq et trois voix sur les bancs de ceux qui ont été élus avec Emile Zuccarelli.
La droite a emboîté le pas de la Commission Chaubon, et, par la voix du député de la Corse du Sud Camille de Rocca Serra, elle va même plus loin en s’engageant dans le processus de réforme. L’affaire des Arrêtés Miot, et l’incapacité du gouvernement de surmonter le blocage du Conseil Constitutionnel dans ce dossier qui impacte fortement sa base électorale, a certainement pesé lourd dans ce basculement. Sentant l’isolement de son camp, François Tatti a saisi l’opportunité et voté lui aussi pour, malgré les consignes du tandem Emile Zuccarelli/Nicolas Alfonsi. Au total, la majorité constituée en mai lors du vote sur la co-officialité s’est élargie de dix voix, renforçant de façon décisive le camp du changement.
Cette situation oblige le chef de l’Etat à ouvrir le dialogue, en écartant Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, au profit de Marylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation, selon les informations exclusives données par FR3 dès lundi soir. L’objectif du « rapport de forces démocratique » capable de forcer les portes d’une nouvelle négociation avec l’Etat est donc en passe d’être atteint.
Car tel était l’objectif de cette délibération demandant à l’Etat, à travers son premier Ministre, « une discussion approfondie avec les élus de la Corse » sur la « nécessité d’une mention consacrée spécifiquement à la Corse dans la Constitution, (…) la création d’un article 72-5 étant privilégiée ».
La motivation de cette demande par les considérants de la délibération fait état du constat de blocage des institutions actuelles, « et en particulier le caractère ineffectif » des pouvoirs de la CTC, et « l’impossibilité de traiter, dans le cadre actuel de la Constitution, des questions vitales pour la Corse en matière économique, sociale, fiscale, culturelle, linguistique et foncière » ; et donc de la nécessité de « consacrer dans la Constitution des dispositions spécifiques à la Corse », en raison « des difficultés et inégalités que rencontre et subit la population du fait de l’insularité et du relief, [et] des spécificités culturelles de la Corse et de son identité ». Ce dernier point était bien sûr essentiel pour les nationalistes pour qui la mention spécifique de la Corse dans la Constitution devra effectivement ouvrir la porte à la co-officialité.
Une étape importante vient donc d’être franchie par cette délibération. La page du referendum de 2003 est enfin tournée, et, dix ans après, la Corse peut reprendre la marche vers la reconquête de ses droits historiques. Certes, ce n’est qu’une étape avant l’autonomie que nous revendiquerons dès l’instant que nous serons majoritaires à l’Assemblée de Corse. Car tel est le principe d’un processus démocratique, et la délibération du 28 septembre 2013 correspond parfaitement à la donne politique de 2010, qui a donné des scores très important au mouvement nationaliste, mais sans majorité. Paul Giacobbi s’est inscrit dans une démarche de réforme dont le point d’équilibre était la modification de la Constitution afin de desserrer l’étau jacobin qui étouffe le peuple corse. Il a su, avec Pierre Chaubon, résister aux messages appuyés du gouvernement pour qu’ils « lèvent le pied », jusqu’à la campagne de presse déchaînée cet été contre la CTC et le Président de son Exécutif.
La délibération du 28 septembre devra être complétée par celle sur le statut de résident qui, même si elle ne rencontre pas la même majorité, aura elle aussi une pleine légitimité. Une nouvelle étape s’ouvre et nul ne peut présager de son issue. Mais une chose est certaine : la Corse a marqué des points décisifs.
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by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
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