Il y a un peu plus d’un an, le député UMP Laurent Marcangeli, se signalait par une apparition aux journées internationales de Corti. Et c’est sans complexe aucun qu’il prit la parole. En première analyse, le message était clair. Se revendiquant d’une fibre toute corsiste, jeune inscrit de ce fait dans la modernité, adoptant une posture anti- conformiste, il se glissait dans le costume de l’homme de dialogue prêt à bousculer les tabous, jusque dans sa propre famille.
Belle opération de communication remarquablement préparée ! En effet, il lui fallait avant que d’apparaître sous un chapiteau nationaliste, avoir la garantie d’un accueil au moins courtois. C’est qu’il ne se proposait pas d’intervenir auprès d’un public dit « modéré », mais bel et bien auprès de ceux que par commodité, la presse classe et désigne sous le vocable de radicaux. Mais le terrain étant déminé en amont et la discipline organisationnelle aidant, l’opération se déroula pour la plus grande satisfaction des diverses parties. Difficile d’imaginer de plus que le patron de l’UMP de la Corse du Sud ait pu être tenu à l’écart des préparatifs.
Le hasard ne s’invite que rarement dans la politique politicienne. Le calendrier électoral demeure la seule donnée qui puisse permettre de comprendre et d’analyser à distance les buts et les motifs réels de cette opération.
Les échéances électorales comme fil à plomb.
Pour la droite insulaire, les territoriales sonnèrent comme un échec retentissant. La cause principale de cette déroute était la dualité permanente entre Rocca Serra et Santini : non pas qu’il fut question alors de divergences idéologiques puisque la « désanctuarisation » du littoral voulue par Sarkozy, reçut de la part des deux protagonistes un accueil enthousiaste. C’est plus sûrement sur la question du pouvoir, au sens le plus trivial du terme, que les deux caciques se déchirèrent.
Notons que cette cuisante défaite succédait alors à des pertes antérieures, comme ce fut le cas de la bérésina ajaccienne lors des municipales de 2008.
C’est le succès de Laurent Marcangeli aux législatives qui mit un terme provisoire à cette série de fiasco. Dans le même temps, la majorité de droite du Conseil Général de la Corse maintenait ses positions, en renouvelant le visage du 4eme canton de la ville d’Ajaccio. Stéphane Vannucci jeune employé de l’hôpital de Castellucciu et nouvellement syndicaliste CFDT emportait le siège en battant un candidat lui aussi de droite. Deux trentenaires incarnèrent donc à la fois la victoire et le rajeunissement des cadres UMP. Nés au sein d’une société très marquée par l’activité politique du mouvement nationaliste, ces deux hommes sont familiers de certaines thématiques. Ainsi, ils peuvent se revendiquer d’une corsitude, d’une forme de pouvoir autonome, sans pour autant renier leur appartenance à un parti fortement attaché au maintien de la Corse dans la République Française.
De là à teinter l’UMP d’une touche identitaire, il n’y avait qu’un pas à faire pour se parer des couleurs de ce que l’on peut désormais appeler le « corsisme ». Cette étiquette leur laisse espérer les faveurs de l’électorat nationaliste en terme de reports de voix lors des seconds tours, et peut être même des majorités composites avec des formations nationalistes, pour peu que ces dernières vident de leur contenu initial les revendications historiques. Les frontières idéologiques s’estompant et la dynamique d’institutionnalisation des nationalistes s’accélérant, pourquoi ne pas envisager alors des alliances plus ou moins avouées ?
Une fois les tabous de surface évacués, la seconde phase du processus peut s’amorcer. L’enjeu consiste à convaincre les militants, sympathisants et électeurs de chacun des camps de la possible fraternisation électorale, réalisée cette fois- ci au grand jour. Notons qu’une partie de l’électorat nationaliste s’avère quelque peu initiée aux appels d’un vote à droite distillé dans le Nord de la Corse lors des législatives victorieuses pour l’UMP Gandolfi-Sheit et pour Laurent Marcangeli dans le Sud. Quant à l’électorat de droite, l’heure de franchir les pas à l’appel des chefs du clan a désormais sonné.
Comment en est-on arrivé là ?
La haine et les « valeurs » partagées.
Que les pratiques clientélistes de Zuccarelli à Bastia aient engendré une répulsion de la part des nationalistes, cela s’entend. Mais alors pourquoi d’autres chefs de clan ne sont-ils pas traités de la même façon ?
À cette interrogation les responsables nationalistes ont toujours répondu en soulignant le refus obstiné de Zuccarelli à admettre la moindre particularité de la Corse. Farouche opposant à l’enseignement de la langue, farouche opposant de la plus petite avancée institutionnelle, partisan déclaré d’une politique de répression, Zuccarelli concentre sur son nom tous les archaïsmes et les haines à l’encontre de son système. Soit. Mise à part la soif de vengeance, on ne voit toujours pas pourquoi des hommes de droite ont bénéficié des suffrages nationalistes ? Renvoyer dos à dos les deux faces d’une même monnaie eut été aisé et aurait témoigné d’une certaine cohérence. N’y aurait-il pas d’autres raisons, elles plus enfouies ?
Celles de systèmes de pensée, de « valeurs » communes entre des responsables nationalistes formés au ni- ni. (ni de droite, ni de gauche) et des conservateurs de droite, prêts à tout dès lors qu’il s’agit de combattre des idées de gauche.
Pour les deux entités, la société n’est pas divisée en classes aux intérêts antagonistes. La force comme moyen de gouvernance n’est jamais exclue. Le rejet viscéral du droit des minorités est aussi partagé, comme ce fut le cas pour le mariage gay. Un développement économique admettant les lois du marché comme incontournables est chose également partagée. La Corse y est également affirmée comme chrétienne et partie intégrante du « modèle » occidental.
Traditionalistes, libéraux, anticommunistes, pour tous, seule diffère la couleur du drapeau. Et toutes aussi préoccupantes demeurent leurs visions de l’immigration, au point que dans leurs électorats respectifs, très nombreux sont ceux qui se réapproprient les thèses du FN.
En liquidant le contenu émancipateur de la revendication anticolonialiste, les diverses directions nationalistes ont ouvert la boite de Pandore. Par cette brèche béante, se sont engouffrés ceux qui, hostiles au socialisme et à l’indépendance, peuvent se parer des oripeaux d’un corsisme conservateur et populiste.
A Manca
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by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]