Derrière le miroir, la triste réalité à travers quelques chiffres peu mis en avant … Eléments d’analyse politiquement non correcte…, loin de la vision idyllique des panneaux publicitaires..
Une économie résidentielle
De riches résidents, dont nombre du Nord de l’Europe viennent, retraités ou non, acheter dans l’île. Avec la multiplication des résidences secondaires, les prix de l’immobilier grimpent et les locaux ne peuvent plus accéder à la propriété (voir aux locations).
Il y a aujourd’hui près de 65000 résidences secondaires, appartenant très majoritairement à des non-corses. Si chaque résidence occupe environ 200 mètres carrés (vraiment le minimum au vu de certaines résidences de luxe), il suffit de multiplier par le nombre des résidences pour voir qu’une partie de la terre corse n’appartient plus aux Corses. Beaucoup de celles-ci sont habitées quelques semaines seulement par an par leurs propriétaires qui les louent chèrement durant une grande partie de l’année à d’autres personnes venues de l’extérieur.
Ces résidences secondaires sont aussi construites ou achetées par des fonctionnaires de passage dans l’île, grâce à des facilités bancaires dont ne bénéficient pas les locaux en règle générale, qui ensuite les revendent avec une plus-value financière importante ou les louent durant une partie de l’année (chèrement l’été), concurrençant les circuits professionnels de l’hôtellerie.
La spéculation immobilière
En 2012, des études montrent que le boom immobilier, notamment avec la multiplication des résidences secondaires (En 2011-2012, les constructions immobilières ont augmenté de 64%), a créé plus d’offres (on construit plus d’immeubles, de résidences et de bâtiments) que de demandes. D’où les constructions se vendent moins, alors que les logements sociaux manquent et que les prix sont trop élevés pour la population locale, du fait de ses moyens financiers insuffisants, qui ne trouve pas à se loger (au vu des prix prohibitifs). Dans l’Extrême-Sud et en Balagne, il y a plus de résidences secondaires que de résidences principales.
Une administration en Corse sans les Corses
Depuis le fameux Rapport Glavany (sept. 1998) dénonçant le trop grand nombre de fonctionnaires corses dans l’île et la période désastreuse du préfet Bernard Bonnet (fin des années 90) la politique de « décorsisation des emplois » s’est poursuivie et amplifiée avec le préfet Pierre René Dumas et ses successeurs (Plus de 60% des fonctionnaires ne sont pas nés dans l’île selon des études officielles). Aujourd’hui les fonctionnaires et les cadres corses, des grandes entreprises publiques ou privées, sont très minoritaires.
Minorisation des Corses
La démographie insulaire a totalement changé depuis deux décennies. La politique de colonisation de peuplement se poursuit et s’amplifie, tendant au fil des ans à remplacer les Corses (« paisanni ou nati qui », habitants d’origine ou nés dans l’île) par d’autres venus d’ailleurs ?
Depuis le début des Années 2000, la population de l’île a augmenté considérablement (la Corse est une des régions françaises les plus attractives). En une décennie, sa population est passée de 250000 hab. à plus de 315000 hab. (plus de 4000 nouvelles inscriptions annuelles sur les listes électorales depuis l’an 2000) dont 80 % de personnes venues de l’extérieur, cette augmentation ne résultant pas d’un solde démographique naturel lié aux naissances en Corse.. et ce alors que les vieilles générations corses disparaissent.
Le profil du corps social de l’île a été ainsi totalement bouleversé, et la culture corse est en voie de marginalisation. D’autant que nombre de Corses, dont des jeunes à la recherche d’un emploi, s’expatrient à nouveau.
Les Corses entre le marteau et l’enclume
Cette changement de peuplement est aussi le fait de l’installation de personnes venues de l’Hexagone (dont beaucoup venues du quart monde français) du Maghreb (Corse-matin du 26 juillet 2013 « Ramadan estival pour 42000 musulmans ») ou des Pays de l’Est, fuyant la misère de leur terre d’origine et/ou appâtés par le mirage du développement touristique corse.
L’emploi dans le tourisme et les secteurs en dépendant
En 2012, les services officiels se gargarisaient des bons chiffres de l’emploi en Corse, l’île étant alors citée comme une des rares régions françaises créatrices d’emplois et résistant le mieux à la crise économique mondiale ! En 2013, il a fallu déchanter, le chômage battant tous les records dans l’île (supérieur à la moyenne française)
En été 2013, 15000 à 20000 saisonniers sont arrivés dans l’île pour y chercher du travail (France 3 corse du 18 septembre 2013) dont une majorité venue de l’Hexagone. Depuis peu, la mode est aux filières des pays de l’est.
A la fin de la saison estivale, une grande partie de ces travailleurs saisonniers ne repartent plus, s’inscrivant au Pôle Emploi (administration peu sensible à la notion de corsisation des emplois pour les locaux, même à compétences égales), ce qui est reconnu officiellement depuis peu. Ces travailleurs saisonniers qui rejoignent la liste déjà longue des chômeurs locaux sont orientés par le Pôle emploi et autres administrations vers les services sociaux (Falep ou autres) ou les circuits de formation professionnelle, censés « œuvrer pour la formation professionnelle des jeunes Corses » (stages AFPA ou autres) en attendant de trouver mieux pour s’installer définitivement dans l’île où ils pensent que la misère sociale se vit mieux au soleil.
D’où, avec la crise qui touche aussi la Corse, le chômage connait ainsi une progression fulgurante, en dépit des trifatouillages de chiffres pour le relativiser (Cette année, même en cours de saison estivale, le chômage n’a pas diminué et est supérieur à la moyenne française) malgré les miettes retirées du mirage du tout-tourisme.
A noter aussi que à la situation des grandes villes françaises (Nice, Marseille, Paris, Lyon…) où il y a engorgement des demandes d’inscription et une attente beaucoup plus longue, les démarches administratives apparaissent relativement moins compliquées dans l’île et plus rapides à accomplir.
Si certains emplois sont difficiles à pourvoir par des locaux, les faibles salaires de cette main d’œuvre (pagati incù a sfrombula), sa malléabilité et ses conditions de travail (en règle générale) n’attirent guère ces jeunes locaux, dont beaucoup, diplômés ou non, quittent à nouveau l’île pour trouver du travail ailleurs.
La responsabilité du secteur privé dans l’île
Au-delà de la fonction publique ou des grandes entreprises publiques, le secteur privé dans l’île compte le plus grand nombre de salariés (ces dernières années, les patrons, commerçants, artisans, agriculteurs… et chefs d’entreprises corses ne sont plus très majoritaires dans ce secteur où même les responsabilités syndicales ou socio-professionnelles leur échappent de plus en plus). Ces patrons préfèrent de plus en plus faire venir leurs employés d’ailleurs au détriment des jeunes locaux (paisanni ou nati qui) même à compétences égales.
L’immigration en Corse selon l’INSEE en 1999
En 1999, il y a 14 ans déjà, d’après les chiffres d’alors (recensement – sources INSEE), les populations immigrées, « définies comme l’ensemble des personnes étrangères nées étrangères hors de France et entrées sur le territoire national au cours de leur vie« , sont 26.000 en Corse, soit un taux régional de 10% (taux national de 7,4%). Un chiffre qui place l’île au deuxième rang derrière l’Ile-de-France (1er rang en proportion pour les primo-arrivants à scolariser).
Les enfants nés en France de parents immigrés, donc de nationalité française, étaient un peu de plus de 5.000 en Corse en 1999, (par définition ne font pas partie de la population immigrée) souligne l’étude réalisée par l’INSEE. L’étude ne compte pas dans les 26 000 immigrés étrangers, les naturalisés (dont les 5 000 enfants nés en France) et les clandestins…
Parmi les immigrés résidant en Corse en 1999, 5.500 avaient acquis la nationalité française, soit une proportion de 21%.
L’immigration dans l’île est essentiellement méditerranéenne, avec une prépondérance des Maghrébins et surtout des Marocains, qui représentent 42% du total, contre seulement 12% au niveau national. Avec près de 11.000 personnes, ils forment de loin la plus grande communauté immigrée de Corse, devant les Italiens (4.876) et les Portugais (3.201).
En Corse, les hommes constituent 57% de la population immigrée. Un enfant sur cinq vit dans une famille immigrée.Si plus de deux tiers des immigrés sont d’âge actif (deux tiers d’ouvriers), 23,8% d’entre eux sont au chômage, soit 6 points de plus que la moyenne française
Depuis d’autres étrangers (filières de l’Est) sont arrivés et d’autres enfants sont nés français. En 2011 (Corse-matin : 3 juin 2011) les immigrés sont au nombre de 27 400 (soit 9 % de la population) avec une communauté marocaine qui reste majoritaire et une forte augmentation de Portugais.
Aujourd’hui que dans l’île le nombre de résidents immigrés ou issus de l’immigration se situe entre 35 000 et 40 000 (malgré l’absence de chiffres fiables sur l’immigration clandestine et illégale), soit environ 15 % de la population.
La misère et la précarité en Corse
Cf. Corse-matin du mercredi 1er décembre 2012 : Titre à la une : 50000 personnes (soit un hab. sur 6, près de 20 % de la population) touchées par la précarité. Travailleurs pauvres, mères isolées, titulaires du RSA en augmentation… sans compter les jeunes exclus, les retraités, les chômeurs non répertoriés… Mais ce chiffre est vraisemblablement en deçà de la réalité, s’appuyant surtout sur de statistiques réalisées dans le monde urbain, les Corses des villages, non répertoriés, éprouvant majoritairement une certaine pudeur à se déclarer indigents ou dans le besoin….
En fait le chiffre des 60000 personnes en situation de précarité semble aujourd’hui plus proche de la réalité.
Ajaccio compte plus de 16000 personnes vivant au seuil de pauvreté (- 917 euros par mois) sur près de 65000 habitants.
Les services sociaux et les associations caritatives (secours populaire, catholique, croix rouge, restos du cœur et autres sont débordés par l’afflux des demandes (« émanant même de Corses », ce qui est reconnu et mis en avant cette année par leurs responsables !)
Selon des chiffres officiels, il y a désormais près de 500 SDF recensés dans l’île, dont beaucoup arrivés ces dernières années dans l’île à la recherche d’une vie meilleure au soleil, et loin de l’insécurité de la rue dans les grandes agglomérations françaises.
Une jeunesse en péril
Sur fond de développement et d’urbanisation anarchique, rançon de la politique du tout-tourisme, avec la perte de certaines valeurs et le manque de repères, de multiples fléaux guettent notre jeunesse : Alcoolisme, drogue, délinquance, précarité, exclusion,…la liste n’est pas exhaustive. La preuve en est le rang peu enviable qu’elle occupe dans certains secteurs liés à la santé (obésité, alcoolisme, hépatites, sida….) selon les chiffres officiels.
Et le peuple corse dans tout ça !
La notion de communauté de destin a été mise en avant dans les années 80, les Corses étaient alors majoritaires et le mouvement nationaliste s’inscrivait dans une stratégie de prise de pouvoir… Depuis il y a eu les affrontements entre nationalistes, les retombées de l’Affaire Erignac… et l’affaiblissement de l’idée nationale, tandis que la population de l’île évoluait vers une minorisation des Corses.
(Motion déposée par le groupe «Pà un’avenna corsu» -UPC-Cuncolta Naziunalista- et adoptée à une très large majorité le 13 oct. 1988. L’Assemblée de Corse avait adopté une motion affirmant l’existence d’une «communauté historique et culturelle vivante regroupant les Corses d’origine et d’adoption : le peuple corse »).
Aujourd’hui, avec la mondialisation et les conséquences économiques et sociétales qu’elle impose, comment la Corse et les Corses peuvent-ils s’adapter aux nécessaires mutations sans se plier aux modes de vie et de pensée venus d’ailleurs et surtout sans perdre leur âme ?
En un mot, comment faire pour que la Corse puisse encore fabriquer des Corses ?
Poggioli Pierre
19 septembre 2013
(…)
by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]