Tout préoccupés qu’ils sont par la sauvegarde de leur langue et de leur culture, les Corses laissent s’opérer un mouvement sournois qui à terme fera disparaître la corsitude.
Les bien-pensants, qui font semblant d’ignorer le but de la manœuvre et l’ampleur du phénomène, partent régulièrement en guerre contre ce qu’ils appellent le communautarisme. A leur sens, on ne doit pas admettre ce qui se passe dans les grands ensembles urbains de l’hexagone : des quartiers entiers qui se différencient non seulement par leur niveau social, mais aussi par l’origine ethnique et culturelle de leurs résidents. Et c’est effectivement un signe désastreux de non intégration et d’hétérogénéité du corps social !
Le phénomène est néanmoins différent quand on considère de près l’évolution de la société corse. Dans les années soixante, l’autorité publique s’est trouvé confrontée à un problème politique inattendu : la résurgence du sentiment national corse que l’on croyait enterré ! Dès lors, les gouvernements successifs, de Giscard à Glavany, n’eurent de cesse de tenter ce qu’ils considéraient comme la solution définitive, la décorsisation de la Corse…
Ils y parvinrent en partie, puisqu’aujourd’hui la Corse est la région dont la proportion de fonctionnaires originaires du pays est de beaucoup plus faible que dans les 21 autres régions alors même que le taux d’emplois publics, mais aussi privé, est un des plus élevés d’Europe et aussi que le nombre de résidences secondaires atteint des sommets. Il s’agit bien d’une stratégie pour modifier durablement la démographie corse et accroître sa dépendance économique ; autrement dit, l’État se livre en Corse, depuis quarante ans et en toute impunité, à une politique ethniciste analogue-toutes proportions gardées- à la « russification » des pays baltes en leur temps. D’un strict point de vue sociologique et politique, n’existe désormais qu’une seule Corse, celle des villes !
Parler de ces problèmes à 30 km d’Ajaccio ou Bastia, dans des zones dites rurales passées sous le seuil des 3 habitants au km2, serait parfaitement inepte. C’est bien dans les villes, et dans la ruralité péri-urbaine, que se reconstituent les solidarités paysannes, que se retrouve « l’âme corse » et que se forge une conscience commune. Cette transformation, véritable révolution silencieuse qui a affecté la Corse des cinquante dernières années, si elle a fait disparaître la ruralité originelle, a fait entrer notre pays dans la modernité dans la mesure où elle a modifié les rapports politiques et fait éclater des archaïsmes séculaires. Mais c’est une architecture qui n’a d’avenir que si les nouveaux arrivants, indispensables à l’équilibre économique et démographique de notre pays, adoptent les codes sociaux de la Corse d’aujourd’hui au lieu d’imposer les leurs !
Ce ne peut être le cas quand ces arrivants sont là pour quadriller littéralement les administrations les plus coercitives : police, impôts, services sociaux en même temps que le système associatif, (dans le secteur des transports aériens, des employés non corses ont même fait pression sur leur direction pour bloquer la mutation d’un corse dans le service simplement parce qu’il était corse) !
Car, s’il est évident que le Sporting, l’ACA, le CAB ou le GFCA sont bien des clubs corses, si les administrations territoriales emploient de nombreux corses, des pans entiers du système associatif, comme de la fonction publique, vivent comme s’ils étaient absolument étrangers à la Corse et à son peuple ; ils fonctionnent en lobby ou en tribu, futurs caldoches dont l’indifférence à l’égard de notre « sous culture » et notre « patois » est en train de créer un véritable apartheid anti corse, mais aussi et c’est au moins aussi grave, de radicaliser les inégalités sociales dans une société historiquement égalitaire…
Alors que la nation corse s’est enfin reconnue elle-même et qu’elle est reconnue de fait aussi bien par la sympathie de ses voisins européens que par l’hostilité croissante de l’État, elle ne pourra ignorer plus longtemps une atteinte aussi méthodique à son existence !
Ghacumu Petru
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by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]