#corse Le PCF : franchement communiste ou communément français ?

La venue de Maria Guidicelli aux Ghjurnate Internaziunale di Corti a provoqué de nombreuses réactions dans les rangs du Front de Gauche. Parmi celles-ci, deux des plus virulentes proviennent de cadres du Parti Communiste Français, dont Maria Guidicelli n’est pas membre, le Front de Gauche étant une coalition électorale réunissant aussi bien des militants de partis que des individus « non-organisés ».

Pourtant, dans une lettre adressée à ses camarades, Maria Guidicelli expliquait les raisons de sa venue aux Ghjurnate en tant que conseillère exécutive en charge du PADDUC, le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse, document chargé de planifier les politiques publiques corses pour les trente prochaines années.

Elle justifie donc sa réponse positive à l’invitation de Corsica Libera par son souhait de discuter, dans le cadre du travail préparatoire à la rédaction du PADDUC, avec l’ensemble de la société corse, dans une démarche de « co-construction ». Pour elle, refuser de participer à ce débat, moment distinct du meeting politique des leaders de la formation indépendantiste, reviendrait à ostraciser une partie du peuple corse en la considérant indigne de participer au débat essentiel du PADDUC. Plus encore, nous pouvons considérer que cela reviendrait également à considérer les valeurs de Corsica Libera comme incompatibles avec celles dont se réclame le Front de Gauche (humanisme, progrès social, etc…). Evidemment, le projet politique n’est pas le même et Maria Guidicelli s’est chargée de le rappeler à la tribune des Ghjurnate, mais la discussion reste possible.

Quelques jours plus tard, Francis Riolacci, « animateur du Front de Gauche » et adjoint au maire de Bastia, s’adressait aux autres « animateurs du Front de Gauche » pour déplorer le choix de la conseillère exécutive, la qualifiant de « décision grave ». Ce vieux compagnon de route des Zuccarelli estime probablement la décision de Maria Guidicelli bien plus grave que le soutien à une majorité municipale réélue à coup de fraudes électorales et transmettant le mandat de maire par filiation. Francis Riolacci se sentirait-il plus proche du communisme nord-coréen que des idées marxistes ?

Pour lui, il serait donc impossible de discuter avec le mouvement indépendantiste et il étaye son idée en arguant, principalement, du refus de celui-ci de condamner la violence politique. Si l’on peut ne pas partager les objectifs politiques du FLNC, il est tout de même curieux qu’un homme se plaçant, théoriquement, à l’avant-garde de la défense des intérêts populaires refusent à ce même peuple le droit d’utiliser les moyens de se défendre. Il est toutefois à noter que, sur cette question, le PCF a toujours une attitude ambigüe, n’hésitant pas à voter les pleins pouvoirs au gouvernement français au début de la guerre d’Algérie afin de mater les « terroristes » du FLN en lutte contre l’occupation française, tout en ayant pratiqué la lutte armée au moment de l’occupation allemande.

En réalité, le problème fondamental de Francis Riolacci et du PCF est moins l’utilisation de la violence comme moyen d’action politique que les revendications portées par les militants clandestins et ceux qui les soutiennent. Le Parti Communiste Français s’est toujours montré plus « Français » que « Communiste ». Capable de soutenir les légitimes luttes du peuple vietnamien ou chilien, le PCF a toujours défendu l’empire colonial français. Ainsi, alors que la France est en reconstruction, les Cahiers du communisme publie, en avril 1945, cette phrase révélatrice : « A l’heure présente, la séparation des peuples coloniaux avec la France irait à l’encontre des intérêts de ces populations. »

Si la France devait continuer à soumettre les peuples antillais, asiatiques, africains ou océaniens, cela n’était pas pour son propre prestige et la défense de ses intérêts impérialistes mais bel et bien pour assurer à ces sympathiques grands enfants le bonheur et la prospérité. « L’œuvre civilisatrice » devait se poursuivre…

Il serait malhonnête de comparer la situation des colonies françaises d’Afrique et d’Asie en 1945 et la Corse d’aujourd’hui. Pour autant, si la Corse a un si grand besoin de la « solidarité nationale » comme l’affirme Francis Riolacci, cela est grande partie due à la politique menée dans notre île depuis plus de 200 ans. Or, qui nous a gouvernés si ce n’est la France ? Celle-ci, loin d’être une mère nourricière pour la Corse, a mis en œuvre, avec d’importantes complicités locales, une politique de destruction de la culture corse et de non-développement économique de son territoire, obligeant de nombreux Corses à l’exil et/ou à la précarité.

Force est de constater que pour Francis Riolacci, responsabiliser les différentes formes d’Etat français depuis 1769 serait incompatible avec son nationalisme français. Nationalisme d’un Etat impérialiste qui, rappelons-le, ne peut qu’être différent du nationalisme de résistance existant en Corse. Il ne s’agit pas de dire que l’indépendance permettrait, ipso facto, la mise en place d’une société meilleure, les malheureuses expériences de la seconde moitié du XXème siècle l’ont montré (avec, encore une fois, un rôle important joué par la France), mais force est de constater que cette société émancipée ne peut exister sans la reconnaissance des droits collectifs des peuples, notamment du notre. Oui, en Corse se mène une lutte de libération sociale, comme partout ailleurs dans le monde. Mais oui, le peuple corse partage une spécificité avec d’autres peuples, celle d’être non-reconnu comme légitimement maître de lui-même.

De son côté, le courant interne au PCF « Vive le PCF » est également intervenu dans le débat. Reprenant le communiqué de Francis Riolacci, ce courant critique de la direction nationale du Parti a ajouté un commentaire à cette « affaire ». Dans celui-ci, Vive le PCFinsiste notamment sur le fait que les nationalistes corses seraient des « bourgeois (…) ultra-libéraux », insensibles à « une approche résolument sociale qui place l’humain au cœur » et fondamentalement « de droite ». Plutôt que de s’étendre longuement sur ces déclarations, rappelons simplement que le principal leader de Vive le PCF, Emmanuel Dang-Tran, nostalgie du très cocardier Georges Marchais, avait déclaré devant des caméras de télévision que les militants du Front national « distribuent des tracts qui, à 80 % ou 85 %, défendent la position qu’on [le PCF] devrait défendre » (au cours de la primaire interne pour les présidentielles de 2012).

En définitive, le Parti Communiste Français est indiscutablement peuplé de personnes honnêtement et réellement à gauche. 70 ans après la libération de la Corse du joug fasciste, nous ne pouvons que citer le nom d’un homme comme Jean Nicoli, « mort pour la Corse et [son] Parti ». Dans une moindre mesure, le soutien de Dominique Bucchini, à la suite de Jean-Baptiste Marcellesi, à la co-officialité de la langue corse ou la venue de Maria Guidicelli aux Ghjurnate montrent qu’il est possible d’avancer, ponctuellement, avec des militants ou des proches du PCF. Mais, là où les revendiqués communistes devraient être aux côtés des peuples et de leurs droits contre l’impérialisme français, des personnes comme Francis Riolacci, Emmanuel Dang-Tran et, plus généralement, la politique nationale de cette organisation font du PCF un parti nationaliste. Nationaliste français…

U CUMUNU

(…)

by @Lazezu 

Revue de Presse et suite de l’article  : 

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