Lyon-Turin, LGV PACA, Port de Bastia : ces trois projets à l’utilité plus que contestable sont situés dans le Sud Est. On aurait pu citer aussi l’aéroport de Notre Dame des Landes en Bretagne et la LGV du Pays Basque, ou, encore deux aéroports espagnols, Ciudad Real à 200 km de Madrid et Castellon dans la région de Valence, devenus célèbres dans l’Europe entière car depuis leur inauguration en grandes pompes, il restent désespérément déserts. Les « aménageurs » lancent des projets juteux, les lobbies intéressés aux travaux mettent leurs réseaux d’influence en action, certains élus y exaltent leur mégalomanie, et voilà comment se construisent des cathédrales dans le désert !
La « liaison rapide » entre Lyon et Turin est un projet ferroviaire qui prévoit le creusement d’un tunnel de plus de 50 km sous les montagnes, dont les déblais, qui se chiffrent en dizaines de millions de m3, vont se déverser dans les vallées étroites des Alpes, tout en engloutissant 26 milliards d’euros selon la Cour des Comptes, et non 8 milliards comme l’annonçaient les promoteurs. Pourtant, l’aménagement de la ligne existante est possible, manifestement suffisante, mais tellement moins juteuse !
Le projet de Ligne Grande Vitesse, qui projete de relier Nice à Paris par TGV (car en France, tout passe par la liaison la plus rapide à Paris, même si le coût est très élevé), est tout aussi dévastateur dans le relief de la Provence, où la technologie française du TGV est bien moins acceptable que celle du « pendolino » utilisée en Italie ou en Suisse, légèrement moins rapide, mais qui a l’avantage immense, économique et environnemental, d’utiliser les voies existantes réaménagées.
Ces projets ont été portés aux nues devant les médias, avec élus et ingénieurs paradant devant des montages photographiques idylliques. On a été jusqu’à la signature d’un traité international avec l’Italie ! Mais ces méga-projets sont en train de s’écrouler les uns après les autres.
La Corse ne pouvait être en reste, et voilà que nos financeurs institutionnels, Etat, CTC, et Mairie de Bastia, se sont lancés à l’aveuglette dans le projet de port de la Carbonite à Bastia, un projet inutile, dévastateur de l’environnement, et dévoreur de crédits publics au point de stériliser à terme les autres projets d’aménagement qui seront réellement nécessaires à la Corse. Les 500 millions d’euros annoncés seront triplés comme cela a été le cas ailleurs. A la fin, si on les laisse faire, on aura englouti dans un seul site la totalité de l’engagement de l’Etat dans le Plan Exceptionnel d’Investissement qui a été étalé sur quinze années !
Pourquoi le projet de Port de la Carbonite à Bastia est-il un « Grand Projet Inutile »?
Tout d’abord parce qu’il est annoncé pour faire face à une augmentation de trafic qui n’existe pas, ni aujourd’hui -trafic en baisse de 10% en 2011, puis de 5% en 2012-, et encore moins dans le futur. En effet, la crise de la SNCM alimente la chronique chaque semaine, et chacun comprend bien la situation : avec les méga-paquebots Danielle Casanova et Napoléon Bonaparte, les finances publiques maintiennent à flot une surcapacité ruineuse que nul ne peut plus assumer. Le retrait de ces moyens maintenus artificiellement en service entrainera une baisse du trafic maritime, tout en continuant à transporter sans difficulté les passagers qui fréquentent la Corse. Ajoutons-y, pour le plus long terme, les orientations du Padduc qui visent à augmenter la fréquentation touristique par l’étalement tout en limitant la pointe du mois d’Août. Sans compter qu’une partie de ce trafic peut facilement être délestée vers Ile Rousse, surtout quand il provient du continent français car le temps de traversée, et donc les coûts d’une desserte que la continuité territoriale renonce désormais de financer de façon exponentielle, sont bien moindres. Sans compter l’économie de combustible, considérable, car il en faut presque autant pour contourner le Cap Corse que pour traverser de Nice à la Corse!
Les autres arguments mis en avant pour « vendre » le projet ne valent pas mieux. On vante la libération du port actuel pour une activité de croisière que Bastia veut accueillir. Ô paradoxe, car les bateaux de croisière sont bien plus volumineux que ceux des lignes régulières, et ils seront donc encore moins capables de fréquenter le bassin actuel de la place Saint Nicolas. Et tout à l’avenant, dans des postures uniquement guidées par l’électoralisme, et dont la caractéristique principale est la légereté avec laquelle on traite de l’immense impact environnemental du projet, le plus dévastateur connu à ce jour sur le littoral méditerranéen de l’Europe.
Il suffit de lire François Tatti, premier adjoint d’Emile Zuccarelli désormais candidat dissident à la mairie de Bastia, déclarer sur son blog que l’autorisation obtenue devant le Comité National de Protection de la Nature « est une nouvelle réjouissante » et que « l’idée de compenser la destruction de 50 ha d’herbiers de posidonie par la création et le financement d’une vaste aire marine protégée allant de Bastia à Solenzara était très pertinente ». Devant l’Assemblée de Corse il ajoute même dans une comparaison jouissive : « l’extension du port de Nice a été refusée par ce même comité car il détruisait 200 m² d’herbiers de posidonie ».
Résumons : au large de la Plaine Orientale de la Corse, il y a l’herbier de posidonie, espèce protégée, le plus vaste de toute la Méditerranée, on va en sacrifier une bonne partie pour un projet totalement inutile, et c’est « réjouissant » ! Il n’y a rien à ajouter si ce n’est de s’étonner qu’Europe Ecologie les Verts, du moins en partie, s’apprête à donner sa caution à de telles « réjouissances ».
François ALFONSI
(…)
by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Paroles de Corse
Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]