Il est temps après quarante ans d’affrontements, plus de dix mille attentats, deux cents morts, une révolte larvée, de faire prévaloir la raison. Il n’est que temps.La Corse indépendante, libérée, en 1755, par la lutte nationale, de la colonisation génoise qui a duré quatre cents ans, succombe en 1769 devant les armées du Roi de France, à Pontenovu. Après une sévère répression jusqu’à 1800, l’intégration forcenée, par le moyen de la francisation systématique, tente d’éradiquer l’identité du peuple corse sans jamais y parvenir; l’Etat-nation s’est constitué, ici comme ailleurs, sur et contre toutes les identités spécifiques.
Un document majeur –un ouvrage– vient d’être livré: Corse: renaissance d’une Nation par Christian Mondoloni (éditions Albiana). Il est édifiant, précis, soutenu par des annexes, dont certaines inconnues de l’opinion publique.
La Corse a été un sujet loyal, fidèle, payant largement l’impôt du sang pendant toutes les guerres et étoffant les rangs de la fonction publique métropolitaine et coloniale. La France la délaisse jusqu’en 1950, puis, avec les Trois Glorieuses et la perte de l’Algérie en 1962, commence un développement agricole et touristique insulaire où les Corses sont exclus de facto ou marginalisés. La contestation naît alors et s’étale sur cinquante ans avec des mouvements autonomistes puis nationalistes et aussi clandestins. Le pouvoir central réprime, gère, manœuvre et octroie trois Statuts spécifiques en 1982, en 1991 et en 2002 qui ne résolvent pas la crise historique corse parce que l’Etat refuse l’identité collective des Corses, continue à soutenir et à protéger le système claniste, antinomique de la démocratie et prospérant dans l’aliénation, le clientélisme.
L’année 2010 marque une étape importante dans le processus d’émancipation nationale car les nationalistes capitalisent 36% des suffrages dont 26% pour la famille modérée ayant fait le choix exclusif de l’action publique et 10% pour la famille indépendantiste, solidaire du FLNC. Le président Sarkosy est resté fermé à toute évolution institutionnelle sérieuse; l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012, avec François Hollande, marque une aggravation dans la mesure où il n’existe, de surcroît, aucun dialogue réel, aucun contact; un précédent grave, et de mauvais augure, depuis cinquante ans!!!
La situation se détériore
La situation se détériore: la venue du ministre de l’Intérieur dans l’île le confirme; le Président ne tient pas ses promesses publiques sur la ratification par la France de la Charte des langues minoritaires; le Conseil constitutionnel abroge définitivement les arrêtés Miot, en dépit de l’engagement d’Etat qui prévoyait un moratoire jusqu’à 2017 et contribuait à préserver, même imparfaitement, la terre; enfin le Premier ministre a récemment fermé la porte à une modification sérieuse des institutions. Que la majorité des Corses appellent de leur vœux comme en témoignent des sondages, les prises de position publiques, l’élaboration du prochain Padduc où le «peuple corse, une communauté de destin» est placé, par une large majorité, au centre de la problématique politique; les travaux de la Commission législative et réglementaire de l’Assemblée de Corse se penchent de puis longtemps sur la co-officialité de la langue, la notion de résidence, le maintien des avantages fiscaux jusqu’à 2017, la maîtrise locale sur le droits de succession, réformes impliquant toutes une modification de la Constitution française. L’issue positive de la réflexion locale semble largement acquise.
Mais il y a pire: le tribunal administratif a invalidé treize plans locaux d’urbanisme (PLU), dans la stricte application de la loi, et grâce à la pugnacité forte, argumentée de toutes les forces écologiques dont les chefs de file sont le Levante et le Collectif Loi-Littoral, épaulés par les forces de progrès; l’Etat ne remplit pas, ici, son devoir d’information, de surveillance, des contrôles de légalité, de sanction des abus. Malheureusement, dans ce domaine particulier, nous touchons aux limites de l’inacceptable. Alors que la Corse a invalidé le précédent Padduc parce qu’il faisait la part belle à la mise à l’encan de la terre corse et que sur ce plan, la sensibilité collective est exacerbée, l’Etat, délibérément, en toute connaissance de cause, détricote la «Loi-Littoral», manoeuvre dont le but et le résultat ne peuvent être que l’aggravation de la spéculation et la spoliation du peuple corse.
Une crise chronique
En prenant des initiatives, par la DreaL interposée (Direction régionale de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire et du Logement) comme son désistement inexplicable lors d’atteintes au domaine public maritime (DPM) ou encore, en voulant faire abolir des protections vitales, légales et réglementaires, notamment comme les Znieff et les espaces remarquables, en favorisant l’urbanisation littorale continue, en tolérant des constructions sans permis ou après des «permis tacites», l’Etat se livre cyniquement à une violence illégale, à une agression supplémentaire, à une provocation qui génèreront inévitablement la révolte si cela perdure. Nous avons naturellement tous les éléments de ce dossier central.
La Corse est dans une situation économique, sociale et culturelle préoccupante; ici, la crise est chronique avec une violence de droit commun traumatisante, exponentielle: 86 crimes, en six ans, avec une seule élucidation témoignent de l’inertie de la police qui, par contre, démontre une grande efficacité dans la lutte contre les militants nationalistes clandestins!!! Singulier et aveuglant constat.
Le peuple corse –Corses d’origine et Corses d’adoption– dans l’île et de la diaspora, aspirent à la démocratie, à la paix, au développement partagé, au respect et à la promotion de son identité, à la justice sociale; dans le cadre d’un dialogue transparent, organisé entre l’Etat et tous les représentants de la Corse; à travers des Etats généraux, par exemple (une hypothèse plausible) doit naître un nouveau contrat politique rationnel, équilibré, respectueux des intérêts légitimes des parties, dans le cadre euro-méditerranéen; une amnistie clôturerait enfin heureusement la période des antagonismes pour construire ensemble une relation apaisée, mutuellement profitable.
Il n’existe pas de voie alternative au dialogue; les manœuvres, le déni de justice, les tolérances ou voies de fait comme dans le domaine de l’urbanisme, ne peuvent que nous conduire vers les voies regrettables de la radicalisation et de l’internationalisation, d’abord en Europe puis à l’ONU.
Il est temps après quarante ans d’affrontements, plus de dix mille attentats, deux cents morts, une révolte larvée, de faire prévaloir la raison. Il n’est que temps.
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