Occultation : deux toutes les six secondes. Couleurs fixes : rouge et blanche. Puissance : 80 Watts. Hauteur : 12.50 mètres. Elévation 27.50 mètres. Portée : 27 kilomètres. Le phare de l’île Lavezzi accueille exceptionnellement, depuis fin avril, la caméra de Mélissa Epaminondi pour la réalisation d’une oeuvre réfléchissante. Gardien solitaire, le fanal de l’archipel aux six îlots ouvre sa porte à l’architecte et artiste du collectif L140 pour la réalisation d’un film : Lavezzi.
C’est d’ailleurs la première fois que la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio donne son accord pour le tournage d’un projet artistique. Cantonné aux documentaires et autres reportages des journaux télévisés du midi, ce paradis inhabité, à l’exception du fastueux Cavallo, se transforme ce printemps en studio de cinéma. A la fois support et acteur, ce guide nocturne des navires dévoile de sa hauteur une autre vision de la nature, aussi belle qu’inquiétante. Et Dieu créa la femme « Mon rêve va enfin se réaliser. J’ai trouvé les amphores de Trolius. Je les ai mises dans un filet. Demain, elles seront sur un bateau, nous les viderons et les partagerons. » Sur un air de guitare, face au panorama maritime filtré, les voix de Brigitte Bardot et de Jean-François Calvé accompagnent le paysage troublé par les parois en verre du phare. Car aux origines de Lavezzi, il y a un film, Manina, une fille sans voile[1] de Willy Rozier.
Et à partir de cette première rencontre avec l’archipel filmé, Melissa n’aura de cesse d’avoir envie d’y tourner. C’est un séjour avec un groupe de naturalistes au coeur du sémaphore automatisé qui la décidera à ne plus s’éloigner de la tour lumineuse. « L’intérêt du film réside dans le fait d’épouser le point de vue du phare. » De rouge et de blanc ou la dualité d’une île Musique lunaire, décor martien, la caméra tourne derrière les vitres tamisées du sémaphore. Sonorités printanières, panorama carte postale, les images défilent derrière les vitres transparentes.
C’est au coeur d’un manège machiavélique alternant l’angoisse pourpre du mystère à la quiétude limpide du site isolé que nous fait tourner la présentation vidéo du projet. Pour créer cette première atmosphère extraterrestre et signifier la mécanique des lieux, la réalisatrice utilise un filtre rouge. Cette vision rouge mer confère aux scènes une dimension presque science-fictionnelle. « Il s’agit aussi de rendre compte de la dualité de l’insularité avec ce qu’elle a d’enfermant par sa géographie d’un côté et de fantasmatique par sa beauté d’un autre. »
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