En mars, une affaire a créé l’émoi des médias insulaires et nationaux. Entre attentats, nouveaux assassinats, guerre au Mali et mise en examen de Nicolas Sarkozy, le mystère de la page 49 du magazine Corsica a réussi à se faire une place.
Il faut le reconnaître la démarche est peu courante. En fait, ce qui est peu courant c’est que ce qui se cache au sein d’une rédaction s’étale ainsi en public. En effet, lorsqu’un directeur de la publication vient à bloquer un papier, aucun lecteur ne s’en inquiète car il n’existe pas un cimetière dans lequel viennent reposer les articles non publiés.
La « censure », voila l’injure suprême à la fois pour le monde journalistique et les spécialistes des complots en tous genres. Car, bien entendu, il n’y a que la Vérité qui est censurée. D’ailleurs, le fait même de censurer une info tendrait à la rendre vraie. Qui n’a jamais entendu, au comptoir d’un bar cet argument : « C’est vrai ! La preuve ? Les médias n’en parlent pas ! ». Imparable !
Mais, revenons à notre mystère. Pour que ceux qui nous accusent d’une censure aient raison, il faudrait donc que la motivation ait été la volonté manifeste d’interdire la diffusion d’une vérité. Et, il faut avouer qu’il n’est pas aisé de se défendre d’une telle accusation sans rendre public l’article que nous ne voulons, justement, pas porter à la connaissance du public. Or, si dans cet article les informations relatives à l’affaire judiciaire dite des gîtes ruraux sont étayées, le problème résidait dans les à-côtés du sujet principal. Une diffamation n’est pas uniquement issue du mensonge mais également dans l’acte de relier plusieurs faits réels.
A ce stade, il convient de rappeler qu’en France, l’une des limites de la liberté d’expression, c’est la justice au travers du délit de diffamation. Une victime de diffamation considérera son honneur bafoué. C’est une notion très subjective surtout dans une région où l’honneur est si important, voire exacerbé.
Il appartient, donc, aux magistrats chargés d’appliquer la loi d’étudier une plainte en diffamation en réintroduisant le plus d’objectivité possible. Force est de constater, que si nous avons parfois perdu, parfois gagné, en première instance, nous avons systématiquement été condamnés par la cour d’appel de Bastia. Un sans faute, on vous dit ! Sauf quand la cour de cassation casse et annule la décision d’appel mais cela a un coût que nos moyens ne nous permettent pas de répéter à l’infini.
Il est même arrivé que le parquet fasse appel du jugement alors qu’il n’était pas à l’origine des poursuites. C’est sans doute une façon de passer le temps dans une ile si pauvre en actualité judiciaire !
Il ne nous appartient pas de critiquer une décision de justice en particulier, nous nous interrogeons surtout sur le caractère systématique de ces condamnations aux lourdes conséquences financières.
L’exigence d’absolue vérité demandée aux journalistes par certains magistrats nuit à l’information même. En effet, si pour publier l’interview d’un membre d’une opposition qui critiquerait la gestion d’une majorité en place, les magistrats attendent que nous missionnions une armée d’experts-comptables pour vérifier ces propos, autant vous dire que cela en est fini des interviews politiques.
Quoi qu’il en soit la limite entre diffamation et liberté d’expression n’est pas figée. Et, nous ne pouvons pas seuls veiller à ce que ne soit pas restreinte la liberté d’informer. D’autant plus, qu’au cours de ces multiples procédures, ceux qui s’indignent, aujourd’hui, ne nous ont jamais apporté le moindre soutien.
Nous sommes, donc, contraints à la plus grande prudence par ces invariables revers judiciaires en appel.
Au-delà d’un enchaînement de petites erreurs qui nous a conduits à prendre une décision trop tardive, le mystère de la page 49 aura eu le mérite de rendre publique cette vérité moins sensationnelle. Nietzche disait « Jamais encore la vérité ne s’est accrochée au bras d’un intransigeant ». Nous vous laissons le soin de deviner qui sont les intransigeants.
Frédéric Poletti
La presse en parle / Suite et source de l’article
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