Qui a commencé ? C’est en fait l’histoire de la poule et de l’œuf. Et on s’en fout, car avec les images que nous avons vues, la Corse touche le fond et tout le monde est responsable.
Au début des années 60, les étudiants corses de Paris puis ceux d’Aix en Provence sont à l’initiative du renouveau régionaliste corse. Le lien entre les équipes corses de footbal (ou autres sports) et la défense de l’identité corse s’établit naturellement. Ces équipes deviennent les ambassadrices du peuple corse de par le monde, leur emblème est naturellement a bandera corsa.
Durant les années 70 les étudiants de Nice prenaient la suite et chacun se rappelle les matchs mémorables que les étudiants corses suivaient tout au long des déplacements des équipes corses dans l’Hezagone, avec notamment les rencontres épiques contre le club de Nice.
Durant ces matchs, les étudiants devenus autonomistes profitaient de cette tribune pour populariser leurs mots d’ordre et oeuvraient à une prise de conscience politique de la jeunesse corse. Chacun se souvient notamment de la première finale mémorable de la coupe de France en 1972 à Paris, malgré la défaite, de Bastia contre Marseille, où les étudiants nationalistes distribuant tracts et journaux entonnèrent chants et slogans, y compris sur les Champs Elysées, durant toute la nuit précedant le match.
Au fil des ans, le mouvement nationaliste a pris de l’ampleur, devenant un élément politique incontourable dans l’île, alors que la société corse évoluait et malheureusement pas toujours dans le bon sens puisque connaissant nombre de dérives, dont nous subissons les dégâts aujourd’hui. Le football, miroir de notre société, ne pouvait rester à l’écart de ses évolutions, il n’en est aujourd’hui que le triste exemple.
Comme la société, les supporters ont changé, n’ayant plus aujourd’hui rien à voir avec ceux des années 70-80, lorsque la revendication nationaliste, dans laquelle la jeunesse se reconnaissait, montait en puissance. Hier, ils étaient majoritairement issus des villages et de la corse rurale, aujourd’hui, avec la mode du football, et le développement de l’urbanisation, aussi par effet de mode, avec toutes les fausses valeurs que le foot busness véhicule, les supporters de plus en plus jeunes issus des villes et des quartiers populaires urbains reprennent à leur compte, consciemment ou non, tous les travers de tous les supporters de n’importe quel club français. Au-delà des comportements, la plupart des chants ou des slogans sont aussi les mêmes que ceux criés par les supporters de tous les clubs, même si des slogans pseudo-identitaires subsistent encore.
Si une analyse sociologique était possible, comme aux Etats-Unis, on verrait facilement que ces jeunes hooligans sont majoritairement issus des quartiers populaires des Salines à Ajaccio et de Lupinu à Bastia et qu’ils font partie des classes sociales défavorisées et délaissées dans l’île ou la pauperisation, l’exclusion et l’acculturation sont de plus en plus importantes, d’autant que de nombreuses familles du « quart-monde français et européen» venues de l’extérieur viennent chercher dans l’île un mieux-être bien hypothétique, car la misère n’est pas plus facile à supporter au soleil.
Les équipes aussi ont évolué, du fait des pratiques du monde du football tributaire de l’argent-roi et les valeurs des joueurs aujourd’hui ne sont plus les mêmes que celles portées en 60-70-80 par les équipes corses. N’est-il pas symptomatique de voir que les cinq exclus du derby Bastia-Ajaccio ne sont pas Corses ?
On peut critiquer l’évolution générale de ce sport, notamment au vu de l’encadrement des jeunes footballeurs, mais les éducateurs d’aujourd’hui même s’ils connaissent les règles du football, ont-ils pour autant les armes psychologiques, si tant est que leurs dirigeants les leur demandent, et les qualités nécessaires, pour insufler d’autres valeurs à leurs jeunes joueurs. On peut aussi critiquer l’attitude irresponsable de nombre de parents qui pensent que leur enfant est un futur champion et qui pour cela sont prêts à écraser tous les autres pour qu’il y arrive, leur enfant ne retenant hélas que cela, oubliant que le sport devrait être l’école de l’apprentissage de la vie grâce aux notions de solidarité et de fair play.
La misère sociale, intellectuelle, la perte des valeurs, la soif du succès et de reconnaissance à tout prix, la compétition sans faire de quartiers et sans retenue sont hélas le lot aujourd’hui de ceux et celles qui ne vivent plus que par et pour le foot, car n’ayant, surtout parmi les jeunes générations, que cet exutoire et les perspectives qu’ils croient y déceler pour leur avenir, un avenir de plus en plus « no future » dans un monde où l’argent et la reconnaissance sociale sont indissociables.
C’est pour tout cela que l’on en arrive aux déchaînements insupportables de ce derby.
Les nationalistes soutenaient les clubs corses face aux équipes d’ailleurs, mais aujourd’hui, comble du ridicule, il y a même des rencontres inter-corses en championnat professionnel et là la cohésion corse explose, laissant la place aux querelles de chapelles et au campanilisme comme avant les années 60.. Et l’on peut se demander, à qui profite ces divisions, ces antagonismes, sûrement pas au peuple et à la jeunesse corse.
Quelle régression ! Quelle défaite pour les nationalistes ! Ce devrait être inacceptable pour tous.
Ce derby, qui restera dans les mémoires, porte la marque de l’échec pour tous etil ne peut pas ne pas inciter les nationalistes dans leur ensemble ( surtout les militants) à se poser certaines questions par quant aux limites de leur investissement voire même de leur soutien vis-à-vis d’une quelconque équipe. Les nationalistes supporters de ces deux clubs auront-ils le force de s’extirper de ces comportements partisans et campanilistes ? Sauront-ils en conscience se remettre en question et voir si en la matière, leurs attitudes et leurs déclarations ne sont pas en contradiction avec leur engagement politique en faveur des droits du peuple corse et de son unité ? ou alors la sous-politisation, permettant toutes les dérives et toutes les manipulations est-elle désormais irréversible ? Il faut cesser de s’affronter entre supporters et dirigeants corses surtout en se drapant dans le drapeau corse qu’il faut laisser de côté dans de telles situations inacceptables Si l’on peut tous ensemble se mobiliser contre les autres, et nous savons le nombre d’agressions en tous genres subies par le peuple corse, avec notre drapeau, signe de notre unité et de notre cohésion politique, insuportable doit être la confrontation, voire les affrontements entre supporters et dirigeants des deux clubs autour de notre emblème.
Les journalistes sportifs de l’Hexagone boivent aujourd’hui du petit lait et nous ne pouvons que rester sans voix, alors qu’ils nous insultent à longueur de colonnes, car aujourd’hui, nous avons franchi la ligne rouge et nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes, étant les seuls responsables de ce lamentable gâchis
U populu unitu, a squadra di u populu corsu, des slogans que les nationalistes devraient méditer, au-delà des supporters, et comprendre que certains discours et attitudes doivent cesser lorsque deux clubs corses se rencontrent. Les couleurs de la Corse doivent être alors laissées de côté et que le meilleur gagne. Les nationalistes devraient le rappeller à tous et le réaffirmer avec force et conviction en commençant par se démarquer de ceux qui oublient trop facilement que depuis 40 ans, des gens ont lutté et payé chèrement pour l’unité et la défense des Corses et de ce peuple.
Pierre Poggioli
Le 7 mars 2013
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]
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