(Unità Naziunale – Publié le 28 mars à 12h01) La mise en vente à l’encan du Domaine viticole de la famille Casabianca à Linguizzetta, héritière du fondateur de la marque des apéritifs Casanis, aujourd’hui en situation de faillite, émeut la Corse entière, au delà de la profession agricole proprement dite. Près de 500 hectares de terres agricoles sont en jeu, traversés par la route nationale qui longe la plaine orientale, dont deux cents hectares sont encore plantés en vigne, dont une partie longe la mer, dont une partie est louée pour des pâturages, et dont une partie est déjà retournée au maquis,… De ce morceau de terre corse, on peut tirer le meilleur… ou le pire !
Que faire pour en tirer le meilleur ? Voilà un dossier qui interpelle le nouvel Exécutif de façon essentielle : 43 ans après Aleria, en ayant réussi à accéder aux responsabilités, les nationalistes sont-ils en mesure de générer une dynamique vertueuse pour ce site, ou en sommes-nous toujours réduits à l’impuissance ?
La mise en vente aux enchères annoncée à grands renforts d’encarts de presse par le liquidateur de la faillite du Domaine précipite les choses, sans doute sciemment. D’un projet d’un golf déjà évoqué, à des placements spéculatifs à plus ou moins long terme, des intérêts financiers puissants sont certainement à l’affût de ce genre de « bonnes affaires ».
La procédure qui permet à la SAFER de préempter le bien ainsi mis en vente peut bloquer quelque temps la machine spéculative. Mais, vu la grande surface en question, l’acquisition effective ne pourra se faire qu’avec une somme importante que la Safer ne pourra mobiliser en pure perte. Il faudra des repreneurs solvables et un projet économique global pour que la préemption puisse évoluer vers une acquisition, puis une destination économique pour ces terres qui sont essentielles aux Espaces Stratégiques Agricoles définis par le Padduc de la Corse. Vu l’ampleur du dossier, et la sensibilisation très forte de l’opinion publique insulaire, il faudra donc être en mesure de réagir vite et bien.
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Sans doute faudra-t-il chercher l’inspiration du côté de précédents qui ont été des réussites exemplaires, comme le domaine du Larzac par exemple où l’installation d’agriculteurs a été rendue possible et maintenue durablement depuis plus de trente années par un montage financier de type Groupement Foncier Agricole qui a regroupé au départ un millier de propriétaires ayant souscrit des actions, puis qui a évolué en une structure foncière mettant à disposition les terrains, par des baux agricoles dits « de carrière », c’est à dire pouvant être redistribués au bout d’une vie active à de nouveaux exploitants sans risquer l’abandon de l’activité agricole productive.
Les experts de l’ODARC et des différents organismes agricoles ont surement déjà étudié ce mécanisme vertueux et José Bové qui en a été l’inspirateur est certainement prêt à apporter ses conseils en ce domaine.
Ce dossier du domaine de Casabianca est une opportunité pour montrer que la Corse, qui a fait de l’enjeu foncier une priorité qui va bien au delà des seuls nationalistes, sait faire preuve de réactivité et de créativité. Il faut chercher à impliquer le plus grand nombre, se placer sous l’autorité du Président de l’Exécutif, qui représente de façon qualifiée les intérêts collectifs du peuple corse, et construire un projet solide. Le potentiel économique est là qui permet de financer par les produits économiques à venir l’investissement nécessaire à l’acquisition et à l’aménagement du domaine qui, en fonction des qualités agronomiques des sols, peut dégager plusieurs exploitations agricoles viables avec différentes spéculations.
Le domaine Casabianca est un Espace Stratégique Agricole par excellence. En matière de lutte pour la Terre Corse, à quelques kilomètres à peine du site de la Cave Depeille à Aleria, le dossier de sa mise en valeur doit être l’occasion de démontrer que l’on a changé d’époque, que l’on a tiré les leçons du passé, et que l’on peut donner un exemple de transparence et d’efficacité à la tête de la Collectivité de Corse.
François Alfonsi
28 mars 2018