Les chiffres ne disent rien de la détresse des gens, et de ses conséquences politiques. Les désespoirs individuels s’accumulent jusqu’à atteindre une « masse critique » qui peut provoquer une « explosion de colère ». La Grèce, l’Espagne, l’Italie vivent aujourd’hui au bord du gouffre social.
Au plus pauvre de l’Espagne, il y a par exemple la Galice, au nord du Portugal, où les députés ALE étaient la semaine dernière à l’invitation de la députée BNG (Bloque Nacionalisto Galego) Ana Miranda. Comme dans le reste de l’Espagne, le chômage y atteint des sommets, au-delà de 25%, et près de 50% chez les jeunes. Et, en plus du chômage, sévit une crise des caisses d’Epargne qui touche au plus profond une population fragilisée.
À deux pas de la salle qui accueille la réunion publique organisée par BNG à Vigo, des manifestants font le siège de l’agence de la Caisse d’Epargne de Galice. Comme la Poste en France, c’est l’institution financière à laquelle tous les gens modestes ont confié leurs économies familiales, génération après génération. Mais, la crise financière est passée par là, et la presse explique que les banquiers ont durant des années attiré le plus grand nombre possible de leurs clients vers des produits dérivés censés rapporter plus, et aujourd’hui presque totalement insolvables. Les épargnants sont là : des femmes de pêcheurs, des retraités, des pauvres gens, qui ont perdu les économies de toute une vie, quelques milliers d’euros en moyenne désormais évaporés dans un fonds spéculatif emporté par la crise. Alors que leurs enfants sont condamnés au chômage, ils ont perdu leur seule « marge de sécurité ». Ils sont désespérés.
Ce week-end, l’Italie vote pour renouveler sa vie politique. La Reppublica, repris par le Courrier International, dresse le constat de la même situation de crise. Là encore, c’est dans le concret de vies brisées que l’on comprend mieux la situation dramatique qui se fait jour. Antonia, 57 ans, une fille, a commencé à travailler après son divorce. Son mari ne peut lui verser de pension, elle galère avec 800 € par mois, y compris les heures supplémentaires, en travaillant dans un centre où toutes sont dans une situation comparable. Luigi, boulanger, explique : « on a fait mettre une pancarte à l’extérieur « pain de la veille à moitié prix », je vois bien qu’il a du succès mon pain de la veille ». Et il ajoute, parlant de sa ville dans les Abruzze : « La ville se meurt. Beaucoup de gens se retrouvent au chômage technique, avec leurs enfants qui sont revenus vivre à la maison ». Silvia est la fille d’un chef d’entreprise qui s’est suicidé « à cause des injonctions d’ordonnances à payer » lancées par une administration publique qui « ne te règle pas les travaux qu’elle te doit, mais te retire tes permis, refuse les certificats qui te servent d’accès aux crédits bancaires ; et tu meurs ». Umberto, 52 ans divorcé, 1200 € par mois, une pension alimentaire à verser pour son fils, doit se débrouiller avec 300 € par mois : « je me suis retrouvé à la rue, j’ai dormi dans ma voiture, avant d’être hébergé dans une chambre des pères missionnaires des Oblats de Marie (…) je suis devenu fou de rage, comment est-ce possible d’en être arrivé là, de s’en remettre à la charité ? ». Giuseppe, étudiant, fils de petits paysans, diplômé de droit pénal, travaille de 19 heures à 3 heures dans un pub pour 400 euros par mois : « au village, personne ne sait que je ne travaille pas comme avocat, et je dois dire à mes parents, attendez un peu avant de venir, que je m’installe. Comment je fais pour leur expliquer que mon doctorat ne me sert à rien ? ».
Face à cette marée montante de la misère, la réponse des « politiques » est totalement non crédible. S’y ajoutent leurs turpitudes étalées à la une des journaux, pots de vin, détournements d’argent, incompétence, accointances mafieuses, etc… Les digues démocratiques cèdent alors, laissant le champ libre à des trajectoires erratiques comme celle de Silvio Berlusconi qui, grâce à sa facon de et surtout à sa mainmise sur toutes les télés et une bonne partie de la presse, a réussi à rebondir à la tête de la droite italienne. D’ailleurs c’est bien simple : l’Italie est sans doute le seul pays en Europe où les milieux économiques européens souhaitent unanimement que la droite perde les élections. Un « Coluche transalpin », Beppe Grillo, est en train d’exploser toutes les prévisions des instituts de sondages grâce à une propagande populiste et délirante.
En Italie, on a l’impression d’entrer dans la phase supérieure de la crise, celle de la décomposition de la sphère politique. Qui sait où elle peut mener ?
À l’heure de boucler cet article, Pier Luiggi Bersani, le « candidat normal », social-démocrate, semble devoir l’emporter, malgré la grande incertitude de ce scrutin qui inquiète la démocratie européenne. Mais quels moyens l’Europe lui donnera-t-elle pour sortir son pays de la crise délétère qui le ravage, ainsi que l’Espagne ou la Grèce ? Ce ne sont certainement pas les réponses données actuellement sous l’impulsion du tandem Cameron-Merkel qui apporteront des solutions durables.
François ALFONSI
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]
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