« Quelques éléments de réflexion sur les droits de succession en Corse, et la fiscalité en général. Suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 29 décembre 2012 (saisi par 60 députés UMP dont les 3 de Corse) de ne pas prolonger une fois de plus le délai d’exonération des droits de succession, le débat resurgit ainsi que les mensonges, les manipulations et les fantasmes les plus farfelus.
La CGT qui milite aussi bien en Corse qu’au plan national pour une fiscalité juste, efficace et pour l’intérêt général, vous livre ses réflexions sur le sujet sous la forme de questions réponses que peuvent se poser nos adhérents permettant un débat constructif et apaisé.
• L’arrêté MIOT exonérait les Corses des droits de succession ; vrai ou faux ?
Faux ; L’administrateur général F MIOT a été envoyé en Corse par Bonaparte pour rétablir une situation administrative et juridique confuse. Nous sommes rappelons le en 1801. Il n’a jamais été question d’handicap de l’insularité. Simplement pour être exigibles les droits de successions sont appliqués sur des bases différentes qu’au plan national sans que cela ne procure le moindre avantage aux Corses. Par contre chacun peut mesurer les dégâts occasionnés par l’indivision résultant de l’indivision due au non règlement des successions.
• Mais alors pourquoi l’exonération des droits de succession existe et perdure ?
Les Corses ont donc toujours payés des droits de succession. L’exonération actuelle de fait est due à un vide juridique, puisque la base de calcul propre à la Corse ( la contribution foncière fixée par l’arrêté MIOT) a été supprimée en 1948. La Corse aurait donc dû à partir de cette date rentrer dans le droit commun avec des droits calculés sur la valeur réelle des biens immobiliers. Ce ne fut pas le cas et le fisc continua d’appliquer une taxation sur des bases particulières. Une décision de la cour de cassation de 1992 saisie par un contribuable a annulé toute taxation sur les biens immobiliers dans la mesure où l’Etat n’avait pas changé par une loi les modalités de taxations fixées par une loi en 1801. Seule une nouvelle loi pouvait le faire ce qui fut fait en 1999. C’est bien la preuve que l’arrêté Miot (et non les arrêtés puisque tous les autres ont été abrogés) n’a jamais exonéré les biens immobiliers situés en Corse.
• L’arrêté MIOT existe-il encore ?
Non et toutes les personnes averties le savent bien. Puisqu’en effet la loi de Finances de 1999 (soit à peine 7 ans après l’arrêt de la cour de cassation) a mis fin juridiquement à l’arrêté MIOT. Cette loi de Finances de 1999 qui faisait consensus à l’époque a fait rentrer dans le droit commun les biens acquis depuis 2002. Pour les autres biens acquis avant 2002, l’exonération totale prendra donc fin le 31 décembre 2012. Puis pour les décès ou les donations qui interviendront jusqu’au 31 décembre 2017 les biens immobiliers hérités seront taxés pour seulement la moitié de leur valeur. Donc, il se sera passé près de 20 ans depuis la loi de 1999 jusqu’à la rentrée dans le droit commun au 1er janvier 2018.
• Les notaires et tous nos élus connaissaient-ils ce calendrier ?
Oui et il est surprenant de les entendre aujourd’hui crier à la trahison et autres qualificatifs ridicules. D’ailleurs de nombreux résidents Corses ont pris, depuis de nombreuses années des dispositions pour transmettre leur patrimoine en donation partielle ou totale ; en témoigne l’afflux de dossiers dans les services fiscaux. Ils pourront d’ailleurs continuer ces démarches afin notamment de régulariser une situation dont ils ne sont pas responsables.
• Mais alors pourquoi cette décision tardive du 29 décembre 2012 du Conseil Constitutionnel (CC)?
La loi de Finances 2013 votée en octobre 2012 avait en effet prorogé de 5 ans supplémentaires cette exonération. Le Conseil Constitutionnel a estimé que cette prorogation était illégitime et rompait la règle d’égalité des citoyens devant l’impôt. Est-ce qu’une nouvelle loi de Finances pourra revenir sur le rendu du CC ? Rien n’est moins sûr. Comme tous les Corses on est légitimement en droit de se poser la question sur l’utilité par le CC d’une telle décision qui ne vise qu’une seule période transitoire entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017.
• Mais alors je devrai maintenant payer des impôts très lourds et ne pourrai plus laisser à mes enfants ma maison ?
Bien sûr que non. Les successions en ligne directe (parents à enfants) bénéficient d’abattements importants. Ainsi chaque parent (père et mère) peut laisser un bien d’une valeur de 100 000 euros à chaque enfant. Le bien est acquis par les 2 parents ce qui porte l’abattement à 200 000 euros par enfant soit 400 000 si vous avez 2 enfants. En Corse la base taxable entre 2013 et fin 2017 s’établira sur la moitié de la valeur des biens. La succession sera exonérée d’impôt jusqu’à 800 000 euros si 2 enfants héritent. Combien de familles Corses possèdent un tel patrimoine ?
• Mais alors pourquoi certains prétendent que les Corses les plus modestes seront les plus touchés?
Faux. Déjà il faut savoir qu’un Corse sur 2 ne possède aucun patrimoine. Les abattements en ligne directe exonèrent plus de 80% des héritiers même avec la baisse des abattements votés par le parlement en 2012 et la hausse des prix de l’immobilier. Reste donc une minorité de Corses qui devraient s’acquitter des Droits avec un montant de l’impôt largement supportable.
• Alors pourquoi certains disent que les Corses vont devoir vendre leurs biens aux étrangers pour payer les impôts ?
Effectivement il peut exister des exceptions avec des droits importants à payer pour les héritages très importants . Mais il existe des possibilités de régler l’impôt sur les successions sur 10 ans. Il faut savoir que l’exonération actuelle bénéficie à tous les riches héritiers qu’ils soient Corses ou pas. Ainsi est-il juste que les héritiers de Christian Clavier pour sa luxueuse maison de Porto Vecchio ne paient rien alors qu’un Corse qui a travaillé toute sa vie sur le continent est taxé sur ses biens qu’il possède à Marseille ou ailleurs ? Enfin si les prix de l’immobilier ont malheureusement fortement augmentés qui en profitent ? En tout cas pas la majorité des Corses mais plus surement les 2000 familles assujetties à l’impôt sur la fortune.
• Mais si je n’ai pas d’enfant et que je veuille laisser mes biens à mes frères ou neveux les abattements sont bien plus faibles.
Effectivement même si les frères et sœurs peuvent être exonérés sous certaines conditions. Comme on le constate trop souvent, de nombreuses maisons dans les villages tombent en ruine à cause des litiges familiaux et de l’indivision. Avec des héritiers enfin clairement identifiés juridiquement et même avec des droits à payer, peut être qu’il y aura moins de maisons à l’abandon. De plus les écarts vont souvent du simple au triple entre l’estimation d’un bien dans une succession et son prix lors d’une vente.
• Avec la spéculation immobilière, les prix du foncier flambent ce qui accroit d’autant les impôts sur les successions.
Personne ne peut nier la hausse des prix de l’immobilier en Corse mais aussi ailleurs. Si les prix en Corse flambent autant, c’est aussi pour partie à cause de l’arrêté MIOT. En effet les gens fortunés investissent en Corse sachant qu’ils seront exonérés sur les successions, ce qui fait grimper les prix. Une des conséquences de la fin de cette exonération est aussi de mettre un frein à cette envolée des prix .
• Oui d’accord mais ce n’est pas sûr que ce seront les jeunes Corses en quête de logement qui en bénéficient !!
Tout à fait et il faut que ça change. Aujourd’hui et malgré l’exonération de fait des successions, on le voit notamment dans certains villages convoités comme en Balagne, les Corses modestes ne peuvent se loger et il faut que cette situation scandaleuse cesse.
• D’accord mais comment ?
Depuis 40 ans les politiques successives ont misé sur l’attractivité touristique de la Corse. Pas étonnant que les prix explosent. Il faut donc rompre avec ces schémas. L’Etat devrait abonder l’Etablissement Public Foncier Corse de manière forte et pérenne afin d’encourager la construction de logements sociaux ainsi que l’acquisition d’un logement principal pour les Corses qui ont aujourd’hui les pires difficultés pour trouver un toit. Il faut rappeler que nous sommes la région qui possède le moins de logements sociaux. Cette ligne budgétaire serait exclusivement utilisée pour la construction de logements sociaux et pour l’acquisition d’une résidence principale. Avec ce budget, la CTC pourrait accorder par exemple un prêt à taux « zéro » jusqu’à 150 000 euros pour l’acquisition d’une résidence principale. La CTC pourrait également utiliser son droit de préemption et fixer des prix plafonds à la vente. Les dispositifs ne manquent pas y compris dans le cadre du futur PADDUC pour permettre aux Corses de se loger à des prix accessibles et raisonnables.
• Donc la taxation sur les successions n’est ni confiscatoire ni une mesure anti Corse.
L’impôt sur les successions n’a rien de confiscatoire et surtout elle est efficace économiquement. Il est redistributif et essentiel pour la cohésion sociale. Redonner à sa mort à la société une partie des biens acquis grâce aussi aux structures collectives (éducation, santé…) est le signe d’une société développée et solidaire qui croit en l’avenir. D’ailleurs au-delà des forces de gauche et écologiques qui ont approuvé le durcissement des mesures Hollande compte tenu du contexte budgétaire, certains même à Droite pensent que la taxation de la rente participe au dynamisme économique d’un pays en redistribuant les cartes.
• Mais si les Corses majoritairement veulent garder cette exonération pourquoi les en empêcher ?
L’égalité des citoyens devant l’impôt est un principe républicain qui protège la Corse. Nous sommes pour une péréquation nationale garant d’un développement harmonieux de toutes les régions et pour l’égalité de droits devant les services publics. Cette solidarité n’empêche pas les mesures spécifiques justifiées. Ainsi la Corse bénéficie de nombreuses mesures financées par la solidarité nationale. (Enveloppe de continuité territoriale, crédit d’impôt pour les entreprises, taux de TVA réduits…) Toutes ces mesures (qui sont pourtant confisquées par une minorité de Corses mais c’est un autre débat) sont financées par l’ensemble des impôts payés par tous les habitants du pays y compris avec l’impôt sur les successions. Il n’est donc pas logique que les Corses et tous ceux qui possèdent des biens en Corse, et particulièrement les plus riches ne contribuent pas également.
• Ne vaudrait-il pas mieux comme certains le demandent, donner à la Corse la possibilité de lever l’impôt comme on le déciderait ?
Attention danger. Tenir compte des particularités liées à l’insularité signifie apporter des mesures supplémentaires pour garder l’égalité de droit et de traitement. Si la Corse devait se gérer avec ses propres ressources fiscales (terminé les subventions et dotations diverses versées par l’Etat et l’Europe) il faudrait soit multiplier les impôts par 4 ou réduire très durement nos niveaux de vie ou les deux à la fois. La majorité des Corses serait lourdement pénalisée et s’enfoncerait dans la pauvreté ou partirait mais pas pour les mêmes raisons que Gérard Depardieu et tous ceux en quête d’exil fiscal !!
• Pourtant le Président Hollande et son Acte 3 vers plus de décentralisation avec davantage de pouvoirs aux Régions ne va-t-il pas dans ce sens.
Il est vrai que l’état des finances publiques avec des déficits énormes dus en partie aux réductions d’impôts passées pour les plus riches et les entreprises, peut inciter l’Etat à se désengager sur les régions. Cela porterait un coup dur au système républicain qui garantit les mêmes droits et prestations à tous les citoyens quels que soient leurs lieux de vie ; mais pour la Corse et compte tenu de nos ressources, les conséquences seraient bien plus graves que par exemple pour l’Alsace. En Corse aussi avec le chômage massif, la précarité et les bas salaires ceux sont les ressources qui font défaut.
• Qu’attend la CGT du gouvernement suite à la décision du conseil constitutionnel ?
Comme nous l’avons toujours revendiqué, l’impôt sur le patrimoine et la rente est un impôt juste, efficace et intelligent. Tous les syndicats au plan national sont sur cette ligne. Pour la Corse, la CGT n’est pas opposée à certains ajustements notamment sur les biens immobiliers sans titres de propriété. (en général de faible valeur). L’intérêt collectif supérieur de tous les Corses qui nous porterait à manifester avec tous les riches et les fils à papa qui profitent de la situation serait la pire des choses. Souvenons-nous de la manifestation de 1992 à Bastia pour un statut fiscal. Cela avait abouti à la Zone Franche qui a coûté 1 milliard d’euros d’argent public capté par une minorité sans que la situation générale ne s’améliore. Il ne faut pas que les Corses se fassent avoir une nouvelle fois.
• Pourtant la précarité, le chômage la baisse des pensions, la hausse des impôts et des taxes deviennent insupportables. Il faut réagir.
Tout à fait d’accord et la CGT continuera d’être disponible et combative pour des luttes et des mobilisations pour le progrès social et la solidarité. Nous continuerons de dénoncer les prix excessifs notamment sur l’alimentaire et le carburant en Corse. Il faut mettre fin à cette forme de racket que subissent les Corses alors que l’Etat nous accorde des réductions de TVA. Qui en profite ? De même pour les impôts locaux ; les hausses sont scandaleuses et insupportables. En 2012 le département de Corse du Sud a augmenté de 50% la taxe foncière. C’est plusieurs centaines d’euros supplémentaires qu’on du acquitter les propriétaires de leur résidence principale. Mis à part la CGT personne n’a réagi !!!
• Et bien continuons à nous poser les bonnes questions. Existe-t-il en matière de justice sociale les mêmes intérêts collectifs pour tous ?
Nous ne le pensons pas ; et la question du partage des richesses est encore plus nécessaire aujourd’hui alors que les écarts entre les riches et les autres se creuse. Notre expérience des luttes, nos valeurs de solidarité pour la paix et le progrès social sont reconnues. Bien sur nous ne prétendons pas détenir la vérité seuls contre tous et les avis même dans la CGT ne sont pas unanimes sur de nombreux sujets. La CGT n’est pas un parti politique et à vocation à unir l’ensemble des salariés, chômeurs et retraités car nous avons quelles que soient nos origines des intérêts communs à défendre. D’où l’appel que nous lançons en ce début d’année pour être plus nombreux organisés avec la CGT afin de changer la société dans le sens de la solidarité et du progrès social. »
Lu dan TERRE CORSE http://terrecorse.tumblr.com/post/40106385649/les-droits-de-succession-en-corse#.UO6HmHdNN2B
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