Corse – Le statut de résident, la Constitution et le prix du mètre carré…

Le sentiment de dépossession de la terre affecte les Corses pour deux raisons. L’une, matérielle, touche à notre économie, embryonnaire, marquée par le sous-développement. L’autre est d’ordre plus anthropologique : en dépit d’une urbanisation croissante, la Corse reste, dans l’inconscient collectif et à bien des égards dans nos réflexes quotidiens une société agro-pastorale. Le rapport à la terre, constitutif de notre identité, revêt ainsi un caractère quasi sacré.

Du point de vue de la méthode, il convient face à un problème complexe de se poser les bonnes questions et d’admettre que si solution il y a, celle-ci ne saurait être globale mais qu’elle s’apparentera à l’ordonnancement cohérent de pratiques et de règlements, lesquels doivent à la fois répondre dans l’immédiateté à des besoins pressants tout en préservant dans la durée le sentiment d’appartenance à une communauté de pensée. Aussi serais-je tenté de poser basiquement les questions du quoi, du pourquoi et du qui, autrement dit de l’usage du sol, des motivations des transactions et enfin de l’identité des contractants.

C’est de mon point de vue l’usage du sol qui est la question première. Ou l’on constate qu’à défaut de directive cadre d’aménagement (on n’ose plus dire PADDUC tant ce sigle comporte de résonances négatives…) on ignore ce que, globalement, les Corses souhaitent faire de leur territoire. Je pense pour ma part qu’il faut d’abord et clairement définir la place de l’agriculture en s’appuyant sur la SAFER comme opérateur chef de file qui doit être doté des moyens nécessaires pour préempter sur un marché étroit, morcelé, spéculatif et très hétérogène. Simultanément doit se poser la question de la protection de notre environnement, en prolongeant les travaux exemplaires du conservatoire du littoral. Ce n’est qu’une fois planifié l’usage agricole et préservé ce qui doit l’être que se pose la question du foncier à bâtir.

Qui vend ? Des Corses qui cèdent leur patrimoine comme ultime ressource. Qui achète ? Ceux qui en ont les moyens. On voit donc bien que le problème, c’est la valeur opportune du bien pour le vendeur confrontée au pouvoir d’achat de l’acquéreur. Il faut donc créer les conditions pour que des Corses ne soient pas acculés à vendre et que d’autres puissent acheter. On est bien là au coeur du projet d’Une Nouvelle Corse : bâtir une économie prospère et développer des marchés à haute valeur ajoutée, porteurs d’emplois aux salaires élevés.

Dans l’attente, rien ne serait plus dangereux que de fracturer la Corse en deux camps, les nantis et les indigents. Aussi, des outils de défiscalisation adaptée (type loi Scellier) doivent permettre à des Corses d’acheter des biens immobiliers à vocation locative et non spéculative, dispositif qui aurait le mérite de concilier le besoin de logement social et la capacité d’acquisition. Le temps est venu de sortir de l’incantation pour ce qui touche à la revitalisation de l’intérieur par des mesures visant, en conjuguant les efforts du GIRTEC et des collectivités locales, à transférer aux communes les biens abandonnés avec obligation de location sur une durée déterminée, mesures consolidées sur la base d’avantages fiscaux type zone franche.

Ne tuons pas dans l’oeuf l’établissement public foncier qui, associé à d’autres outils, doit conduire à une saine régulation du marché. Ce n’est qu’une fois fait usage en bonne intelligence de tous les outils existants que doit se poser la question du résident.

Si d’un point de vue philosophique, la problématique ne saurait être écartée d’un revers de main, elle n’est pas sans soulever des questionnements. Ayons le courage de dire d’abord que l’on est là dans un domaine supralégislatif et que le concept de résident se heurte, rien de moins, à la Constitution française (la déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacre dans son article 2 la propriété comme l’un des quatre droits « naturels et imprescriptibles de l’homme ») et aux traités internationaux (le traité de Rome prétend dès 1957 à « l’abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux »). Certes, ce ne sont pas là des dogmes intangibles mais quand même. Plus matériellement, je vois mal pour ma part comment la raréfaction de l’offre va pouvoir contribuer à faire chuter le prix du mètre carré et quels seraient dans ce cas les mécanismes de compensation et d’indemnisation notamment pour le secteur immobilier. Enfin et surtout je pense à la diaspora, partie intégrante de notre communauté de pensée, qui ne saurait être circonscrite à des années de résidence.

Pour aller plus loin et le dire sans faux semblant, la citoyenneté territoriale, même infra étatique, est un attribut de la souveraineté. Là commence le nationalisme, là se fixe l’horizon indépassable de ceux qui ne sont pas nationalistes. C’est pourquoi je suis convaincu que le concept ne verra pas le jour avant de longues années tant le sujet est clivant et relève d’un parcours laborieux. Prenons garde à rester dans le champ des possibles, veillons à ce que la réflexion ne retarde pas la mise en oeuvre d’actions réalistes. Sans insulter l’avenir, sans rien s’interdire, montrons-nous soucieux de répondre aux urgences de la situation.

Par Jean-Martin Mondoloni – Président de l’UNC (Une Nouvelle Corse)

 

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