#Corse – « Jean Paul Poletti, Jacques Fieschi : la machine à broyer »

Jean Paul Poletti et Jacques Fieschi ont à nouveau lancé un SOS en occupant le hall l’Assemblée de Corse durant deux nuits avant qu’il n’en soient expulsés par la police. Une énième protestation pour deux situations maintes fois dénoncées, mais qui n’a, à ce jour, trouvé aucunement solution. 

FrancoisAlfonsiAu contraire : en saisissant la quasi-totalité de ses revenus depuis plusieurs mois, l’administration fiscale est en train de précipiter Jean Paul Poletti dans la plus infamante des précarités. La honte n’est pas pour lui ; elle est pour la société corse toute entière pour qui ses créations artistiques ont constitué un pan très important de la vie culturelle tout au long des quarante dernières années. Pour Jacques Fieschi, les éléments du dossier sont de nature différente et l’urgence moindre. Mais les mécanismes sont les mêmes, et face à la situation d’urgence qui frappe Jean Paul Poletti, il a agi en pleine solidarité avec son compagnon d’infortune.Le dossier de Jean Paul Poletti mérite d’être détaillé pour mieux mesurer l’ampleur du désastre administratif qu’il représente. Au début des années 90, il est au plus haut de l’impact commercial de ses créations qui lui assurent, via les droits reversés par la Sacem, des revenus suffisants. Il lance alors bénévolement l’association Granitu Maggiore pour monter un projet de centre de formation aux arts polyphoniques. Le projet prend corps, et après quatre ans de bénévolat, une subvention est accordée à l’association pour développer le projet. Projet abouti depuis, ce qui n’est pas toujours le cas des « études de projet » qui ont été financé en Corse !En 1992, Jean Paul a une première fille, puis deux autres enfants naissent les années suivantes. Tout naturellement, il dépose une demande pour bénéficier d’allocations familiales. Or les années passent, rien ne lui est versé, les recours restent sans suite, et ce n’est qu’en 2002, dix ans après la naissance de son aînée, que le couple touche enfin une partie de son dû, car, bien qu’ayant été totalement reconnu dans ses droits, Jean Paul ne touchera qu’un rappel sur quatre ans, la prescription quadriennale permettant au trésor d’ignorer les années antérieures.C’est cette injustice flagrante qui amène Jean Paul Poletti à une première protestation qui lui mettra le doigt, puis le bras, et maintenant tout le corps dans la machine à broyer de l’administration fiscale. En 1997, il refuse de faire sa déclaration de revenus 96. Aussitôt l’administration fiscale le met en redressement et saisit au passage une subvention attribuée à sa société de production.

Puis, au même moment, arrivée en Corse de Bernard Bonnet, et Jean Paul Poletti, « signalé » par son refus de déclaration, écope, comme de nombreux autres, d’un contrôle fiscal poussé. Ce contrôle fiscal soulève un lièvre tout à fait imprévisible : Jean Paul Poletti apparaît parmi les salariés d’une association sartenaise liée à la municipalité qui avait justifié par une attestation de salaire à son nom, alors qu’il n’avait jamais été salarié par elle, les dépenses lui permettant de bénéficier de subventions municipales. Ce « détournement » auquel Jean Paul est totalement étranger avait en fait pour but d’alimenter en sous-main la caisse du club de football local et les « primes » accordées aux joueurs les plus en vue. Mais le fisc n’attend pas d’explications, et il procède aussitôt à un redressement global, avec pénalités, intérêts de retard et tout le toutim, à hauteur de 6 millions de francs, un million d’euros !

En première instance le TA de Marseille,  divise l’amende par 10, pour tomber à 108.000 €. Puis la cour d’appel a finalement retenu un passif de 40.000 €, 25 fois moins que la somme demandée par le fisc. Le tribunal rejette en bloc les demandes ubuesques du fisc sur le faux salaire de Sartène, mais retient la première affaire de refus de déclaration, augmentée de pénalités diverses. Jean Paul Poletti persiste à contester cette somme, estimant que l’Etat, qui n’a toujours pas reconnu ses torts concernant les allocations familiales qui lui sont dues depuis 1992, ne pouvait lui réclamer une telle somme.

La réponse de l’Etat était écrite à l’avance : nouveau contrôle fiscal. Cette fois c’est sa société de production de spectacles, appelée « société Jean Paul Poletti » qui est mise dans le collimateur du fisc. Cette société encaisse avec les recettes des spectacles, et en paye les frais : salles, sonos, musiciens intermittents du spectacle, etc… Face à des recettes insuffisantes, Jean Paul apporte en nom propre des fonds dont il dispose grâce à ses droits d’auteur, pour lesquels la Sacem prélève, et verse directement au fisc, les impôts correspondants. Le contrôleur fiscal ne l’entend pas de cette oreille : pour lui, ces sommes sont des revenus dissimulés qui doivent être soumis à l’impôt, et il prononce un redressement de 24.000 € contre toute raison, les preuves étant là que les tournées de l’époque de Jean Paul étaient déficitaires. Mieux, il lance l’URSSAF sur le dossier des charges sociales, qui n’hésite pas à prononcer un redressement injustifié de 80.000 €. Ce n’est que sept ans plus tard, en 2011, que l’URSSAF admettra le bon droit de Jean Paul Poletti… moyennant des frais d’avocat de 6.000 € qui ne lui seront jamais remboursés.

Mais face à ce énième redressement du fisc de 24.000 €, gagné par la lassitude et totalement démoralisé, s’arc-boutant sur sa bonne foi et son exigence que l’Etat reconnaisse enfin la persécution dont il est victime, Jean Paul Poletti n’engage pas les recours habituels. Si bien que la somme devient exécutoire, et le total de 64.000 € est mis en recouvrement par un avis à tiers détenteur qui confisque la totalité de ses droits d’auteur, et le principal de sa paie de fonctionnaire territorial attaché au Centre d’Art Polyphonique de Sartène, ne lui laissant que le minimum insaisissable pour survivre. Avec trois enfants à charge, il est ainsi rejeté avec la plus extrême brutalité dans la plus grande précarité.

Voilà raconté de façon détaillée, la réalité de la situation de Jean Paul Poletti. Ainsi les rumeurs les plus diverses qui parfois circulent peuvent être confrontées à la réalité indiscutable de son dossier qui atteste d’un comportement ouvertement abusif des services de l’Etat, et d’une persécution manifestement orchestrée contre lui.

Il est temps, et plus que temps, que l’Etat prenne acte de ses responsabilités dans la situation financière, comme morale, dans laquelle Jean Paul Poletti a été placé. Un règlement favorable s’impose dans ce dossier, par souci d’équité, et par souci d’humanité.

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Le cas de Jacques Fieschi est tout aussi éclairant sur les pratiques de l’Etat durant la période Bonnet et au-delà.

En 1994, en marge des affrontements entre nationalistes, Jacques Fieschi est menacé dans ses biens et même davantage. Façade mitraillée, puis un incendie volontaire détruisent un local lui appartenant qui abrite le supermarché « Prisunic » du groupe Casino. L’assurance lui verse un forte indemnité qu’il met à disposition de son entreprise. Ce sont là des apports personnels, que le fisc a taxé, tout à fait illégalement comme un revenu non déclaré. Puis quand il a eu besoin de ces sommes pour des dépenses personnelles, leur récupération a été aussitôt taxée « d’abus de bien social yant provoqué une banqueroute ».

Direction la cour pénale qui, après instruction du désormais célèbre juge Genty (il a aujourd’hui en charge le dossier Bettencourt à Bordeaux), et sans que le désormais célèbre procureur Dallest (qui dirige aujourd’hui la JIRS à Marseille) ne trouve à redire, un non-lieu est prononcé. Le fisc ne l’entend pas de cette oreille, et il va réclamer la supposée fraude fiscale devant le Tribunal administratif d’Aiacciu. Le tribunal donne raison à Jacques Fieschi. Appel est alors fait auprès de la Cour d’Appel de Bastia, qui condamne Jacques en argumentant de la façon suivante : « la Cour constate (…) qu’il n’existe aucune preuve d’une quelconque indemnisation par une compagnie d’assurance, ni même aucune trace du sinistre qui aurait été indemnisé ».

Le sinistre qui a été entièrement détruit le magasin, je peux en témoigner car j’étais présent dès le lendemain sur le site, et toutes les coupures de presse qui figuraient dans le dossier en attestent également, ainsi que les relevés de banque et les avis des versements successifs de l’assurance. C’est d’ailleurs pour ça que toutes les premières décisions de justice ont été favorables à Jacques Fieschi. Sauf bien sûr celle de la Cour d’Appel de Bastia, dont le jugement n’a pu être cassé en Cassation car il n’avait pas de vice de forme. Jusqu’où le fisc ira-t-il pour accomplir ses turpitudes ?

François Alfonsi, Eurodéputé

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