La défense d’Yvan Colonna a demandé avec véhémence mardi à la cour d’assises spéciale de Paris de « déclarer irrecevable » une lettre de menaces attribuée au berger de Cargèse, jugé pour la troisième fois pour l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac.
Le Directeur central de la Police judiciaire (PJ), Christian Lothion, qui avait remis vendredi soir 27 mai à la Cour ces quatre pages manuscrites photocopiées, en langue corse, s’est même entendu traiter de « barbouze » par un des avocats, Me Antoine Sollacaro, et menacer de plainte pour « faux et usage de faux ».
« Si c’est un faux, je l’assumerai », a répondu M. Lothion, entendu mardi après-midi et passé sur le grill par les cinq avocats du berger.
« On soutient que cette photocopie est irrecevable », a d’emblée déclaré Me Philippe Dehapiot, avant de demander à la cour de l’écarter, du fait de la manière irrégulière dont elle avait été obtenue.
Il a d’abord été dit que cette lettre, datée de décembre 2010, avait été saisie dans la cellule de son présumé destinataire, Pierre Alessandri, condamné à perpétuité en 2003 après avoir été reconnu coauteur de l’assassinat du préfet.
Selon une traduction demandée lundi par la cour à un magistrat de Bastia, Yvan Colonna y demande à son ancien ami, qu’il considère désormais comme une « balance », de tout faire pour l’innocenter, faute de quoi ce serait « la guerre ».
Or, Alessandri, par le biais de son avocat, a fait savoir qu’il n’avait jamais eu cette lettre et qu’aucun courrier n’avait été saisi dans sa cellule.
Le patron de la PJ n’a guère apporté de détails mardi sur son acheminement.
Cette lettre « m’a été remise par quelqu’un que je connais professionnellement », a-t-il dit.
Cette personne, qu’il a rencontrée « à proximité » de son bureau, lui a indiqué qu’il s’agissait « d’un courrier transmis par Colonna à l’un des membres du commando ».
Le commissaire a affirmé avoir demandé des détails à son informateur, mais assure ne pas en avoir obtenus, et ne pas avoir eu l’original de la lettre. Il a refusé catégoriquement de donner le nom de cet informateur.
« Il est évident qu’il est toujours très délicat de communiquer le nom des sources, cela tient à la sécurité des personnes, dans cette affaire comme dans d’autres », a-t-il commenté.
« Il nous faut le nom de votre informateur ! », a tonné Me Antoine Sollacaro, en tapant du poing sur la table. « Pour moi, ça, c’est une manipulation, une invention, une création, qui émane de votre ministère, de votre proximité (…) « Nous demandons à la Cour d’écarter ce document parce que c’est un faux », a-t-il lancé.
Sur ce, après le départ du commissaire, Me Yves Baudelot, avocat de la famille Erignac, s’est dit « stupéfait » d’entendre dire « qu’on est en présence d’un faux ».
L’avocat a ironisé sur « l’extraordinaire rétropédalage de (ses) confrères », en citant les déclarations à la presse de certains d’entre eux durant le week-end, qui ne semblaient pas douter de son authenticité.
Pour lui, cette lettre « est de la main d’Yvan Colonna, montre ce qu’est sa personnalité (…) et nous rappelle que le tueur, c’est lui ! ».
Yvan Colonna, lui, pâle dans un tee-shirt blanc, qui s’affirme innocent du meurtre du préfet, n’a rien dit de cette lettre.
Il est jugé une troisième fois pour cet assassinat, la confirmation en appel de sa condamnation à perpétuité ayant été annulée par la Cour de cassation.
L’audience se poursuivait en fin d’après-midi, avec l’examen des modalités d’une reconstitution du crime à Ajaccio, acquise sur son « principe » par la cour.