La décision d’attribuer le prix Nobel de la Paix 2012 à l’Union Européenne a surpris et, en même temps, ce prix distingue un lauréat tout à fait légitime car l’Union Européenne est une oeuvre de paix incontestable. Mais elle est tellement évidente que l’on oublie trop souvent d’en avoir conscience.
Pourtant, que de catastrophes à prévoir si elle venait à manquer ! En ces temps difficiles, le Comité Nobel a fait un choix judicieux. La décision d’attribuer le prix Nobel de la Paix 2012 à l’Union Européenne a surpris et, en même temps, ce prix distingue un lauréat tout à fait légitime car l’Union Européenne est une oeuvre de paix incontestable. Mais elle est tellement évidente que l’on oublie trop souvent d’en avoir conscience.
Pourtant, que de catastrophes à prévoir si elle venait à manquer ! En ces temps difficiles, le Comité Nobel a fait un choix judicieux. L’Union Européenne est une oeuvre de paix pour le passé, pour le présent et pour l’avenir. Sa création sur les ruines d’une Europe ravagée par un demi-siècle de guerres successives a permis la résurrection d’un continent moribond. Sa solide et pragmatique progression à partir des années 60/70 a eu raison de trois dictatures post-fascistes au tournant des années 80, en Grèce, en Espagne et au Portugal, et permis une transition démocratique accélérée. Au tournant des années 90, elle a assuré la victoire de la démocratie sur le totalitarisme pour quelque 150 millions d’Européens qui vivaient au delà du rideau de fer.
L’ancienne RDA, la Pologne, la Tchéquie ou l’Estonie ont déjà quasiment rejoint les stantards économiques et humains de la moyenne européenne. Les autres sont plus à la peine, mais gageons que c’est une question de temps, quelques années encore. Et, en ce moment même, nous assistons à des progrès démocratiques très encourageants dans l’espace historiquement instable des Balkans où quelques dizaines de millions d’habitants, en intégrant successivement l’Union Européenne, hier la Slovénie, dans quelques semaines la Croatie, et à terme tous les autres, progressent à vue d’oeil vers plus de démocratie.
Ce simple rappel justifie à lui seul la décision du Comité Nobel. Il faut y ajouter l’intérêt réel de sa gouvernance actuelle pour peser dans le sens de la résolution pacifique des conflits de par le monde. Certes, la diplomatie européenne n’est pas une, et très souvent les intérêts séparés, et concurrents, des Etats membres développent des logiques contradictoires. Cependant, sous l’impulsion du Parlement Européen, une «philosophie politique» a été mise sur pied dont les principes sont essentiels pour aller vers un monde plus juste et plus stable.
L’axe cardinal de cette politique repose sur un principe simple : la progression de la démocratie conditionne la consolidation des processus de paix là où les conflits perdurent ou menacent. Ainsi les relations avec les pays tiers, qui sont appuyées par un Fonds Européen de Développement équivalent au total de ce que les 27 pays européens consacrent séparément, sont reliées à une «grille des droits humains» ainsi déclinée : existence d’une démocratie parlementaire avec une opposition représentée, des élections libres et sincères, une justice indépendante, une presse libre, le respect des droits des femmes et le respect des droits des minorités. Certes j’ai eu à regretter que ce dernier pilier soit trop souvent minimisé, par exemple pour les amazighen en Afrique du Nord avec notamment l’exemple des Touaregs au Mali, ou encore pour le peuple kurde. Certes certains principes sont souvent foulés aux pieds sans que l’Europe n’agisse avec toute la sévérité nécessaire dès l’instant que ses intérêts entrent en jeu. Mais ces principes sont posés, et c’est déjà en soi une démarche extrêmement positive.
Et, à travers l’octroi, ou non, de son aide au développement, l’Union Européenne agit sans bruit mais avec efficacité. J’ai pu assister ainsi, lors d’une réunion avec les parlementaires de l’Afrique sub-saharienne, à la mise en cause de l’Ouganda dont le gouvernement avait promulgué une loi instaurant la peine de mort pour les homosexuels. Après quelques mois de débats houleux et de crédits européens gelés, le régime au pouvoir en Ouganda a fait machine arrière et annulé cette loi inhumaine. Certes c’est plus facile à faire avec l’Ouganda qui dépend fortement des crédits européens qu’avec l’Algérie ou l’Arabie Saoudite. Mais pourquoi minimiser cette influence qui concourt incontestablement à la promotion des droits humains partout dans le monde ? A côté de la diplomatie presque exclusivement sécuritaire des USA, de celle trivialement économiste de la Chine, ou celles inspirée par les formes nouvelles du totalitarisme comme l’Arabie Saoudite et le Qatar, l’Europe, certes de façon désordonnée et encore insuffisante, avance un modèle fondé sur les droits humains.
Cette vision d’avenir méritait elle aussi d’être distinguée par le Comité Nobel. Enfin, peut-être involontairement, ce prix Nobel met en évidence le problème politique majeur pour l’Europe, qui se pose de façon tout à fait triviale : qui ira à Oslo représenter l’Union Européenne et recevoir sa récompense ? Sous une autre forme, cela rejoint la sortie célèbre d’Henry Kissinger, chef de la diplomatie américaine des années 80, qui s’interrogeait publiquement sur le «numéro de téléphone» par lequel il pouvait rentrer en contact avec l’Europe. En 2012, avec la crise économique qui sape chaque jour un peu plus les bases patiemment jetées depuis cinquante ans, c’est bien le problème existentiel le plus important pour l’Union Européenne, que seul un saut fédéral pourra résoudre.
François ALFONSI
ARRITTI
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