Une première. À une exception près, les groupes politiques assisteront aux Ghjurnate di Corti. La droite sera aussi présente. Jean-Guy Talamoni (Corsica Libera) l’affirme : « Une nouvelle ère s’ouvre ». Entretien
Pourquoi avoir invité tous les groupes politiques de l’assemblée ?
Notre pays se trouve vraiment cette fois-ci à la croisée des chemins. La réforme que nous souhaitons mener à bien est urgente. Depuis l’échec du processus de Matignon, la situation corse s’est considérablement aggravée, notamment sur les plans de la langue et du foncier. Si la réforme actuellement en discussion n’aboutit pas et que nous perdons à nouveau dix ans, je ne suis pas sûr qu’il y aura encore beaucoup de choses à sauver. C’était donc le moment ou jamais pour agir.
Or les nationalistes ne changeront pas la situation corse tout seuls, et encore moins contre les autres forces politiques de l’île. Si nous ouvrons ensemble sur un nouveau chemin, il n’y aura pas de vaincus, tous les Corses y trouveront leur compte. Le dialogue est donc indispensable avec l’ensemble des responsables. Le fait que les différentes forces politiques aient accepté de venir à Corti – ce qui est une première – ne relève pas seulement du symbole, c’est la preuve qu’une ère nouvelle est en train de s’ouvrir dans les rapports entre Corses.
Peuple corse : « Le message est reçu cinq sur cinq »
Quels sont les points fondamentaux où chacun peut faire un bout de chemin vers l’autre ?
Nous entrons là dans le vif du sujet, car la bonne volonté ne suffira pas.
Il faudra aussi parvenir à s’entendre sur l’essentiel. L’objectif n’est pas de se faire plaisir, ni de conforter une quelconque idéologie, il est de mettre en œuvre une réforme donnant la garantie que le peuple corse demeurera une réalité sur la terre de Corse. La barre doit être placée à une hauteur suffisante pour que ces garanties soient acquises. Elle doit être hissée au niveau du seuil permettant d’inverser les tendances. En matière de langue corse, il faudra atteindre le point où celle-ci arrêtera de décliner pour retrouver sa place dans notre société. En matière de foncier, il faudra interrompre la hausse des prix, 25 % en un an en Haute-Corse, et revenir à des montants accessibles pour les insulaires.
Il n’y a rien de dogmatique, simplement la volonté de préserver nos intérêts collectifs.
Vu les dossiers ouverts par le conseil exécutif sur la langue, le transfert de la fiscalité et le statut de résident, vous ne vous sentez pas l’herbe coupée sous les pieds ?
Bien au contraire, nous en tirons une grande satisfaction. Lors des élections territoriales et aux assises du foncier, nous avons été les seuls à défendre cette idée de résidence-citoyenneté. On nous a dit : « Démontrez-nous que cette mesure est nécessaire ». Nous l’avons prouvé. Aujourd’hui, il semble y avoir une majorité pour l’admettre. C’est une première victoire, non pas pour nous personnellement, ce qui n’a aucune importance, mais pour nos idées. Pour la fiscalité, c’est exactement la même chose.
Le Conseil exécutif ne reprend pas notre position sur la territorialisation des impositions pour nous couper l’herbe sous les pieds comme vous dites, ni à l’inverse pour nous faire plaisir. Simplement parce que nous avons convaincu de la pertinence de nos revendications.
Le consensus sur la réforme constitutionnelle peut donc se faire avec votre bénédiction…
Nous avons été les premiers à mettre en avant le principe de la révision constitutionnelle, car nos propositions sur la langue et sur la citoyenneté l’impliquaient de façon évidente. S’agissant du projet global que l’assemblée de Corse devra élaborer, nous le validerons s’il prend en compte les revendications nécessaires pour changer les choses. Actuellement, notre groupe participe activement aux travaux de la Commission Chaubon. Nous avons bon espoir d’aboutir à la définition d’un projet cohérent intégrant les dispositifs essentiels, officialité de la langue, citoyenneté, fiscalité propre, refonte institutionnelle.
Ce projet, parce qu’il aura été placé au bon niveau, ne devra pas être considéré par Paris comme une base de négociation mais comme l’expression de la volonté des Corses à prendre en compte telle quelle.
Il est évident que la solution politique globale au problème corse devra intégrer la question des prisonniers pour que Corsica Libera y souscrive.
La reconnaissance du Peuple corse sera-t-elle, comme il y a vingt ans, la pierre d’achoppement ?
Il ne vous a pas échappé que le groupe des radicaux de gauche, le plus éloigné de nos idées, a validé cette notion de peuple corse la semaine dernière, lors du vote sur le Padduc. À l’occasion du débat, Corsica Libera avait tendu la main à ce groupe malgré tout ce qui nous sépare. Le message semble avoir été reçu cinq sur cinq. Lors du travail en commission, chacun y a mis du sien et le vote unanime (abstention de la droite, NDLR) a été un succès pour la Corse et ses institutions. Tout le monde y a gagné.
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