Procès du 4 juin – Quand la justice était la cible de Jean-Marie Pittiloni #Corse

Cela aurait dû être l’une des journées les plus intéressantes de ce procès du FLNC-UC. Elle a failli dégénérer une nouvelle fois en foire d’empoigne entre la défense et le ministère public d’une part mais aussi avec le président qui a, encore, été contraint à suspendre pour que chacun retrouve son calme.

La matinée était consacrée à l’une des actions les moins importantes de cette audience.

Si ce n’est qu’elle replace les faits dans un contexte. Le 12 janvier 2008, vers 20 h 30, Jean-Marie Pittiloni tire une rafale d’Uzi sur la façade du palais de justice du boulevard Masseria à Ajaccio. « On m’avait dit que si la manifestation dégénérait je devais faire cette action », déclare-t-il hier. La manifestation c’est effectivement celle qui dégénère jusqu’à l’incendie du bureau du président Ange Santini. Qui a lieu pratiquement à la même heure. Sauf, que le mitraillage passe quasiment inaperçu dans la cohue générale. Il faudra que Jean-Marie Pittiloni téléphone aux pompiers puis à la police pour qu’on le prenne vraiment en compte.

Dès lors le président Régis de Jorna et le procureur Olivier Bray (toujours seul pour l’accusation) tentent désespérément de savoir qui est « on ». Dans un premier temps, en garde à vue, Jean-Marie Pittiloni a désigné Joseph Nasica. Puis il l’a dédouané en cours d’instruction, assurant que Nasica a « pris du recul » dès le 23 décembre 2007.« En garde à vue les policiers m’avaient dit que Joseph disait que j’étais incontrôlable et que j’avais d’autres laisses. Cela m’a mis en colère », explique Jean-Marie Pittiloni. Le président insiste : « On vérifie depuis le début que vous ne mettez pas les gens en cause faussement », rappelle-t-il à l’accusé. À plusieurs reprises, le mot « balance » est utilisé par le président et l’avocat général. Pour faire sortir Pittiloni de ses gonds ? Le procédé ne marche pas. On a l’impression que l’on voudrait faire revenir Joseph Nasica sur cette action. Son avocat, Me Gilbert Fayolle, finit par perdre patience. « Excusez-moi, mais l’ordonnance de renvoi a tenu compte de ce que déclare M. Pittiloni et de la mise hors de cause de Joseph Nasica », lance-t-il sèchement au président.

Olivier Bray saisit l’occasion à la volée : « Votre client est renvoyé pour association de malfaiteurs jusqu’au 21 avril »,assène-t-il au défenseur. Le président de Jorna enchaîne : « On reproche aussi à M. Nasica un rôle de direction, c’est pour ça que l’instruction se fait large… ». « Ah, ça, pour être large ! », rétorque le Me Fayolle ironique en se rasseyant…

Littérature policière

A la reprise de l’après-midi, les esprits auraient pu se calmer. On passe aux choses sérieuses. Le mitraillage des modulaires du TGI d’Ajaccio, le 19 février 2008. Mais une nouvelle fois, les détails priment sur le fond. L’un des enquêteurs de la DRPJ, Benoît Magne est en visioconférence. Il évoque, quelques minutes après les faits, le passage d’une moto Suzuki jaune et d’un Peugeot Partner gris dans un sens puis dans l’autre, quelques minutes après le mitraillage. Dès ce jour-là, il a attribué la moto à Jean-Marie Pittiloni et le Partner à Jean-Baptiste Battini. À demi bon. Si le premier a reconnu être le propriétaire de la moto, le second, qui comparaît libre, n’est pas du tout renvoyé pour cela. Mais une question de l’avocat général peut laisser penser que Battini a quelque chose à voir dans ce mitraillage. Me Gilles Antommarchi saute sur ses pieds.« Saviez-vous que M. Battini n’est pas concerné ? Qu’il n’est pas renvoyé pour cela et n’a même jamais été questionné à ce sujet ? », s’emporte-t-il. « Non », répond le policier.

L’occasion est donnée. Me Barbolosi et Garbarini prennent à leur tour la parole pour évoquer les gardes à vue de Jean-Baptiste Battini et Jacques-Jean Papini. L’un et l’autre veulent lire des extraits des questions posées par le lieutenant Le Joly de la Sdat.

Le président Régis de Jorna les coupe. « Je n’ai pas souhaité qu’on les lise », avance-t-il. Les hommes en noir parviennent tout de même à glisser quelques extraits en stipulant que « la cour n’a pas lu le dossier ». On se rend compte que le fonctionnaire de police a « des lettres ». Ses questions font référence à « Un Corse illustre qui n’est pas U babbu di a Nazione ». Il dit à l’un des gardés à vue « comme dirait Tino Rossi, je n’ai pas été tous les jours bien sage mais je demande pardon… ». Il évoque une « corsitude qu’on pourrait comparer à la négritude ». Le profond mépris qu’il éprouve pour les gardés à vue transpire de chacune des questions. Toujours en visioconférence, Benoît Magne soutient qu’il n’avait pas connaissance de ces PV. Une certaine gêne s’installe et le président de Jorna suspend enfin avant d’entendre à nouveau le lieutenant Audrey Parent sur la téléphonie.

Toute la journée d’aujourd’hui sera consacrée à démêler les liens entre les 18 accusés.

Ce qui pourrait donner lieu à de nouvelles empoignades.

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