(Archive 1980 – Publié le 30 Avril 1980 dans le journal ARRITTI) Le 5 avril dernier (1980 NDLR) l’UPC a adressé à Sa Sainteté le Pape JEAN PAUL II une lettre dans laquelle est exposée la situation actuelle du Peuple Corse. Cette lettre a été expédiée à Son Excellence le Nonce Apostolique à PARIS avec prière de la transmettre au Pape.
L’U.P.C. considère qu’elle est actuellement parvenue à son destinataire et qu’il est donc possible de la rendre publique puisqu’il s’agit d’ailleurs uniquement d’informer le Souverain Pontife des dangers que la politique de l’Etat en Corse fait courir à notre Peuple.
C’est, on le verra, comme «à la plus haute autorité spirituelle et morale de notre temps » que l’U.P.C. s’est adressée à Jean-Paul II.
Le document que nous publions constitue à nos yeux une synthèse utile qu’il est convenu désormais d’appeler « La question corse ». C’est à ce titre que nous avons cru devoir le soumettre à nos lecteurs.
BASTIA, le 5 avril 1980
Très Saint Père,
L’U.P.C. (Unione di u Populu Corsu) est un mouvement autonomiste légal, ayant la volonté de poursuivre son action hors de la violence et dans la légalité aussi longtemps qu’il le pourra sans trahir son combat pour la survie du Peuple Corse. Pour ce Peuple qui est le nôtre, nous revendiquons la reconnaissance officielle de son existence, le respect de ses droits inaliénables et la maîtrise de son destin par l’autonomie interne, solution constitutionnelle qui n’est pas l’indépendance.
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Les Corses constituent un Peuple que l’on a condamné à disparaître.
C’est pour souligner le caractère dramatique de son appel à la plus haute autorité spirituelle et morale de notre temps, que l’U.P.C. a voulu placer cette double affirmation aux premières lignes de son propos, sans autre précaution liminaire. Si notre lutte n’avait pas été plus impérieuse encore que celle d’un Peuple privé de liberté et revendiquant légitimement son droit à disposer de lui-même, nous aurions hésité à soumettre spécialement le cas de la Corse à votre paternelle attention. Il y a malheureusement aujourd’hui beaucoup de peuples en quête de liberté, soumis au colonialisme, et « pas seulement dans le tiers-monde » comme vous l’avez très justement remarqué. Si notre Peuple avait été simplement un de ceux-là, nous aurions pu invoquer votre autorité par référence à l’action permanente que vous menez depuis longtemps pour le respect des droits et des libertés individuelles ou collectives.
Mais le Peuple Corse subit depuis la conquête française et particulièrement depuis un quart de siècle, une colonisation qui, visant sa destruction à terme plus encore que son asservissement, est peu spectaculaire, souvent camouflée et, de ce fait, (doublement efficace.
C’est parce que nous sommes conscients de la finalité mortelle de la politique de l’Etat Français dans Pile, que nous adressons au Chef de l’Eglise Catholique, au nom des Corses résolus à ne pas accepter la mort de leur vieux peuple. En position juridique évidente de « minorité nationale » en dépit du refus de la France de reconnaître ce fait de l’Histoire, le Peuple Corse ne peut pas être condamné à disparaître sans « une injustice grave », selon les termes de votre prédécesseur le Pape Jean XXIII dans l’encyclique « Pacem in terris » que nous avons rappelée, il y a quelques mois encore, dans une lettre au Président de la République Française.
Ce Peuple, le Saint Siège, qui a longtemps affirmé ses droits sur l’lle, le connaît bien et l’a protégé à plusieurs reprises dans les siècles lointains contre les entreprises des divers colonisateurs. Saint Grégoire le Grand n’a-t-il pas demandé à l’empereur byzantin Maurice de mettre fin à la perception d’impôts si lourds qu’ils réduisaient les Corses à vendre leurs enfants ? LEON IV n’a-t-il pas accueilli paternellement autour du Vatican les réfugiés Corses fuyant l’occupation sarrasine ? Vos prédécesseurs sont souvent intervenus pour faire respecter les droits de notre communauté et lui ont assuré, dans le cours d’une dramatique existence, des périodes de paix.
Au fil des générations, dans le creuset aux limites immuables de son territoire insulaire, enrichi certes de différents apports, en tout cas fortifié et en quelque sorte consacré par les combats incessants qu’il a dû mener contre la convoitise de ses nombreux envahisseurs, le Peuple Corse s’est fait Nation, en ce sens qu’Il s’est forgé une personnalité, une identité, un besoin de vie communautaire, une âme que n’ont pu détruire ni les conquête», ni les répressions.
Depuis deux siècles, pourtant, l’Etat Français qui, par l’argent et par le fer, s’est rendu maître en 1769 de la Corse alors Indépendante, ne s’est pas contenté de l’annexion du territoire et de l’intégration administrative des habitants. Au nom d’un unitarisme féroce, il a déployé contre notre Peuple des efforts permanents, insidieux ou déclarés, pour le détourner de son passé, de sa culture, de sa terre même et le noyer dans un ensemble auquel il n’appartenait de toute évidence ni par l’Histoire, ni par l’ethnie.
Le passé de leur Peuple n’est pas enseigné aux enfants de Corse. C’est une blessure profonde qui nous est ainsi faite. Comme vous l’avez proclamé à propos de votre Patrie polonaise: « Une Nation a besoin pour vivre de connaître la vérité sur elle-même; elle a le droit d’accéder à cette vérité. Elle a par dessus tout le droit d’apprendre cette vérité de ceux qui enseignent ».
La Langue Corse, véritable langue romane, parlée certes plus qu’écrite par suite des vicissitudes de notre Histoire, mais que nos enfants, pendant des siècles, ont sucée avec le lait maternel, est proscrite de tous les actes officiels, dénoncée comme un patois dégradant pour ceux qui l’utilisent. Il aura fallu vingt cinq ans de lutte pour qu’elle bénéficie d’une Loi appliquée dès 1951 en France à certaines Langues régionales du territoire continetal, et qu’elle soit, dès lors, parcimonieusement enseignée à titre d’alibi, comme un caprice facultatif.
Nos traditions, notre manière de vivre et d’exprimer la vie, nos usages communautaires, notre conception des valeurs humaines, toutes ces composantes de notre culture nationale ont été, par une propagande sournoise, dénaturés, diffamés, ridiculisés pour imputer à notre Peuple, suivant l’usage constant des colonisateurs, un sous-développement culturel auquel il conviendrait de remédier par l’apport de la « vraie civilisation »…
Tel fut, très Saint Père, le premier but de la politique pratiquée en Corse par les dirigeants français de tous les régimes depuis la conquête: arracher au Peuple Corse sa personnalité historique et culturelle, son âme et son visage pour lui imposer le masque dépersonnalisant de l’unitarisme et en faire un peuple pratiquement vidé de sa substance spirituelle, culpabilisé et presque honteux de lui-même.
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Mais un vieux Peuple, antérieur à certains de ceux qui ont voulu le coloniser, ne se laisse pas détruire si facilement et, malgré ses efforts, le centralisme monolithique de la France constata bientôt que, pour réussir dans son entreprise, il devait s’en prendre à l’intégrité physique de notre communauté.
La conquête avait été suivie, contre la résistance corse, d’une répression impitoyable qui dura près d’un demi siècle et amputa notre Peuple (par les exécutions, les déportations et la fuite des hommes traqués) d’un grand nombre de ses fils les plus jeunes et les plus ardents.
Cette triste période, sur laquelle nous ne nous attarderons pas afin d’écarter de notre appel des éléments passionnels qui n’y ajouteraient rien, fut suivie de l’application, pendant un siècle entier (1818-1912), d’une Loi douanière condamnant l’Ile à la misère et à la sujétion économique totale, en dépit des ressources naturelles qui font, de la Cor- se, la plus riche de toutes les Iles de la Méditerranée. Cette Loi disposait que les produits insulaires exportés en France subiraient les taxes maximales appliquées aux marchandises étrangères tandis que les produits continentaux importés en Corse y entreraient sous exonération totale.
Dans le même temps qu’elle appauvrissait ainsi irrémédiablement la Corse en fermant tout marché à ses productions, la France (par ce terme nous entendons l’Etat Français, ses dirigeants successifs et non le Peuple Français) proposait à la jeunesse insulaire un exil apparemment volontaire, mais en réalité imposé par la nécessité de vivre et de subvenir aux besoins des familles. Des milliers et des milliers de Corses apportèrent leur courage, leur intelligence et leur force à l’armée, à l’administration, à l’industrie naissante françaises.
La Corse fut donc tenue à l’écart de l’explosion démographique qui faisait doubler ou tripler la population des Iles méditerranéenne voisines. Ainsi se préparait, par l’inéluctable affaissement de l’accroissement naturel, la mort lente de nos villages et la désertification de l’intérieur, ce tabernacle du Peuple Corse.
Les guerres, et particulièrement l’hécatombe de la Première Guerre Mondiale (30.000 morts, soit plus de deux fois le taux de la moyenne française), rendirent irréversible ce fléchissement catastrophique de la courbe démographique. Un des ouvrages d’Histoire les plus sérieux et les moins suspects de sentiments anti-français, (Histoire de la Cor- se — Privat Editeur) délaissant des recensements communaux volontairement faussés pour des motifs politiques ou budgétaires, avoue que, de 1891 à 1951, la population de L’île a décru de 280.000 à 165.000 habitants.
Aujourd’hui la population de la Corse est évaluée à près de 240.000 habitants mais les Corses y sont à peine 130.000.
A la colonisation de dépeuplement a succédé, en effet, depuis le « Plan d’Action Régionale » établi pour la Corse en 1957 par le Gouvernement Français, une phase de re- peuplement, phase plus coloniale encore, caractérisée par l’injection constante et massive d’allogènes. Devant la perte des ressources de son empire d’Afrique et d’Asie, la France, à la recherche de compensations mêmes partielles, a décidé la mise en valeur touristique et agricole de la Corse: un tourisme industriel aux mains des trusts internationaux qui en re- tirent tous les bénéfices et ne laissent aux autochtones que les miettes du festin; une agri- culture axée sur la viticulture de rendement destructrice de la qualité, aux mains d’une poignée de colons spéculateurs et fraudeurs, tandis que par centaines, depuis des années, les petites exploitations corses traditionnelles disparaissent. Pendant le même temps notre jeunesse, toujours privée d une Université, (nos 2,500 étudiants doivent littéralement s’expatrier. Privée de formation professionnelle sérieuse, doit continuer à s’exiler si elle ne veut pas sombrer dans le chômage. Elle est remplacée, en Corse, par des jeunes venus d’ailleurs .
Entre 1954 et 1979, 60.000 Corses – notre sang le plus neuf – ont quitté l’île. Ils ont été remplacés par 120.000 non Corses jeunes et actifs. Le résultat tient en quelques chiffres: en 1880 les Corses représentaient 99% de la population insulaire, en 1951 90%, aujourd’hui a peine un peu plus de 50%.
Comment s étonnerait on, au surplus, que le résultat conjugué de l’exil et de l’immigration massive soit l’aliénation de notre propre terre historique, dont les sols les plus fertiles et les sites les plus prestigieux sont passés en des mains étrangères ?
Les colons et les spéculateurs fonciers, puissamment aidés par le pouvoir, ont acheté à vil prix des terrains qu’au contraire des Corses — qui les croyaient, faute d’investissements et d’encouragements publics, désormais inutiles — ils savaient promis à de fabuleuses plus-values. Aujourd’hui des sociétés sans visage se disputent notre propre Patrie et des kilomètres de nos cotes sont vendus aux enchères à PARIS.
La mort du Peuple Corse est inscrite dans ces chiffres et ces constatations.
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Nous aurions voulu, très Saint Père, mettre ici un terme à cette lettre, laissant à votre cœur le soin de décider ce qu’il peut faire pour empêcher la mort d’une communauté. Nous savons que vous comprendrez notre angoisse, vous qui voici moins de deux ans, à 1 occasion de la Fête-Dieu, prononciez à CRACOVIE, en pensant à la Pologne, ces paroles qui traduisent magnifiquement notre propre patriotisme: « Nous sommes héritiers d’un passé difficile et glorieux, un passé qui a arraché des larmes à des générations tout entières, un passé qui a vu des générations verser leur sang et subir les chaînes de l’esclavage. Notre Pays qui est d’autant plus cher qu’il a été payé au prix de tant de sacrifices ».
Oui, nous aurions voulu borner ici notre appel.
Mais aujourd’hui la conséquence du drame historique que vit notre Peuple depuis deux siècles, est une situation de conjoncture que nous ne pouvons passer sous silence. Dans ce même sermon de la Fête-Dieu à CRACOVIE vous vous êtes décrié: « Nous ne nous arracherons pas à notre passé. Nous ne laisserons pas notre passé être arraché de nos âmes ».
Des milliers de Corses ont fait le même serment lorsqu’ils ont compris, il y a vingt ans, dans quel péril mortel la politique française jetait leur Peuple. Ils ont alors lancé à l’Etat des multiples cris d’alarme et de mise en garde. Ils ont démontré que l’unité nationale française au nom de laquelle cette politique était menée, avait plus à craindre d’une uniformité dépersonnalisante et imposée que du respect fructueux d’une diversité indéniable. Ils n’ont pas été écoutés. Au fil des ans le Pouvoir a durci son silence aux abjurations qui lui venaient de divers côtés, se contentant de l’approbation complice de ceux qui, tenant tout de lui et d’une fraude électorale démentielle, ne songeaient qu’à lui plaire. Un blocage politique insensé a répondu aux aspirations que des Corses de plus en plus nombreux manifestaient publiquement. Pour servir ce blocage, le malaise corse, devenu désormais la « question corse »,a été systématiquement occulté à l’opinion publique française et internationale par les média de l’Etat. Les Français ne savent pratique- ment rien de tout ce que nous avons consigné dans la présente lettre et qui n’est pourtant que l’expression de la vérité de l’Histoire.
Dans votre message au Monde du 1er janvier de cette année, vous avez dit: « S’il est vrai, et personne n’en doute, que la vérité sert la cause de la Paix, il est aussi indiscutable que la « non vérité » va de pair avec la cause de la violence et de la guerre. Par « non vérité » il faut comprendre toutes les formes et tous les niveaux d’absence, de refus, de mépris de la vérité: mensonge proprement dit, information partiale et déformée, propagande sectaire, manipulation des moyens de communication et autres ».
La « non vérité » pratiquée sous toutes les formes que vous dénoncez dans ce message, a effectivement déclenché la violence en Corse. En deux occasions, hélas, le sang a coulé: à fin août 1975 (affaire d’ALERIA) et le 9 janvier dernier à AJACCIO. Pour empêcher, la première fois la divulgation publique d’un scandale financier de la viticulture coloniale, la seconde fois, la démonstration également publique de l’existence dans l’Ile de terroristes anti-corses recherchant l’affrontement interne et officiellement protégés, le Pouvoir opposa aux patriotes agissant à visage découvert (et de manière spectaculaire pour percer le mur du silence de l’information officielle), des forces policières et militaires démesurées dont l’intervention intempestive et inutile provoqua la mort de six personnes. Les deux dernières furent, à AJACCIO, le 9 janvier 1980, deux civils, — une jeune fille et un jeune homme — totalement étrangers aux événements et qui furent, au sens strict du terme, exécutés par des policiers.
Mais la « non-vérité » a également rendu inévitable la violence – strictement matérielle à ce jour — de certains patriotes qui ne peuvent plus croire — comme l’U.P.C. tache d’y croire encore —à la possibilité de sauver le Peuple Corse par des moyens pacifiques. Violence clandestine par attentats à l’explosif, condamnable puisque toute violence l’est, mais indéniablement fille de la « non-vérité » et surtout fille de la violence bi-séculaire faite à tout un Peuple par une politique conduisant à son anéantissement.
Au déclenchement de cette action clandestine, comme si l’Etat n’avait attendu que ce signe, une répression généralisée, démesurée, arbitraire et sélective s’est abattue sur tous ceux qui luttent pour la survie de leur communauté.
Répression démesurée, dont la rigueur est sans commune valeur avec les actes qu’elle prétend sanctionner.
Devant la « Cour de Sûreté de l’Etat », juridiction d’exception seule en son genre dans le monde libre et dont les procédures sont reconnues contraires aux Conventions internationales pour les Droits de l’Homme, des peines de huit, dix et douze ans de réclusion criminelle ont été prononcées pour des actes de caractère strictement et volontairement matériel. Une quarantaine d’autres Corses attendent depuis près de deux ans, en prison, d’être jugés.
Répression arbitraire, faite de centaines de perquisitions sans mandat, d’interpellations fantaisistes ,de « gardes a vue » sans présomption, non suivies de poursuites mais affectant gravement la réputation des victimes, choisies le plus souvent soit pour leur appartenance à un mouvement légal comme le nôtre, soit sur la suspicion de cette appartenance, soit encore sur la connaissance de simples convictions patriotiques.
Répression sélective enfin, qui frappe les patriotes corses auteurs réels ou présumés d’attentats clandestins, mais refuse d’inquiéter les membres d’un groupe dit de « contre-terrorisme”, auteurs de plusieurs dizaines d’attentats de même nature mais commis hautes sans tenir compte du danger de tuer. La raison de cette impunité presque avouée par de hautes personnalités françaises de l’ordre judiciaire – est que ces terroristes là agiraient « pour I’Unité Nationale Française »…
Pour avoir intercepté eux-mêmes, dans une voiture bourrée d’armes, deux contre- terroristes, dont le responsable du groupe, et les avoir finalement, sans aucune violence, remis a la Justice qui a dû engager contre eux des poursuites, près de cinquante patriotes ont et emprisonnes voici trois mois et transférés à PARIS sous des inculpations que les faits et les témoignages démentent. Treize sont toujours incarcérés. Les autres l’ont été plusieurs jours ou plusieurs semaines avant d’être libérés « provisoirement », certains après une grève de la faim de 21 jours. Pendant ce même temps, on a laissé en liberté, après l’avoir inculpé d’homicide volontaire, le policier qui, le 9 janvier dernier à AJACCIO- , a abattu sans raison une jeune fille dont le seul tort fut de passer à portée de son arme. Image exemplaire d’une répression sélective qui est un défi à la vraie justice.
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Voilà, Très Saint Père, la situation que nous avons voulu soumettre à votre examen et à votre jugement. Nous n’avons rien écrit dans cette lettre qui ne soit historique pour le passé et réel pour le présent.
Les chiffres montrent que si un terme n’est pas mis à la politique actuelle, notre Peuple est condamné. Les faits attestent que les Droits de l’Homme, la Liberté, la Vérité et la Justice ne sont plus actuellement respectés en Corse.
On tente de dresser devant tout cela, comme des paravents, les enveloppes financières que l’Etat distribuerait généreusement pour le développement matériel de la Corse. Le lieu n’est pas, ici, de discuter de la valeur mensongèrement majorée ou de la destination véritable de ces générosités. Mais comment prétendait on compenser, par l’argent, la mort d’un Peuple et le mépris des valeurs essentielles de l’humanité ?
Nous sommes des dizaines de milliers de Corses à penser ainsi. Le 26 janvier dernier, à l’appel des Organisations Démocratiques, 25.000 Corses ont manifesté pour la Liberté à AJACCIO. Nous non plus, nous ne nous laisserons pas arracher notre âme. Nous aussi, nous savons comme vous que « … Les droits de l’Homme, les Droits des individus et, dans leur sillage, les droits des communautés… sont indispensables. L’Homme est né nanti de ces Droits et il cherche à les réaliser au cours de son existence… Il est donc certainement dans l’intérêt des autorités, partout dans le monde… de comprendre ce besoin et de respecter les Droits de l’Homme. L’Homme qui se sent brimé à cet égard est capable de tout. Il est prêt à faire n’importe quel sacrifice… Et il est impossible de résoudre ces problèmes par l’oppression. La police et les prisons ne fournissent aucune réponse ».
Nous aussi nous disons, comme vous l’avez dit en Irlande: « Si vous (les hommes politiques) vous ne vous décidez pas et si vous ne réalisez pas les changements qui s’imposent, le champ est libre pour les hommes de violence… »
Le Peuple Corse, certes, est un petit peuple. Mais le poids de la chair n’a pas de sens au regard du Droit. Et le mal fait au plus petit d’entre les peuples est fait à l’Humanité tout entière.
Le Peuple Corse qui se bat pour sa dignité, son identité, la démocratie et la fraternité universelle, a été sans doute l’un des premiers christianisés et sa foi ne s’est jamais démentie. Si nous le rappelons ici, ne pensez pas, Très Saint Père, que nous attendions de ce rappel une sollicitude particulière. Nous savons — et nous l’apprécions — que votre souci constant est d’assigner à l’Eglise dont vous avez la charge, le rôle de défenseur de tous les hommes et de tous les peuples privés de leurs droits naturels.
Il nous est simplement apparu que la Foi chrétienne bimillénaire de notre Peuple lui faisait un devoir particulier, dans le danger où il se trouve, de chercher auprès du Pape un recours de survie, de Liberté et de «Justice.
Nous vous demandons, Très Saint Père, de croire à notre profond respect.
Pour l’UNIONE DI U POPULU CORSU
Xavier BELGODERE, Secrétaire Général.
(ARRITTI, n° 696, 30 avril 1980).
Source :
Le 5 avril 1980, peu après les dramatiques événements de Bastelica-Fesch, l’Unione di u Populu Corsu écrivait au pape Jean-Paul II afin de l’alerter de la situation de la Corse (@ARRITTI, n° 696, 30 avril 1980). pic.twitter.com/A58ukAfnU5
— André Fazi (@AndreFazi) November 25, 2024