(Revue de presse – Journal de la Corse – Publié le 13 octobre 2023) Dans l’article du journal de la Corse, l’action clandestine du FLNC Union des Combattants / 22 Octobre est analysée.
FLNC : a risposta
En commettant une trentaine d’attentats, quasiment simultanément, à l’échelle de toute la Corse, le FLNC a adressé un message fort. Et cette intervention n’a rien d’une surprise et ce, pour au moins trois raisons.
La première raison est évidemment que l’organisation clandestine avait prévenu. Elle l’avait fait en septembre 2021, dès quelques semaines après les élections territoriales. En effet, elle avait alors adressé un avertissement très clair à l’État : « À l’État français, nous disons clairement que si sa politique de mépris perdure, nous reprendrons définitivement, avec probablement plus de détermination encore que par le passé, les chemins de la nuit combattante que nous connaissons si bien ».
A cette occasion, elle avait d’ailleurs aussi signifié sa présence et sa détermination à ceux qui affirmaient ou suggéraient qu’elle n’avait plus les moyens d’agir ou que ses militants étaient démotivés ou démobilisés : « Le FLNC n’a pas vocation à abandonner la lutte alors même qu’aucun des objectifs pour lesquels il a été créé n’ont été atteints […] A ceux, anciens combattants de la lutte, qui pratiquent la critique facile de la clandestinité, nous leur disons qu’ils restent les bienvenus pour reprendre le combat. À leur place. Comme avant ». Ces derniers jours, la réalité de cette présence et de cette détermination a été confirmée.
En effet, la récente « nuit bleue » a permis de vérifier que le FLNC disposait d’un réel potentiel organisationnel, logistique et opérationnel, et bien entendu de militants mobilisés et motivés. Il fallait au moins disposer de plusieurs dizaines de militants actifs, d’une logistique conséquente, notamment concernant la confection, le transport et la répartition des engins explosifs, d’une coordination très opérationnelle.
Message à Macron
La deuxième raison est que lors de sa récente visite, Emmanuel Macron a déçu une grande partie des nationalistes à deux niveaux. Premièrement, le Président de la République n’a pris en compte ni la délibération de l’Assemblée de Corse du 5 juillet dernier, ni le fait majoritaire. En effet, dans la perspective de l’évolution institutionnelle, il a demandé à Gilles Simeoni de travailler dans le sens d’un consensus avec les propositions de la droite. Deuxièmement, le Président de la République n’a répondu favorablement à aucune des revendications fondamentales du nationalisme. Il n’a pas évoqué une possible reconnaissance du Peuple Corse et s’est même refusé à mentionner son existence, préférant se référer à l’existence d’une « communauté insulaire historique, linguistique et culturelle ».
Il s’est dit favorable à un article et non à un titre dédié concernant l’inscription de la Corse dans la Constitution, ce qui signifie vouloir nier sa singularité géographique, historique, culturelle et linguistique et rejeter les droits spécifiques qui devraient en découler. Refusant ainsi de facto la coofficialité, il en est resté à promettre que la langue corse soit « mieux enseignée » et à de « donner plus de place à la langue » dans l’enseignement comme dans l’espace public ; promesses éculées dont les maigres concrétisations n’ont jamais permis un renouveau de la maîtrise et de l’usage. Il n’a pas ouvert la porte à un statut de résident, interdisant ainsi la mise en œuvre d’un dispositif efficient de régulation du marché immobilier et de lutte contre la spéculation. Il n’a pas évoqué le possible octroi d’un statut fiscal alors qu’une véritable autonomie demande une maîtrise totale de la fiscalité apportant des ressources propres et pouvant être librement affectées. Il ne s’est pas déclaré favorable à un véritable pouvoir législatif local. Enfin, il n’a mentionné aucune possibilité d’amnistie.
« A Francia Fora »
La troisième raison de la récente intervention du FLNC est qu’il a voulu énergiquement mettre en garde. Le choix des cibles a en effet clairement rappelé à certains « nouveaux arrivants » auxquels il est reproché de se comporter comme en pays conquis et aux spéculateurs, les termes suivants d’un précédent communiqué : « Nous disons que cette terre n’est pas la vôtre. Et plus particulièrement aux Français qui pensent être chez eux sur la terre de Corse ». La revendication lapidaire « Nous n’avons pas de destin commun avec la France. A Francia Fora» a manifestement été un message délivré aussi bien à Emmanuel Macron qu’aux élus de la Corse engagés dans le processus Beauvau. Ce message a rappelé un précédent avertissement : « Aucun accord entre la Corse et la France ne pourra être qualifié d’historique tant qu’il n’entérinera pas la reconnaissance des droits du peuple corse sur sa terre » (communiqué d’août dernier).
Ce message a particulièrement indiqué à Gilles Simeoni qu’il n’était pas apprécié que lors de la venue d’Emmanuel Macron à l’Assemblée de Corse, le Président du Conseil exécutif avait déclaré avoir « la volonté de construire, dans le dialogue avec l’État et au sein de la République française, le présent et l’avenir ». A noter aussi que « A Francia fora » a représenté un clin d’œil adressé aux jeunes Corses qui, derrière ce slogan, avaient manifesté et tenu la rue durant un mois après l’assassinat d’Yvan Colonna.
Pierre Corsi Journal de la Corse