(Unità Naziunale – Lutte de masse – Publié le 29 mai 2021) Lors de la conférence de presse du 29 mai 2021 à Vizzavona, le collectif a posé un certain nombre de questions aux candidats des territoriales de juin 2021:
Bilan de l’activité et questionnaire aux candidats des élections territoriales en présence de nombreux élus de communes forestières: Bucugnà, Veru, Nuceta, Cristinacce etc…, des Présidents du Parc Naturel Régional, de la Communauté des Communes Centre Corse, et de l’association des maires de la Corse du Sud.
L’activité du Cullettivu depuis sa création
Depuis sa création le 12 octobre 2020, u Cullettivu per a furesta corsa a permis de remettre la question forestière au centre du débat public. Depuis, de nombreuses institutions ont engagé des réflexions en leur sein. Notamment le comité de massif, la Chambre des Territoires qui a créé une commission sur la politique forestière, le Conseil Economique, Social, Environnemental et Culturel en élargissant sa commission ruralité à la forêt. Au fil des semaines, de nombreux citoyens, communes, personnalités ou associations ont rejoints le Cullettivu comme le Président du Parc Naturel Régional, le Syndicat des Propriétaires Forestiers Privés, l’association des propriétaires forestiers privés « Pè Bavedda »…etc…
Au cours de ces derniers mois, l’activité du Cullettivu a consisté à expliquer aux différents acteurs institutionnels insulaires dont le Président du Conseil Exécutif et l’Etat au travers d’une rencontre avec le Préfet de Région, la nécessité de se pencher sur l’avenir d’une forêt corse à l’abandon.
En parallèle, nous avons effectué un travail d’analyse sur la situation de la forêt corse, ses difficultés et carences sur le plan de la gestion avec de multiples conséquences environnementales, patrimoniales, sociales et économiques.
Cette phase a permis de dégager un projet « Per un riacquistu di a furesta corsa », dont l’axe fondamental est la mise en œuvre d’une gestion forestière, avec ses différentes déclinaisons :
-L’investissement dans les forêts (desserte ; ouvrages DFCI ; reconstitution après incendie),
-La sylviculture qui doit être appréhendée à un double niveau. À savoir, d’une part travailler sur les jeunes peuplements et les tiges d’avenir sous la forme de travaux forestiers, mais aussi prélever les arbres malformés dans le cadre de l’exploitation forestière afin travailler au profit des plus beaux arbres et alimenter la filière bois énergie ou tout autre transformation possible. L’objectif à atteindre à terme étant la production de bois d’œuvre de qualité, notamment le pin Laricciu. Ces actions sylvicoles ne devront pas négliger la valorisation des autres essences (Pin maritime ; Hêtre ; Chêne vert).
-La prise en compte des enjeux de biodiversité et l’accompagnement des peuplements aux changements climatiques et aux risques sanitaires.
-Les modalités d’accueil du public en forêt, et les activités qui peuvent être développées (pastoralisme, activités de pleine nature) dans le cadre d’une économie verte.
Dans ce nouvel élan économique diversifié autour de la forêt, alliant tourisme de montagne et enjeu de valorisation environnemental, doit s’insérer la restauration des Maisons Forestières qui sont la propriété de la CdC, véritables symboles d’un patrimoine historique et forestier. Des projets publics doivent être engagés autour de ces bâtiments, aujourd’hui en état de délabrement.
La relance de la filière bois est un enjeu important de mise en œuvre d’une gestion forestière, et s’inscrit pleinement dans la définition du développement durable soit à « répondre aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».
Au-delà de l’aspect économique au travers d’une valorisation du bois, un prélèvement raisonné et programmé est une nécessité écologique et environnementale pour donner une meilleure résilience aux peuplements et permettre à la forêt de se développer, s’enrichir et se régénérer. Une gestion qui doit être pensée de manière globale pour les massifs forestiers, en y intégrant les diverses propriétés publiques et privées.
Ce que l’on appelle communément « filière bois » est bien à appréhender à partir de la gestion de cette ressource, jusqu’à la transformation et la valorisation comme aboutissement de ce travail en amont.
Des propositions transmises à la Cullettività di Corsica et un séminaire de travail avec les élus de la Chambre des Territoires
La réflexion commune des différents acteurs présents au sein du collectif : associations des communes forestières 2A et 2B et Union Régionale, professionnels de la 1ère et 2de transformation, menuisiers- ébénistes, techniciens forestiers, pépiniéristes forestiers…etc …a permis de dégager des propositions concrètes, au travers d’un document de 10 pages. Celles-ci ont été soumises au Président de l’Exécutif de Corse lors d’une rencontre le 9 février dernier à Bastia. A cette occasion, il s’était engagé à recevoir de nouveau u Cullettivu sous un mois pour approfondir divers sujets et démarrer un processus de travail avec différents conseillers exécutifs pouvant être concernés de manière transversale par la forêt et la relance d’une filière bois. À notre grand regret, ce cycle de travail ne s’est finalement pas engagé, laissant dans une position d’attente les différentes composantes de notre collectif.
La montagne corse dont la forêt (publique ou privée) est pourtant un atout majeur, reste malheureusement un dossier secondaire dans les différentes politiques régionales depuis des années. De rendez-vous manqués, en effets d’annonce, l’intérieur de la corse se meurt et nos massifs sont en voie de dépérissement.
Il nous faut souligner l’esprit volontaire des maires au sein de la Chambre des Territoires, qui ont fait la démarche d’intégrer u Cullettivu dans un travail de réflexion au sein de la commission de politique forestière. Une commission dont la création est venue en écho à notre appel de Vizzavona de remettre la question forestière au centre du débat public.
Lors d’une réunion de travail le 19 mai dernier, nous avons convenu d’un séminaire commun avec le Comité de Massif dans le courant juillet, afin d’analyser différentes contributions pour la forêt corse. À cette occasion, nous réitérerons nos propositions, fruit d’une réflexion au sein de notre collectif, qui représente l’ensemble des acteurs de la forêt.
Les axes de notre projet
Notre projet de relance d’un secteur économique essentiel pour la Corse et qui a été exclu du plan Rilancia de la Collectivité de Corse, comme du plan France-Relance porté par l’Etat, s’articule en plusieurs axes forts :
-La restructuration d’une filière, par l’adaptation de mesures existantes (ex : dispositif de contre garantie bancaire CADEC-ODARC) pour le secteur agricole. Ce travail d’analyse a permis également de démontrer la nécessité d’une coordination des différents organismes ayant un rôle à jouer dans cette relance de la filière bois, au travers d’une « task-force » dédiée et chargée de développer une ingénierie technico-financière. La formation a un rôle central dans cette restructuration d’une filière bois génératrice d’emplois qualifiés (scieur et opérateur d’équipement, affûteur). Mais également la transmission du savoir-faire en ébénisterie traditionnelle insulaire. La création d’un centre de formation des métiers du bois permettrait de faire de la Corse un pôle d’excellence dans ce domaine.
-Les perspectives économiques d’une filière bois, par des études techniques sur des possibilités de nouvelles transformations à l’heure actuelle impossibles, faute d’équipement nécessaire des professionnels (lamellé-collé, fabrication de fermettes, poteaux et glissières de routes).
-Dans le développement d’une filière bois, le bois énergie a un rôle central à jouer.
En effet, il n’est pas envisageable d’imaginer un bois d’œuvre de qualité, notamment le Laricciu, sans pouvoir mettre en œuvre un travail de sylviculture de prélèvement des tiges de mauvaises qualités dans une phase d’amélioration d’un peuplement forestier. Une réflexion approfondie sur la filière bois énergie doit s’opérer en analysant les difficultés des dernières décennies.
-L’intégration systématique du bois local dans la commande publique
-La mise en place de dispositif au travers de l’Agence de l’Urbanisme pour encourager la construction bois des particuliers. A ce propos, un travail de concertation doit s’opérer avec des communes pour étudier dans la concertation la possibilité de lever d’éventuels blocages dans certains PLU.
-Une fiscalité allégée pour les professionnels et une réduction de la TVA pour le bois à la vente. Mais également un dispositif d’aide pour le transport routier insulaire et ses contraintes, et sur le bois transformé lors du transport maritime.
Le bois d’œuvre de qualité et la certification
La mobilisation d’une ressource de qualité, rejoint le pilier de notre réflexion, à savoir la gestion forestière des massifs. En 2015, l’interprofession du bois évoquait la forte exploitation des années 80- 90 et la nécessité de passer par une phase d’amélioration des peuplements. Dans le « temps forestier », à peine quelques années plus tard cette réalité demeure. En effet, dans l’imaginaire collectif, la forêt corse est riche (400 000 ha de forêt privée et 150000 hectares de forêt publique), et le pin Laricciu est obligatoirement synonyme de qualité. Or si effectivement nos massifs forestiers publics et privés ont un fort potentiel, avec du bois de qualité qui doit être exploité lorsqu’il est arrivé à maturité de récolte, une partie importante doit pouvoir trouver d’autres débouchés car de classification inférieure à ce qui est attendu pour du bois d’œuvre. Pour le Laricciu, il faut distinguer la qualité intrinsèque et sa haute résistance mécanique, voir sa valeur patrimoniale avec les critères nécessaires à la construction bois.
Dernièrement une annonce a été faite par l’ODARC sur la certification du bois insulaire au travers du label Lignum Corsica, qui aurait pour effet de relancer la filière bois. Tout ce qui peut aller dans le sens d’une valorisation du bois issu des forêts corses est une bonne chose. En revanche, cela s’avère bien malheureusement largement insuffisant pour impulser un redémarrage de la filière et surtout sa restructuration avec les différents maillons qui la constitue.
Pour que le grand public puisse comprendre, on pourrait faire le parallèle avec une vigne pouvant produire un vin AOC. Si ce cépage est inaccessible, faute de desserte en état ou existante, s’il n’est pas travaillé, et enfin s’il est la proie des risques sanitaires, climatiques, les incendies, sa production ne pourra jamais bénéficier de cette appellation en bout de chaîne.
La forêt corse est confrontée à la même problématique. Elle doit pouvoir être accessible, bénéficier de travaux sylvicoles sur les jeunes peuplements au profit des tiges potentiellement de qualité. Sur les peuplements adultes, la forêt doit pouvoir continuer ce cycle par le prélèvement des arbres mal conformés et de mauvaise qualité qui peuvent empêcher le développement de ceux qui ont une classification supérieure. D’où la nécessité absolue de trouver des débouchées de transformation pour ces bois.
Car il n’y aura pas de bois d’œuvre de qualité qui pourra bénéficier de la valorisation d’une certification, sans le respect de cette mécanique. Et chacun doit intégrer le fait que le temps perdu dans la gestion forestière ne se rattrape pas.
Enfin, une forêt qui brûle, au-delà de la catastrophe environnementale c’est également un potentiel économique qui disparaît.
Comme cela a été évoqué précédemment, l’investissement dans les forêts corses est une nécessité absolue dans le cadre de la gestion forestière et donc d’une relance de la filière bois. Au sein des forêts territoriales, cet investissement fait cruellement défaut depuis 2012 ou 2 millions d’euros/annuels étaient affectés. Désormais la desserte est fortement dégradée. Les différents plans de protection des massifs en matière DFCI (PRMF) n’ont jamais été mis en œuvre, pire on constate désormais l’absence de programme de reconstitution de massif après un incendie.
Les thématiques forestières relevant des compétences de l’Etat
Du côté de l’Etat, l’absence de volonté pour un développement de la forêt corse est également criant. Cela est visible depuis des années au travers des suppressions massives de postes au sein des établissements publics en charge de la gestion des forêts publiques (ONF), laissant des massifs entiers en déshérences. Mais nous avons pu aussi le constater au travers du volet forestier du plan France relance totalement inadapté à la Corse, construit sur mesure pour le nord-est de la France. A titre d’exemple, on pourrait citer la question du dérèglement climatique avec des aides pour faire face à la mortalité de peuplements. Or en Corse, comme d’ailleurs sur l’ensemble de la méditerranée, les violents incendies hivernaux sont également la conséquence d’un réchauffement climatique. Une problématique qui n’est pas pour autant intégrée à ce plan de relance. Par ailleurs, le Programme de la forêt et du bois 2021-2030 élaboré à la hâte par un bureau d’étude du sud de la France ne trace lui aucune perspective, mis à part des constats.
Les propositions lors d’une rencontre avec le Préfet de Corse
Nous avons eu l’occasion d’échanger avec le Préfet de Corse et la Direction Régionale de l’Agriculture et la Forêt sur les différentes thématiques qui relèvent des compétences de l’Etat :
-Les carences à la fois sur le fond et la forme de ce programme de la forêt et du bois élaboré avec la CdC, qui ne fixe aucune perspective de relance de la filière bois et plus globalement en matière de gestion forestière.
-Le désengagement dans le cadre des prérogatives exclusives fixées par le code forestier (gestion des forêts publiques par l’ONF)
-L’absence de la Corse dans le cadre du volet forestier de France Relance que cela soit pour les professionnels ou les actions sylvicoles
-La nécessité d’accompagner et d’aider les communes forestières de Corse pour mettre en œuvre une gestion forestière notamment des travaux sylvicoles en affectant des moyens financiers au travers de dispositifs de réaffectation budgétaire de certaines taxes
-L’aide au transport routier des exploitants (fiscalité, coût de carburant) compte tenu des contraintes du relief insulaire
-La problématique incendie en particulier sur Bavedda, massif à fort enjeu touristique, et la mise en œuvre des ouvrages de protection prévues par des plans depuis plusieurs années.
Pour approfondir ces différents points, u Cullettivu a proposé à ce que puisse s’engager un processus de travail. Cela semble avoir trouvé un écho favorable car lors de cette rencontre du 12 mai dernier en Préfecture de Corse, il nous a été proposé d’engager un cycle d’échange sur ces différents points à partir de juillet afin d’établir des fiches actions opérationnelles.
Les attentes du Cullettivu
U Cullettivu attend véritablement une prise en compte des besoins de la forêt corse par les pouvoirs publics, au travers d’une véritable politique forestière. Nous allons continuer à être présents sur le terrain et enraciner notre démarche au service de nos massifs publics et privés. En dénonçant certaines carences, mais aussi en présentant nos propositions alternatives.
Au-delà de la thématique « filière bois et sylviculture » d’autres commissions vont débuter un travail d’analyse et de réflexion : les problématiques de la forêt privée, l’économie verte, les risques en forêt (climatiques, incendie), l’histoire des forêts avec une valorisation patrimoniale. Comme nous l’avions annoncé lors de notre création, l’objectif est d’arriver à terme à un projet global pour la forêt corse, qu’elle soit publique ou privée.
Dans quelques semaines auront lieu des élections territoriales, où selon nous, la question forestière ne pourra être absente. Si les candidats en lice envisagent une revitalisation de l’intérieur, une préservation de ce patrimoine naturel, un développement durable comme base des politiques publiques, une valorisation économique de nos richesses, TOUS, doivent se pencher sur l’avenir de la forêt corse et présenter leur vision.
A l’ensemble des candidats aux élections territoriales des 20 et 27 juin prochain, et au vu de l’ensemble de la problématique que nous avons balayé, nous posons les questions suivantes :
1-Envisagez-vous un programme pluriannuel d’investissement dans les forêts territoriales en matière de desserte et de mise en œuvre des Plans de Protection Rapprochée des Massifs Forestiers ? Et si oui, quel pourcentage du budget de la CdC allez -vous y consacrer ?
2-Quelle sera votre politique de développement de la filière bois énergie et de la SEM dédiée ?
3-Au-delà du bois énergie, allez-vous étudier les autres possibilités de transformation du bois de moindre qualité ?
4-Prenez-vous l’engagement d’intégrer le bois corse dans tous les projets publics portés ou soutenus par la Cullettività di Corsica et de travailler avec les communes au travers de l’Agence de l’Urbanisme pour modifier certains PLU bloquant des projets privés ?
5-Quels dispositifs pour l’accompagnement et le soutien des professionnels de la première et seconde transformation ainsi que les exploitants ?
6-Quel sera votre politique sur le plan de l’accueil du public au sein des massifs (avenir des Maisons Forestières, chasse, interdiction de circulation sur les pistes, activités de pleine nature, pastoralisme) ?
7-Êtes-vous favorable à l’élaboration d’un document de gestion des forêts publiques et privées avec des orientations et planifications communes et concertées par grand massif (accès, accueil du public, enjeux environnementaux et risques) ?
8-Souhaitez-vous étendre le périmètre d’intervention des Agents Territoriaux du service sylvicole de la CdC au-delà des forêts territoriales dans les massifs forestiers communaux pour y effectuer les travaux de sylviculture ?
9-Allez-vous impulser la mise en place d’une filière de formation à la multiplication et la production de plants forestiers ? Pour perpétuer le savoir-faire en ébénisterie traditionnelle, êtes-vous favorable à la création d’un centre de formation du bois ?
Une absence de réponse, nous conduirait à en tirer comme conclusion que la classe politique insulaire se désintéresse de la question forestière. Nous ne l’imaginons pas, car ce serait faire preuve d’une absence de vision pour une forêt insulaire, qui pourrait devenir le pilier d’un développement de la Corse et d’une nouvelle économie sur des bases de valorisation patrimoniale et environnementale.