(Unità Naziunale – Lutte Internationale – Publié le 25 mai 2021) En son temps a été affirmée la nécessité « d’ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l’identité kanak, préalable à la refondation d’un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté.
Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun.
La France est prête à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie. »
Mais la récente actualité et le sort réservé aux défenseurs de l’identité kanak et des droits des peuples autochtones posent la question de savoir ce qu’il reste de ce contrat social et si la France accompagne encore, de bonne foi, « la Nouvelle-Calédonie dans cette voie ».
Peut-il y avoir un avenir pour ce territoire, pour ce Destin Commun, si les autochtones Kanak en restent irrémédiablement exclus ?
L’action de l’État, à travers ses pouvoirs publics, peut-elle, sur ce territoire, porter encore quelque légitimité si elle abdique aux peurs irrationnelles d’une seule fraction de la population calédonienne, ou n’est mue que par la seule sauvegarde d’intérêts privés qui font fi du partage et du rééquilibrage ?
La Nouvelle-Calédonie n’aura jamais d’avenir ni de stabilité tant qu’à la frustration des droits du Peuple Premier, toujours et encore marginalisé, ne répondra que la rage d’une petite partie de la population calédonienne qui se cachant derrière un drapeau ne parvient à ne se libérer ni de ses peurs ni d’un sentiment inconscient et prégnant de culpabilité.
Et l’État joue-t-il son rôle s’il n’écoute et ne préserve les droits respectifs de tous les calédoniens dont il a encore la responsabilité, quelles que soient leurs allégeances politiques et quelles que soient leurs origines ?
Que la Nouvelle-Calédonie évolue ou non vers la pleine souveraineté, le Peuple Premier Kanak sera toujours présent et aspirera toujours à son égale dignité et à ses droits fondamentaux. Le respect de la diversité culturelle et du pluralisme ne sera jamais une alternative de par l’histoire même de cette terre. La paix et le bonheur durable de chaque calédonien en dépendra car rien ne peut se bâtir sur le déni de l’autre.
Les autochtones Kanak ne sont pas de ces populations séparatistes des banlieues métropolitaines qui foulent au pied les équilibres et la loi d’une République qui, sur son sol, a accueilli leurs pères.
Sur cette terre mélanésienne, c’est la République qui a été accueillie, bon gré mal gré, par le Peuple Premier et comme tel, cette République ne pourra ni exclure ni museler le Peuple Kanak et ses représentants, comme elle l’a fait par le passé, sans fouler au pied les principes de Droits de l’Homme qui la fondent.
En métropole, la peur du chaos séparatiste et l’exaspération d’être les victimes collatérales systématiques d’une gouvernance déliquescente, conduit des militaires à s’afficher dans des tribunes putschistes. Et dans ce sillage toute vie politique et publique finit par se réduire, par faiblesse et facilité, à un jeu de séduction des plus radicaux.
En Nouvelle-Calédonie, certains représentants de la Justice et des forces de l’ordre ont récemment, lors d’une conférence de presse, pris des positions publiques ne visant qu’à rassurer la frange la plus extrémistes de la population calédonienne, la seule frange qui dans le cadre d’un conflit social a exhibé des armes à feu et fait parler la poudre.
Ces mêmes représentants pour justifier la répression orientée qui a fait suite au conflit lié à la cession de VALE NC, nient le fait qu’un conflit civil a bien eu lieu en Nouvelle Calédonie entre décembre 2020 et février 2021 et occultent l’Accord politique du 4 mars 2021 qui a seul permis de sortir dudit conflit civil. Où était l’État sinon sur le site de VALE NC ? Quelle vision de la paix civile portait-il alors ?
Ici comme là-bas, c’est la peur qui anime ces acteurs publics, et la faiblesse qui conduit à flatter les plus extrémistes, dans une logique arbitraire et partiale au détriment du Droit, de l’équité et de la construction d’une paix civile durable.
La stricte application de la loi est une chose, mais la loi doit alors être appliquée avec la même rigueur pour tous !
A l’aune de la réalité du territoire calédonien, dans ce microcosme insulaire, le principe de l’opportunité des poursuites ne pourra faire illusion et masquer l’arbitraire, si la politique pénale s’écarte un tant soit peu de la finalité qui la fonde : l’intérêt général, l’équilibre d’une société donnée, l’ordre public et non un intérêt de faction.
Depuis le mois de décembre, les condamnations pénales de jeunes Kanak se sont accumulées, certaines condamnations venant encore accroître la population du Camp Est, déjà saturée de mélanésiens.
La politique pénale, nous disent les textes, doit être mise en œuvre par le Procureur de la République en fonction du contexte propre à son ressort.
Mais depuis l’accord politique du 4 mars dernier, malgré les intentions proclamées des forces politiques en présence, cette tendance répressive ne s’est pas infléchie vis-à-vis des Kanak et des seuls Kanak.
Car quand des dizaines de jeunes Kanak sont poursuivis et condamnés, pas un seul militant loyaliste n’a été inquiété, en dépit des attroupements armés et des violences commises parfois avec armes à feu, dans le cadre de ce qui était bien un conflit civil aux multiples protagonistes.
Il n’y a là nulle justice « réparatrice et de conciliation », et en fait nulle Justice et de toute évidence, le seul contexte qui guide l’action du Ministère Public est la pression des plus violents et de ceux qui brandissent les armes en osant se draper de la bannière tricolore, pensant trouver là un alibi à leur intolérance et à leur acculture.
Quant à la peur du Kanak et de l’après 3ième référendum qui crispe une partie de la population calédonienne, elle ne peut pas plus justifier aujourd’hui, une politique pénale préventive et de lynchage.
Certes les Kanak sont les premiers descendus dans la rue, mais pour dénoncer les conditions de cession d’un site minier, les risques qui pouvaient y être associés pour l’ensemble du pays et non pour remettre en question la place des autres communautés sur ce territoire.
Certes les Kanak ont revendiqué la prise en compte de leurs droits de peuple autochtone, ce qui se résumait ici, comme toujours, à être consultés, écoutés, un tant soit peu considérés.
Que les décisions qui pèsent sur ce pays, emprunte en partie les chemins coutumiers, est trop exiger ?
Certes les Kanak ont eu l’audace de vouloir être rassurés sur cette cession. Et les demandes de garanties exigées par écrit et déposées par l’ICAN auprès de la Direction de VALE NC et de VALE Toronto, portaient sur les capacités environnementales, technologiques et financières du repreneur et en l’occurrence NCR à faire fonctionner une usine hydro métallurgique, en traitant/éliminant les déchets et en garantissant le barrage KO2.
Mais le mouvement social puis le conflit civil qui ont finalement entouré ces demandes légitimes, ont eu bien des facteurs et de manière évidente ont dépassé les individus et tous les protagonistes. Si la violence est condamnable, elle doit l’être pour tous ceux qui l’expriment !
Les condamnations des seuls jeunes Kanak se sont accumulées. Le Procureur de la République de Nouméa cherche des mobiles…
Il aura vite oublié les images de la rupture du barrage de Brumadinho, ses 270 morts et vite oublié que pour les tribus Kanak du sud, leur terre et leur lagon sont leurs seules richesses. Faut-il chercher plus loin ? Ces jeunes kanaks eux n’ont pas de deuxième patrie.
Mais le Procureur de la République connaît-il les tribus du Sud calédonien, leur mode de vie et les réalités sociologiques et géographiques de son ressort ?
Le Procureur de la République de Nouméa cherche des mobiles et désormais des « commanditaires ».
A la partialité de poursuites qui n’ont été tournées que contre les seuls manifestants Kanak, s’ajoute ce qui ne peut apparaître que comme une quête chimérique si ce n’est une outrancière machination.
Non, l’Ordre Public et la Paix Sociale ne sont pas les moteurs du Parquet de Nouméa qui cède ouvertement à la loi du plus fort et ne cherche qu’à montrer aux citoyens loyalistes et aux bons pères de famille (dont il exclut les mélanésiens en tant qu’autochtones) que l’État est à même de les protéger et même de couvrir leurs excès.
Il s’agit de démontrer en cette période pré référendaire que le Parquet est capable en Nouvelle-Calédonie de condamner tout Kanak qui franchirait la ligne rouge et que la Justice peut aussi être capable de museler toute opposition politique en stigmatisant les supposés commanditaires du moindre débordement.
Ce faisant, le Parquet donne aussi l’image d’une complaisance absolue pour les hauts responsables loyalistes qui au vu et au su de tous, y compris du commandement de la Gendarmerie Nationale, ont orchestré des attroupements armés et s’y sont affichés.
C’est aussi faire preuve d’une complaisance absolue vis-à-vis de ceux qui ont l’audace de se présenter comme les victimes d’une situation que la majorité loyaliste de la Province Sud avec la complicité politique de l’État a instrumentalisée.
Ainsi, derrière un mouvement social dont nul n’ignore la nature, derrière les craintes de populations autochtones aspirant au respect de leurs droits fondamentaux, il y aurait, selon le Procureur de la République de Nouméa une « association de malfaiteurs », un réseau de commanditaires, fantômes sans casier judiciaire.
Hypocrisie lorsqu’il s’agit en réalité d’introduire une discrimination dans une opposition politique en muselant des défenseurs des droits autochtones.
Ainsi, après les jeunes Kanaks, ce sont désormais André VAMA Président du Comité RHEEBU NUU et KOROMA Adrien coutumier et vice-président du Conseil Coutumier Drubea Kapumë, DIGOUE Prosper du collectif USUP de Yaté, Siléva MAPOU, Président du Comité Consultatif Coutumier Environnemental, Sarah MAPOU et moi-même, Raphaël MAPOU, secrétaire général du Comité Rhéébù Nùù et porte-parole de l’ICAN qui subissent une pression maximaliste de l’appareil judiciaire de l’État français.
La disproportion dans la méthode et le détournement de la justice pénale à des fins de communication politique sont outranciers.
Pourquoi, une perquisition dans les locaux du Pacte de Développement Durable du Grand Sud, dont les structures n’ont jamais porté aucun mot d’ordre lors de la crise ?
Faut-il rappeler au Parquet que le maintien du Pacte et son financement faisait partie du cahier des charges imposées par VALE Canada Ltd au repreneur dans son appel d’offre. Faut-il rappeler au Parquet que de par sa nature juridique contractuelle, le Pacte n’a jamais eu besoin d’une garantie particulière ? Faut-il rappeler au Parquet que depuis 2008, le Pacte a permis à des tribus délaissées par la République d’assurer leur développement durable ? Faut-il rappeler au Parquet qu’à travers des passerelles novatrices le Pacte a permis le dialogue entre l’industriel et les populations locales et garantit la stabilité du Sud y compris lors des crises liées aux pollutions dont VALE était à l’origine ?
La thèse du Pacte en tant que « mobile » des débordements (dont rien n’établit qu’ils auraient été« commandités ») commis lors des mobilisations lancées par l’ICAN et totalement pris en charge depuis le 30 novembre 2020 par le collectif USUP animé par le FLNKS, pourrait prêter à sourire, si elle ne révélait une simple intention de jeter le discrédit sur certains et certains seulement.
Pourquoi des mandats d’amener comportant 9 chefs d’accusation et 96 heures de garde à vue pour ces acteurs Kanaks de la société civile ayant pignon sur rue et dont la garantie de représentation est totale, de surcroit dans un contexte de crise sanitaire ?
N’aurait-il pas été plus simple, de les convoquer en audition libre ?
Pourquoi lors des gardes à vues les pressions morales et psychologiques exercées hors audition et en violation des procédures sur la benjamine et la seule femme auditionnée, en l’occurrence Madame Sarah MAPOU.
Une enquête pénale est-elle le lieu de menaces ? Ont-ils cessé d’avoir court en Nouvelle Calédonie, les principes selon lesquels « Les juges, les parquets et les enquêteurs doivent, dans le respect des formalités légales, récolter tous les éléments qui peuvent prouver la culpabilité ou l’innocence des prévenus ou accusées et les circonstances des crimes. Le recours à (…) l’usage de menaces, de pressions, de tromperie et de tout autre moyen illégal pour recueillir des preuves ou des aveux sont interdits. Nul ne peut être contraint de prouver sa culpabilité… » ?
Les chefs d’accusations de « vol et enrichissement personnel », d’« association de malfaiteurs » n’ont de raison d’être que la volonté de l’État de dégrader aux yeux de l’opinion ceux qui ont tenté de questionner des situations et de défendre leurs droits.
L’application aux responsables coutumiers de l’ICAN, des mesures coercitives applicables en matière de terrorisme et de grand banditisme n’a eu qu’une finalité vexatoire.
Après nous avoir placés 5 jours durant entre les mains des enquêteurs et du Parquet, le Procureur Général a-t-il les noms des commanditaires et leur mobile ?
Il n’y a rien, comme chacun a pu le constater lors de la conférence de presse donnée par le procureur de la République et le général de gendarmerie.
Les moyens de pressions ont été manifestement disproportionnés et l’action des pouvoirs publics ne peut qu’être questionnée dans sa pertinence et son fondement. Car la recherche de la vérité est-elle réellement en cause ?
Des supputations sur l’existence d’un faisceau d’indices peuvent-elles palier à un défaut d’administration de la preuve ?
A suivre l’orientation des 4 jours d’audition subis, nous avons au final eu l’impression que le procureur s’est inspiré, sans discernement, de ce que disent nos détracteurs pour construire nos chefs d’accusations.
Ainsi, il y aurait des commanditaires des exactions ou délits commis à l’usine. Le mobile serait « le pacte de développement durable du grand sud », ce qui constituerait en soi un enjeu d’ordre financier comme ne cesse de clamer publiquement, Calédosphère et le Chien Bleue. Et pourtant, « idem est non- esse et non probari » (« Ce qui n’est pas prouvé, n’est pas ») et n’importe quel juriste, même ne siégeant pas au Parquet de Nouméa, saurait d’évidence qu’un accord juridiquement contraignant n’a pas besoin d’être défendu dans la rue.
Des rumeurs de corbeaux, linceul de l’évidence, du droit et du salut public !
Il semble évident qu’un détournement de procédure a été mis en œuvre sans respect de nos droits individuels en tant que personnes gardées à vue. Il est tout aussi évident que notre droit à la sécurité et à la protection contre l’arbitraire a été bafoué par l’État.
Mais plus grave encore est l’atteinte portée par l’État à nos droits civils et politiques ainsi qu’à notre liberté d’association.
Ainsi, n’ayant rien trouvé après avoir mobilisé une section de recherches de plus de 11 personnes durant des semaines, au sortir de 96 heures d’audition, le procureur a décidé d’entretenir le doute sur notre éventuelle culpabilité en confiant notre « affaire » à un juge d’instruction, au travers d’un contrôle judiciaire en « bâillonnement » qui peut durer jusqu’à 18 mois. Outre un cautionnement financier exorbitant au regard de la réalité des ressources des personnes mises en cause, cette mesure d’instruction est assortie d’interdictions notamment celle de se rencontrer et d’échanger.
En tant que Kanak, ces mesures portent une atteinte disproportionnée à notre vie privée en ignorant et entravant les liens qui peuvent nous unir dans la Coutume.
En tant que défenseurs des droits autochtones et de l’environnement, ces mesures portent une atteinte disproportionnée à nos droits politiques et à notre liberté d’association car nous œuvrons de longue date en commun pour la sauvegarde de ces intérêts.
De fait, l’action du Parquet et, à travers lui celle de l’État, a pour conséquence de museler pendant 18 mois et la période référendaire à venir, des acteurs politiques et de la société civile sans preuve (si ce n’est par défaut celle de leur innocence) et sur la base de rumeurs nauséabondes.
Cette affaire, nous interpelle et doit interpeller chaque citoyen autochtone mais aussi chaque citoyen Calédonien quant à la question de l’administration de la justice pénale dans un pays en voie de totale émancipation et en tout état de cause doté d’une autonomie politique.
Car, au-delà de nos personnes, se pose la question des bases sur lesquelles peut être assise une paix civile durable.
Cette affaire doit nous interpeller quant à la question de la conception de l’ordre public sur un territoire pluriel dont il a été affirmé que l’avenir sera le temps de « l’identité dans un destin commun ».
Dès 2011, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les Populations Autochtones s’est alarmé de la situation carcérale en Nouvelle-Calédonie et de la proportion de la population pénitentiaire mélanésienne qui traduisait un problème socio politique de fond.
Qu’a entrepris le ministère de la Justice depuis lors ? Si peu et donc RIEN !
Dès 1998, l’Accord de Nouméa évoquait l’instauration de la médiation pénale coutumière. Qu’a entrepris le ministère de la Justice depuis lors ? Si peu et donc RIEN !
Le Parquet général se serait-t-il inspiré dans son action quotidienne des riches retours d’expérience en la matière de pays voisins comme la Nouvelle-Zélande ? JAMAIS.
La politique pénale est définie par le Procureur sous la hiérarchie du Parquet Général et du ministère de la Justice. Mais le ministère de la Justice a-t-il entrepris quelques travaux utiles avec les institutions du Territoire sur l’approche de l’ordre public au regard de la réalité calédonienne ? NON
Or, de ces questions ne dépend pas l’intérêt propre des Kanak, mais la stabilité de notre Territoire quel qu’en soit l’avenir.
La présente crise démontre de nouveau que la justice pénale ne peut être administrée à Nouméa, comme à Paris ou Marseille. Les terres et espaces coutumiers ne sont pas des banlieues séparatistes de Métropole, mais des espaces où prévalent des normes de Droit de l’Homme dont la mise en œuvre doit pouvoir garantir la dignité de groupes vulnérables.
Ainsi pour notre dossier « usine du Sud », ce qui intéresse le Procureur de la République, ce sont « les évènements et les exactions » commis en décembre 2020, en janvier/février 2021. Mais pour l’ICAN et le collectif USUP, le fond du dossier a toujours porté, avant comme après cette période, sur « les conditions de départ de VCL de Nouvelle-Calédonie et sur le choix du repreneur ».
Le Parquet n’a donné aucune suite à la plainte déposée par le comité Rhéébù Nùù et le Conseil Coutumier et qui portait pourtant sur le fond du dossier et sur les distorsions de concurrence dans le cadre de l’appel d’offre international relatif au choix d’un repreneur. Le parquet ne s’est jamais intéressé à la responsabilité d’un personnage clé, en l’occurrence M. Antonin Beurrier, lequel dans cette affaire était en même temps « vendeur » et « acheteur ». Le Parquet ne s’est jamais questionné sur le non-respect de la loi de défiscalisation métropolitaine.
Le Parquet n’a jamais instruit aucune des plaintes déposées par des Kanak victimes de violences de la part de militants loyalistes lors de la crise.
Le Parquet n’a enfin tenu aucun compte du contexte propre à son ressort ni aucun compte de l’accord politique du 04 mars 2021, fruit d’un compromis politique marquant un retour à la paix civile.
Le prétexte de la stricte application de la loi ne peut, dans ce contexte, masquer l’arbitraire.
Mais surtout, à supposer que les poursuites entreprises ne relèvent pas d’une pure machination, le chef d’accusation d’« association de malfaiteurs » poserait alors de manière pleine et entière la question de la compétence professionnelle des fonctionnaires du Parquet détachés en Nouvelle-Calédonie.
Comment serait alors appréhendées les réalités socioculturelles existantes et comment seraient envisagée la pertinence des orientations données en matière pénale ?
Le Parquet a-t-il intégré les notions de clan et de chefferie ainsi que l’immense réseau que constituent les chemins coutumiers des clans ? Comprendre ses notions permet de comprendre comment sont prises en charge dans le monde de la coutume, toutes les énormes mobilisations qui entourent les deuils et les cérémonies de mariage. Cette compréhension est utile quand on veut comprendre comment s’organise la solidarité autour d’un évènement populaire comme l’est l’action de l’USUP. Non, il n’y a pas d’ « association de malfaiteurs » là où existent la vie coutumière et son système de solidarité.
En outre, il y a lieu de retenir que l’enrichissement personnel est antinomique à l’expression de la coutume. Tout coutumier qui se respecte, remplit des obligations et des devoirs en prenant des responsabilités dans les tâches qui incombent au bien-être de la collectivité. Les responsables du Comité Rhéébù Nùù, n’ont jamais dérogé à cette règle depuis la création du comité.
Le Pacte pour le Développement Durable du Grand Sud a toujours nourri les jalousies de ceux qui parmi les calédoniens n’en étaient pas bénéficiaires. Il a toujours nourri la défiance de l’État et de la Province Sud car il permet à des Kanak d’être acteurs de leur propre développement. Ce Pacte repose sur des droits et sur des acquis. Le Parquet en a-t-il conscience ?
La thèse du Procureur de la République sur une fantomatique « association de malfaiteurs » ayant pour mobile de défendre ce Pacte est le fruit candide de ces jalousies et de ces frustrations. Elle sert sans doute aussi les intérêts d’une Direction de VNC qui avait conduit son entreprise au bord de la cessation de paiement.
Mais si l’on peut douter que des magistrats du Parquet soit aveugles ou candides, leur action est alors ici nécessairement politisée. Aujourd’hui, qu’espère le Procureur de la République et à travers lui l’État, mis à part bâillonner notre « parole » et faire montre de complaisance vis-à-vis d’une extrême droite radicalisée ?
Ce n’est en tout cas pas un ordre public calédonien qui est défendu. Ce n’est pas plus l’accord politique du 4 mars 2021 qui est considéré.
Ce n’est ni à la concorde ni à l’harmonie sociale qu’œuvre aujourd’hui l’État.
Fidèle à leur tradition, c’est de bonne foi que les parties Kanak ont lié leur Parole dans cet accord. Mais comme souvent, la parole des responsables loyalistes engagés dans l’accord ne pèsent pas face à l’opinion publique contrôlée par les tenants historiques du racisme institutionnel anti-kanak.
Dans ces conditions, le comité Rhéébù Nùù a décidé de contester devant le Tribunal Administratif, la délibération de la Province Sud n°13-2021/APS du 18 mars 2021 autorisant le transfert de contrôle de la société VNC. Le Comité Rhéébu Nùù en fera de même s’agissant de tous actes administratifs permettant la concrétisation de cette cession y compris en matière de défiscalisation.
L’instruction sollicitée par le Parquet nous insulte et nous musèle, mais nous avons foi en son issue, car la Justice ne pourra se satisfaire de poursuites empreintes de partialité et d’iniquité et surtout dépourvues de fondements.
Le temps viendra où à travers l’action du Parquet, et plus largement du Parquet Général, le dysfonctionnement du service public de la Justice en Nouvelle-Calédonie sera questionné.
Mais pour conclure, nous affirmons que notre bien le plus précieux en tant qu’êtres humains et en tant que coutumiers autochtones de ce pays, est notre dignité. Nous ferons tout pour la faire rétablir par la JUSTICE.
Notre combat est celui de la dignité du Peuple Kanak, peuple autochtone de ce pays dont les droits imprescriptibles sont partie intégrante des Droits de l’Homme.
Raphaël MAPOU,
Secrétaire général
Yaté, le Mardi 25 mai 2021