(Unità Naziunale Publié le 23 juin 2019)
Chers collègues,
Pour commencer, je veux saluer le courage de l’agent de sécurité qui a plongé la semaine dernière dans le port de Bastia afin de porter secours à une dame qui y était tombée en voiture. Nous lui adressons nos félicitations sincères.
Saluons aussi la naissance de Ghjuvan Martinu Tomasi, fils de notre collègue Petru Antone. Nous adressons nos compliments aux parents et à la famille.
427 millions d’Européens sont appelés à voter pour l’élection du Parlement Européen à partir d’aujourd’hui et jusqu’à dimanche.
L’Europe est présente dans nos vies, dans notre quotidien, même si nous ne la voyons pas, même si nous ne le savons pas. Pourtant, il est toujours difficile de dire ce qu’elle est, entre l’abstraction liée à son organisation et à son éloignement et l’aspect concret de nombreuses opérations d’aménagement du territoire, de soutien à l’agriculture ou à la recherche. Lorsque nous en attendons beaucoup, elle nous semble trop faible. Quand elle s’investit, elle nous paraît trop présente.
Comble de cette faiblesse, le philosophe Régis Debray prend l’exemple de l’absence de l’histoire et de l’identité sur les billets d’euros. Aucune figure historique, aucune racine culturelle… pour lui, ils ressembleraient à des billets de Monopoly alors que les Dollars présentent des femmes et des hommes qui ont fait l’histoire des Etats-Unis, des expressions latines et des références à des transcendances.
Absence de frontières précises, poids des états et complexité du fonctionnement de l’Union Européenne, absence de représentation réelle des peuples dans l’institution, autant de raisons qui expliquent la faiblesse de l’imaginaire européen, du sentiment européen, d’un patriotisme européen et d’un amour pour l’Europe.
Paradoxalement, le sentiment européen que nous éprouvons nous-même se construit sans l’aide de l’Union Européenne. Comment expliquer autrement les solidarités entre les peuples catalan, écossais, wallon, corse ou irlandais ? La fraternité entre nous, les Sardes, les Toscans ou les Ligures a, elle aussi, augmenté. Ces sentiments participent aussi à l’intégration à l’Europe bien que les institutions ne soutiennent pas ces élans de solidarité et d’amitié. Les faiblesses de sa démocratie accroissent notre désir d’une autre Europe, plus démocratique et plus solidaire.
La démocratie européenne est une route caillouteuse. Bien entendu, nous avons fait un chemin important depuis les deux guerres mondiales mais les menaces extérieures, les peurs liées aux religions ou aux migrations, la baisse de l’influence de l’Europe sur la marche du Monde, comme sa faible démographie – seulement 5 % de la population mondiale en 2050 – renforcent les régimes les plus autoritaires. En face de ces régimes et de leur démagogie, nous avons un discours béat d’admiration pour l’Union Européenne, sans aucun lien avec la réalité et le sentiment des peuples. Ces deux démarches, qui semblent opposées, se nourrissent mutuellement, dans leur présence politique et médiatique. Mais l’une et l’autre ne me paraissent pas en mesure de reconstruire l’Europe à la hauteur des enjeux majeurs, des défis en matière de justice sociale, de transition climatique et environnementale, de leadership technologique, de construction démocratique, d’éducation et de paix.
Nous l’avons déjà dit, nous voulons une Europe de la culture et de l’éducation riche de ses anciennes racines. Nous voulons une Europe des peuples solidaires et souverains, une Europe qui respecte l’expression démocratique. Nous voulons une Europe proche des femmes et des hommes qui y vivent. Une Europe debout face aux problèmes démographiques, écologiques et numériques que nous connaissons.
Nous ne pourrons construire cette vision politique de l’Europe qu’à condition de définir un cadre de valeurs communes, une identité collective, un modèle européen de société. Malheureusement, le choix donné à l’électeur européen dans les jours à venir ne me paraît pas proposer une voie qui puisse conduire à la nécessaire refondation de l’Union.
Président de l’Assemblée de Corse
JeanGuyTalamoni