À tous ceux qui se sont sacrifiés.
Jean Luc ALBERTINI
Une fois refermée pour la première fois la lourde porte de fer de ma cellule du bâtiment D3 de Fleury Merogis, je n’ai pas eu peur, enfin pas beaucoup. Sur l’instant ce qui inquiétait le plus c’est que l’un des matons avait répondu «non, je crois pas» lorsque je lui ai demandé s’il y avait d’autres corses dans le bâtiment.
Pendant deux ou trois heures, pour combattre l’ennui je déchiffrais les graffitis dont quantité de corses stylisées et de «FLNC» gravés sur les murs m’indiquaient que d’autres compatriotes étaient passés par cette cellule. Puis la porte s’est ouverte, un maton accompagnait un gars en survêt. Son «va bè?» m’a fait bondir, «tiens je t’apporte deux trois trucs. On se voit après à la promenade». Une bassine, de la picorée, du sucre,un toto, du papier, un stylo, un radio cassette, un livre (journal de Bolivie de Ernesto guevara) et la fameuse fourchette tordue indispensable pour actionner la douche commune, dégueulasse et toujours trop chaude de fleury.
Seuls les initiés peuvent vraiment comprendre ce qu’on ressent devant ces trois babioles que l’on reçoit des camarades, le fameux colis arrivants. Nous nous sommes tous côtoyés, les MPA, Cuncolta, Anonymes, Armata Corsa, brigadistes, manipulés, manipulateurs et j’en passe.
Nous discutions beaucoup et s’il y a un sujet qui mettait tout le monde d’accord c’est que les révolutions avaient toutes été récupérées par les petites bourgeoisies «compradore» et que la Corse n’échapperait pas à la règle.
Notre révolution n’est pas achevée, notre île est dépecée vivante par l’économie de marché, le capitalisme sauvage, l’argent roi. Inachevée certes mais déjà récupérée, pervertie en jeux de pouvoirs, prétexte pour quelques carriérismes et rêve de gloriole, voilà ce qu’il reste de notre révolution.
Hier soir, en réunion publique, a été confirmé qu’aucune composante de «pè a corsica», aucun élu de la majorité, aucun membre de l’exécutif, aucun des deux présidents ne soutiendra #Patriotti, ni n’appellera à la #manifestation contre la répression le 13 Avril à #Bastia.
Tous ceux qui aujourd’hui se font élire en saluant hypocritement le sacrifice des militants feront tout pour que l’appel à la mobilisation soit un echec. Tous ces encostumés et encravatés, tous ces jeunes et moins jeunes qui voient un siege à l’assemblée comme le graal, ceux là qui n’ont jamais eu les yeux qui pleurent le lacrymo, qui n’ont jamais vu et ne verront jamais la merde collée sur les murs d’une cellule arrivant, qui ne sentiront jamais les odeurs de pisse de la souricière du palais de justice de Paris ou d’ailleurs, ceux là tournent le dos à ces militants qui ont payé et qui paient encore le prix fort pour que ces usurpateurs puissent faire carriere.
Tout ça pour d’obscures raisons polititiennes.
Arrêtons de rire des politiciens français près à tout pour un strapontin, arrêtons de rire car nous avons les mêmes.
ALBERTINI JEAN LUC