#Corse #Présidentielle 2012 – Eva Joly répond aux questions de FEMU A CORSICA

Eva Joly répond aux questions de FEMU A CORSICA. En effet le groupe FEMU A CORSE élu en 2010 à l’Assemblée de Corse a envoyé à tous les candidats pour les élections Présidentielles de 2012 une série de trois questions. Voici la réponse de la Candidate EVA JOLY.

Messieurs,

Vous avez interpellé l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle lors d’une conférence de presse tenue à Aiacciu/Ajaccio le 17 mars 2012. À cette occasion, vous avez soulevé trois questions précises qui appellent de ma part les réponses suivantes, que, pour l’essentiel, j’ai déjà exprimées lors du déplacement que j’ai effectué en Corse le 28 février dernier.

Première question : « le peuple corse est une communauté humaine vivante et ouverte, de par sa langue, sa culture, sa relation à un territoire historique, la Corse, ses intérêts spécifiques : considérez-vous que ce peuple existe et qu’il a le droit d’être juridiquement reconnu ? »

Je considère que le modèle jacobin français, d’ailleurs désormais totalement isolé en Europe, exerce une oppression contre les cultures et contre les langues régionales qui, en France, selon l’Unesco, sont toutes menacées de disparition. C’est la diversité culturelle, qui est la richesse de toute l’Europe, que l’Etat jacobin menace.

Aussi je suis pour une France fédérale dans une Europe fédérale. Le fédéralisme que je propose est un « fédéralisme différencié » car chaque territoire n’a pas la même histoire, ni la même culture, ni les mêmes besoins, selon qu’il s’agit de la Corse ou de la Champagne. Dans ce cadre, je ferai en sorte que soit officialisée la reconnaissance juridique du peuple corse.

Deuxième question : Êtes-vous prête à engager, dès votre élection, une réforme constitutionnelle permettant en conséquence à la Corse d’obtenir les moyens statutaires d’assurer son avenir, à travers notamment :

– la question foncière, notamment le statut de résident,

– le statut de coofficialité de la langue corse,

– la demande de transfert de la compétence fiscale, au nom du statut hérité des arrêtés Miot.

Ces évolutions voulues par une majorité d’élus ainsi que par l’immense majorité des Corses, auront nécessairement pour corollaire le transfert du pouvoir réglementaire et législatif à l’Assemblée de Corse.

Je l’ai déclaré lors de ma réunion publique à Aiacciu/Ajaccio, et je l’ai exprimé lors de mes interviews aux médias corses : je suis en faveur de la coofficialité de la langue corse, et je suis convaincue de la nécessité de l’enseignement par immersion pour assurer, dans la bouche des nouvelles générations, l’avenir de la langue corse. Il faudra donc modifier l’article 2 de la Constitution pour que tout cela soit possible.

Je suis également favorable à une « citoyenneté de résidence » qui pourra s’appliquer, notamment, aux questions foncières, de façon à lutter contre la spéculation et pour assurer au peuple corse, particulièrement aux jeunes, l’accès à la propriété dans leur pays.

Enfin, c’est la normalité européenne que d’accorder un pouvoir réglementaire et législatif aux institutions régionales, et je veux que cela devienne aussi le cas en France. Cela peut être applicable à la question fiscale, tout en veillant à une péréquation entre les plus riches et les plus pauvres. La nouvelle République que j’appelle de mes voeux aura le devoir de répondre aux attentes des représentants légitimes du peuple corse, dans ce domaine, comme dans tout domaine crucial pour l’avenir du peuple corse.

Troisième question : Êtes-vous prêt à engager, dès votre élection, un processus de dialogue avec l’Assemblée de Corse et l’ensemble des forces vives de l’île, afin que cette réforme constitutionnelle soit couplée avec la définition d’une véritable solution politique, permettant à la Corse de s’engager définitivement et irréversiblement sur le chemin de la paix et de l’émancipation ?

En tant que parlementaire européenne, je suis frappée par la réussite de ce qui s’est passé en Irlande du Nord durant la dernière décennie. Les crises politiques se résolvent par des processus politiques où le dialogue doit être le moyen privilégié. J’observe que le Pays Basque, qui connaît une crise semblable, s’engage à son tour dans un tel processus. Vous pouvez compter sur moi pour encourager une démarche similaire en Corse, avec le soutien de ceux qui, sur l’île, veulent contribuer à un tel processus de règlement politique.

Pour conclure ces réponses, je veux vous assurer de ma sensibilité particulière aux problèmes que vous rencontrez. Dans mon autre patrie, la Norvège, j’ai toujours apporté mon soutien aux efforts engagés à partir des années 70 en faveur de la reconnaissance des droits et de l’identité culturelle du peuple sami qui vit dans le Grand Nord. Aujourd’hui, les Samis ont recouvré leurs droits et leur dignité, et la Norvège peut être citée en exemple aux autres Etats européens. Mon ambition est que, demain, il en soit de même pour la France.

Avec toute mon amitié

Eva Joly

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