(Unità Naziunale – 6 février 2018 – 12h00) La seule banderole de samedi, à la manifestation populaire d’Ajaccio était claire : « Demucrazia e rispettu pè u populu corsu (démocratie et respect pour le peuple corse)
Il faudrait beaucoup d’angélisme pour demander à l’Etat qui a assis sa domination sur la Corse par la conquête militaire, l’a soumise par la répression puis par l’assimilation organisée où elle a acquis un savoir-faire millénaire reconnu ( les mille ans des Capétiens), effectue ici une conversion radicale à la vertu, au dialogue et au droit. Mais on peut attendre, sinon du cœur, de l’humanité, au minimum de respect, au moins des formes. Ce n’est pas le cas et, dès lors, nous sommes obligés, en dépassant l’actualité, de nous interroger sur ses intentions véritables.
J’écrivais il y a quelques jours, dans cette période importante de notre histoire : En effet, la confiance est l’ingrédient de base, fondamental, irremplaçable des sociétés démocratiques et des rapports entre les individus, les sociétés, les Etats, les nations. Sans elle, il ne peut y avoir de dialogue, fructueux, de partenariats fiables, d’accords pérennes, dans le strict respect des intérêts légitimes des parties ; privés de ce socle, de ce viatique essentiel, les échanges puis les éventuelles négociations engendreraient frustrations, réticences, méfiance, avec l’échec en prime » (fin de citation).
Manuel Vals avait dit lors d’un voyage officiel en Corse dont la portée n’a pas été mesurée ni par l’Etat ni par les Corses eux-mêmes ; « les Corses ont perdu confiance dans l’Etat » » Aveu terrible. Dur raccourci qui enjambe deux siècles d’aliénation pour, peut-être, hypothéquer l’avenir ?
La manifestation de samedi 03 février 2018, à Ajaccio a, malgré les manœuvres, les intempéries, réuni une foule dense, paisible, responsable, à la conduite irréprochable et disciplinée ; il est de tradition, en France surtout, de donner des chiffres de participation, variant du simple au double et l’Etat donne le la. On peut minimiser ce jeu, en rire, le considérer comme inévitable mais on se trompe et ici, on nous trompe, sciemment ; on nous ment.
Hier, les Corses savent, par une longue expérience en la matière, que, même avec une évaluation minimaliste, la foule était supérieure à 20.000 personnes. Immédiatement, l’Etat a décrété qu’il y avait six mille personnes et a tenté d’imposer-heureusement en vain- sa version de l’évènement qu’il feint de considérer comme un échec. Analyse fausse qui inquiète la veille de la venue, importante, du Président de la RF dans l’île, pour faire connaitre son analyse et ses propositions concernant « la question corse » et la solution qu’il propose.
Certes, la France a soutenu froidement que, en, Algérie, il n’y avait pas eu de guerre malgré 500.000 victimes dont plus de 40.000 soldats du contingent ; elle affirme que en Corse, il n’y a pas de prisonniers politiques car cette affirmation est infondée car, en France, il n’y a pas de détenus politiques mais des détenus de droit commun.
Mais, dans le climat d’inquiétude que vit la Corse, manipuler de manière scandaleuse les chiffres de la participation, alors qu’il y a des milliers de témoins et de très nombreux journalistes et observateurs étrangers, relève à la fois de l’inconscience, de la dénégation, du cynisme et du mépris le plus total pour l’opinion publique, corse, continentale et européenne. Il décrédibilise la France et altère son image.
Comment peut-on faire confiance à un Etat, quand ses représentants mentent publiquement de manière aussi éhontée ? Quand nous disent-ils la vérité alors toutes leurs décisions importantes concernant la Corse sont prises et appliquées dans un huis-clos institutionnalisé et donc dans un silence de contrainte et de climat opaque, imposé et efficace. La politique de déni de la réalité, de la véritable situation de la Corse et de son peuple, du refus général de l’exigence de dignité, d’identité, de démocratie, de transparence et de justice, sont en fait les ingrédients d’une politique coloniale dont la persistance pourrait conduire à des évolutions préoccupantes. Les Corses, d’origine ou d’adoption, ne renonceront jamais à être eux-mêmes, sur leur terre.
Nier la volonté des Corses, de l’île et de la diaspora , adossés à des convictions communes probantes et largement partagées, à des choix validés par le suffrage universel, n’utilisant que les armes pacifiques du dialogue et de la mesure, revendiquant la démocratie comme moyen et comme objectif en excluant la violence, est attentatoire au droit imprescriptible et universel de l’homme à la liberté.
Le droit doit primer la force et le dialogue la contrainte. L’Etat doit s’en persuader. Là est la voie de la confiance qui permettra la naissance d’une Corse nouvelle, moderne, plus juste, éprise d’humanisme et respectueuse des intérêts légitimes de parties par un nouveau contrat avec l’Etat, dans une Europe démocratique et aussi dans notre berceau naturel, la Méditerranée. Nous ne renoncerons pas à être nous-mêmes, avec tous les autres, modestement, au milieu des autres peuples du monde. Dans la fraternité et la paix. La raison commune l’emportera, in fine et ouvrira la porte à la justice et à la réconciliation.
Dr Edmond Simeoni
Président de Corsica Diaspora et Amis de la Corse
Lozzi le 5 Février 2018