« Gestion de la fréquentation des sites touristiques », la motion du président de l’Assemble de #Corse, @JeanGuyTalamoni

(Unità Naziunale Publié le 19 septembre 2018) A l’occasion de la réunion des 20 et 21 septembre 2018 voici une motion du Président de l’Assemblée de Corse : 

MOTION AVEC DEMANDE D’EXAMEN PRIORITAIRE DEPOSEE PAR : M. Jean-Guy TALAMONI, PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE DE CORSE OBJET : GESTION DE LA FREQUENTATION DES SITES TOURISTIQUES.


CONSIDERANT que selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, le nombre de touristes est passé de 60 millions à 1,2 milliard,

CONSIDERANT que selon cette même source, 95% des touristes se concentreraient sur moins de 5% des terres émergées,

CONSIDERANT que cet afflux n’est pas sans conséquences : explosion des prix de l’immobilier, saturation des hébergements, ou encore modification de la structure touristique,

CONSIDERANT qu’entre le 1er mai et le 5 novembre 2017, la Corse a accueilli 2,6 millions de touristes, pour 30 millions de nuitées et 900 000 séjours,

CONSIDERANT qu’en Corse, la dépense des touristes pour les produits culturels ne représente que 1,8% de leur budget,

CONSIDERANT que les espaces naturels classés ou protégés ont un rôle capital dans la notoriété et l’attractivité de la Corse,

CONSIDERANT que l’impact anthropique sur le capital environnemental de la Corse doit être géré de façon à ce que la fréquentation de l’île soit sans impact majeur sur les écosystèmes et la biodiversité,

CONSIDERANT que la hausse de fréquentation des sites touristiques s’accompagne systématiquement de dégradations liées à l’accentuation de la pression anthropique sur les sites les plus remarquables, classés ou protégés,

CONSIDERANT qu’aujourd’hui le simple fait d’être répertorié patrimoine mondial par l’UNESCO attire l’attention des voyageurs et est susceptible d’avoir indirectement des conséquences néfastes pour le lieu indiqué,

CONSIDERANT que l’attractivité de l’île et l’économie touristique sont en grande partie liées à sa réputation environnementale d’île verte, bio, écologique,

CONSIDERANT que cette image d’île préservée s’est acquise au prix d’importants sacrifices consentis par les Corses et qu’il est de notre devoir collectif de promouvoir cet héritage écologique,

CONSIDERANT que les objectifs de protection et de préservation de la biodiversité et des espaces naturels sensibles requièrent une gestion des flux susceptible de restreindre le principe de libre accès,

CONSIDERANT que la surfréquentation dans des sites difficiles d’accès où les risques naturels sont plus forts pendant la saison estivale est également de nature à mettre en danger la sécurité des visiteurs,

CONSIDERANT que le classement des sites naturels sensibles doit impérativement s’accompagner de mesures de gestion des flux et des activités économiques sous peine de voir ces espaces détruits par l’accroissement de leur fréquentation accentuée de façon exponentielle par leur reconnaissance ou leur labellisation (Réserve naturelle, parc marin, grand site…),

CONSIDERANT que la labellisation des territoires a aussi un impact susceptible d’accroitre le prix du foncier rendant l’acquisition ou la transmission plus difficile encore aux Corses, CONSIDERANT que les derniers chiffres de la fréquentation sur les Lavezzi font état d’un passage d’environ 250 000 personnes à l’année,

CONSIDERANT que cet écosystème présente une richesse en termes de biodiversité qu’il convient de préserver,

CONSIDERANT que cet archipel présente un intérêt écologique fort du fait de la présence de nombreuses espèces endémiques,

CONSIDERANT que même si l’activité touristique constitue l’un des moteurs de l’économie de la Corse, l’afflux massif de touristes engorge, défigure ou détériore les écosystèmes et contribue à chasser les locaux de leurs lieux de vie,

CONSIDERANT qu’il est indispensable de faire évoluer l’approche touristique à travers une conscience collective de notre environnement,

CONSIDERANT que cette réflexion doit être réalisée en concertation avec les professionnels du tourisme,

CONSIDERANT que le World Travel & Tourism Council a réalisé une étude en partenariat avec McKinsey et Company pour observer les effets du « surtourisme »,

CONSIDERANT que ce document met en exergue les dangers et les répercussions de la surfréquentation et du tourisme de masse,

CONSIDERANT que ces derniers sont très importants notamment sur l’aliénation des habitats locaux, la dégradation de l’expérience touristique, la surcharge des infrastructures, l’impact négatif sur l’environnement et constituent une menace sur la culture et le patrimoine,

CONSIDERANT que ce rapport prône, par exemple, une meilleure répartition géographique des visiteurs par la promotion d’autre sites, lieux et objets de visite que les « goulots d’étranglement » du tourisme de masse,

CONSIDERANT que la manière de protéger les espaces doit s’adapter à un monde qui change afin d’assurer une double mission de protection et de développement, CONSIDERANT que de nombreux pays, régions ou villes concernées par la surfréquentation touristiques ont pris des mesures pour remédier à ce problème,

CONSIDERANT qu’à partir de l’été 2019 l’ascension du Mont Blanc via la Voie Royale au départ de Saint-Gervais sera limitée à 214 personnes par jour,

CONSIDERANT qu’à Dubrovnik, sous la menace de l’Unesco de lui retirer le label « patrimoine mondial de l’Humanité », la visite de la vieille ville est désormais strictement encadrée et limitée,

CONSIDERANT qu’à Venise pour la cérémonie d’ouverture du carnaval, l’accès à la place Saint-Marc a été limité à 20.000 personnes,

CONSIDERANT qu’à Santorin en Grèce, les autorités ont restreint le nombre de croisiéristes en limitant à 8000 le nombre de personnes autorisées à débarquer quotidiennement,

CONSIDERANT que le gouvernement indien a limité le nombre de visiteurs quotidiens pour la visite du Taj Mahal classé patrimoine de l’humanité par l’UNESCO,

CONSIDERANT que le gouvernement islandais réfléchit à mieux encadrer la fréquentation du pays par des taxes ou des mesures de limitation,

CONSIDERANT que sur l’archipel des Galapagos, seules quatre îles sont habitées avec une population volontairement contenue de 26.000 personnes,

CONSIDERANT qu’en vertu d’une loi spéciale, les Equatoriens du continent sont considérés comme des étrangers aux Galapagos où, pour obtenir une autorisation permanente de résidence, il faut être marié à un insulaire depuis au moins dix ans,

CONSIDERANT que les constructions y sont encadrées, dans un environnement basé sur l’éco-durabilité avec la promotion des énergies renouvelables, des voitures électriques et l’interdiction des sacs plastique,

CONSIDERANT que l’aéroport de l’île Baltra, principal point d’entrée aux Galapagos, qui est considéré comme l’aéroport le plus écologique au monde, est alimenté en totalité grâce à l’énergie solaire et éolienne,

CONSIDERANT que la Corse doit se positionner de façon à devenir un exemple mondial de tourisme durable, qui préserve les écosystèmes tout en générant des bénéfices,

CONSIDERANT qu’il convient d’œuvrer à la mise en œuvre d’un tourisme durable susceptible de protéger notre patrimoine culturel et environnemental,

CONSIDERANT que la nécessaire protection des espaces remarquables doit s’accompagner également d’une politique du logement qui ne chasse pas les Corses des communes concernées,

L’ASSEMBLEE DE CORSE S’INQUIETE des conséquences d’un tourisme de masse sur notre environnement, notre culture et notre patrimoine.

MANDATE l’Office de l’Environnement de la Corse et le Parc Naturel de Corse afin d’entamer une réflexion permettant de proposer des solutions à l’Assemblée et au Conseil exécutif de Corse.

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