#Corse @JeanGuyTalamoni « Qu’ils aient été d’un camp ou d’un autre, est-ce le plus important ? Une vie humaine vaut une vie humaine »

(Unità Naziunale – 22 janvier 2018 – 07h00) Dans une tribune publiée sur Corse Matin, le Président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni revient sur le conflit qui a débuté il y a plus de 40 ans . Pour Jean-Guy Talamoni, « Il faut maintenant solder un conflit terminé ».

Voici la tribune publiée sur Corse Matin


« De la compassion à la réconciliation »

Le 6 février à Ajaccio sera commémorée la mort du préfet Erignac.

Vingt ans ont passé depuis cet événement tragique. On sait pourtant que la douleur des siens n’a rien perdu de son intensité. Durant les quarante années de conflit que la Corse a connu, des épouses ont été meurtries, des parents, des enfants marqués pour le restant de leur existence. Qu’il s’agisse des deux gendarmes tués à Aleria en 1975, des trois victimes de l’affaire « Bastelica Fesch » en 1980 (deux Ajacciens et un policier de Montauban), de Jean-Baptiste Acquaviva en 1987 ou des autres, de tous les autres, le temps n’a rien effacé. Le sentiment de l’irrémédiable accompagne cruellement le souvenir.

Qu’ils aient été d’un « camp » ou d’un autre, est-ce le plus important ? Une vie humaine vaut une vie humaine. Qu’ils aient vécu au sommet de la hiérarchie sociale ou qu’ils aient mené une existence modeste, est-ce l’essentiel ? Quoi qu’il en soit à cet égard, les larmes de leurs proches sont aussi lourdes. Et, contrairement à ce que voudrait faire croire la sinistre économie de la vengeance, ces drames ne s’équilibrent pas mais s’ajoutent les uns aux autres.

Car il ne s’est pas agi ici d’un affrontement privé mais d’un conflit de nature politique. J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’en ce qui me concernait, j’assumais clairement ce conflit de quatre décennies sans lequel – j’en ai la profonde conviction – le peuple corse aurait disparu en tant que communauté originale. Rappelons que durant cette période l’usage de la force a existé des deux côtés : il est aujourd’hui établi que certains services de l’État ont eu recours à des actions illégales et meurtrières. À cet égard et afin qu’il ne subsiste aucun doute, je tiens les éléments à la disposition de quiconque en douterait.

Pendant cette longue période, j’ai été d’un côté. Clairement. Même s’il m’est arrivé de désapprouver certaines actions, je n’ai jamais condamné l’usage des armes. De cette position j’ai assumé toutes les conséquences, de quelque nature qu’elles soient. Mais le conflit est terminé depuis juin 2014. Par ailleurs, ma situation a changé. Je ne suis plus responsable d’une formation nationaliste mais le président de tous les membres de l’Assemblée et à travers eux un représentant de l’ensemble des Corses.

Prenant en compte ma situation actuelle mais aussi mon parcours, j’écrivais il y a deux ans que si ma compassion était acquise à la famille du préfet Erignac, elle ne pouvait prendre la forme d’une participation à la cérémonie officielle qui devait lui être consacrée, attitude que je jugeais déplacée. Mon sentiment demeure le même aujourd’hui.

Je disais également mon espoir de voir s’accomplir un jour une réconciliation symbolique à travers un hommage rendu à toutes les victimes du conflit. Force est de constater que depuis, les mots de compassion que j’avais eus moi-même pour la mémoire et les proches du préfet n’ont pas incité les représentants de l’État à avoir la moindre parole à l’adresse des familles corses endeuillées. Ce n’est pas un reproche. Sans doute le moment n’était-il pas venu.

Une chose est certaine : la réconciliation suppose que l’on laisse le temps faire son œuvre, mais aussi que l’on effectue des gestes de part et d’autre. Sinon, ce n’est pas une réconciliation que l’on recherche mais une soumission. Ou bien, ce que je ne veux pas croire, estime-t-on que toutes les vies n’ont pas la même valeur ? En ce qui me concerne, j’ai beaucoup été interrogé sur ce sujet depuis plusieurs jours, ce qui me conduit à écrire à nouveau quelques lignes. Comme responsable politique et comme homme, je ne peux me résoudre à voir éternellement chaque « camp » rendre hommage à « ses » morts.

Peut-être est-il aujourd’hui possible de dépasser cette situation, politiquement et moralement désespérante. Est-il hors de question d’imaginer une cérémonie en l’honneur de tous ceux qui ont perdu la vie dans un long conflit aujourd’hui terminé ? Je pense en ce qui me concerne à une cérémonie religieuse, qui constituerait – tout particulièrement en Corse – le moyen le plus naturel pour garantir la solennité et la profondeur de l’hommage. Mais je ne sais comment une telle idée pourrait être accueillie de l’autre côté de la mer.

C’est en tout cas le vœu que je forme en ce moment clé de notre histoire commune.

Jean-Guy Talamoni

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