(Unità Naziunale – 2 octobre 2017 – 17h00) Dans son article en date du 2 octobre, Pierre Poggioli, Docteur en science politique, militant de Corsica Libera, revient sur le référendum Catalan.
Voici le texte ‘source‘
La journée du 1er octobre 2017 marque un tournant pour les Etats-nations mais aussi pour l’UE qui devra se réformer tôt ou tard et prendre en compte cette question des Nations sans Etat et des peuples historiques en son sein que la jounée de ce dimanche en Cataogne aura mis en lumière. La République indépendante catalane sera proclamée dans les jours à venir.
Madrid s’inclinera-t-elle ou la situation connaîtra-t-elle des évènements et enchaînements plus graves ?
Nous suivrons la suite avec inquiétude car n’oublions pas que l’armée espagnole est garante de l’unité espagnole, compromis, entre l’armée, la Royauté et le PSOE à la chute de Franco, débouchant sur la « Transition » (démocratique!!), et permettant à ce dernier (et au PCE) de quitter la clandestinité pour revenir dans le jeu politique légal. A l’époque le PSOE acceptait le droit à l’Autodétermination des Catalans et des Basques, principes qu’il a ensuite foulés aux pieds en choisissant notamment la répression, une fois arrivé au pouvoir à Madrid.
Mais dans tous les cas, et quoiqu’il arrive demain, il y aura désormais un avant et un après le 1er octobre 2017 en Europe.
Résultats du scrutin d’autodétermination de la Catalogne : 2.262.424 Votes.
Oui : 2.020.144 (90,09 %)
Non : 176.565 (7,87 %)
Blancs : 45.586 (2,03 %)
Nuls : 20.129 (0,89 %)
Voix confisquées par la police espagnole : environ 770.000 voix
(400 bureaux de vote).
Bilan des interventions policières répressives espagnoles pour empêcher les Catalans d’exprimer leur droit à la maîtrise de leur destin (sources Autorités catalanes) : 761 blessés, un enfant invalide à vie, une fille a qui les policiers espagnols ont cassé les doigts un par un méthodiquement, un œil crevé par une balle de gomme, un mort!
L’Union européenne qui s’est drapée dans son silence complice est aujourd’hui placéd deant ses responsabilités. Elle doit tenir compte de la volonté des auples et antions sans Etat en son sein et faire pression sur les Etats-nations qui nient le droit à la maîtrise de leur destin de ces peuples
Voilà ce que j’écrivais en conclusion dans mon ouvrage paru en juin 2015, “Irlande,Pays Basque, Corse :Après l’adieu aux Armes” , editions Fiara
Face à la montée de ces mouvements “sécessionnites régionaux” l’Europe actuelle, l’UE, créée et organisée par des Etats-Nations qui ont étouffé les revendications de ces peuples sans Etats sur leur territoire, ne pourra plus longtemps occulter cette question fondamentale pour son avenir. Et elle devra tôt ou tard redéfinir leur place en son sein, en contraignant d’une part ces Etats-nations “démocratiques” contestés, s’ils ne veulent pas à terme imploser, à engager en leur sein de profondes réformes constitutionnelles (Fédéralisme, Conféderalisme, independances-associations, souverainetés associations..) et d’autre part se réorganiser elle aussi autour de ces territoires “régionaux” à forte identité culturelle, en privilégiant des partenatriats d’association, de complémentarité et de solidarité entre-eux ne dépendant plus des Etats-nations d’aujourd’hui qui la constituent qu’elle privilégie faisant fi des aspirations légitimes de ces Territoires..
Nouveau “Printemps des Nationalités” en Europe de l’Ouest ?
L’IRA, l’ETA, le FLNC, organisations armées se revendiquant de peuples sans Etats ont posé une question de fond à l’Europe. La revendication irlandaise quant à elle, a contribué à modifier la carte de l’Europe, laquelle a dû accepter la République d’Irlande dans le concert des nations. Au-delà de ces trois cas étudiés, d’autres peuples au sein de l’Union européenne, sans avoir recours à la violence armée, contestent ces Etats-nations “démocratiques”, que sont le Royaume-Uni, l’Espagne et la France, trois piliers de cette Union européenne, mais aussi d’autres états-nations “démocratiques”. Certes des mouvements armés ont existé dans ces autres Territoires, mais, notamment affaiblis par la répression, ils ont été absorbés au fil du temps par des mouvements publics portant les mêmes revendications. Aujourd’hui la revendication de l’Autodétermination et de l’Indépendance de ces divers Territoires revient avec force à la une, posant toujours un problème de fond à l’UE qui feint pour l’heure d’ignorer cette question. En 2014, l’organisation d’un Référendum sur l’Autodétermination en Ecosse, passant outre à la volonté de Londres, et de celui sur l’Indépendance en Catalogne, faisant fi des menaces de Madrid, y voyant un exemple à suivre, ont été soutenus et scrutés à la loupe par nombre de “Nations sans Etats” en Europe.
D’autres contestations prennent de l’ampleur, en Grande-Bretagne (Pays de Galles) en Espagne (Galice), en Belgique (Vallons/Flamands) ou en Italie (Sardaigne, Sicile…) où les vieilles Autonomies régionales sont jugées obsolètes…. En France même, au-delà des questions posées par les DOM-TOM, les revendications des Bonnets rouges en Bretagne ont renoué avec les mobilisations des années 60-70 « au nom du peuple breton ».
Le mouvement actuel renoue avec les mouvements de la première moitié du XIXème siècle, dont l’objectif était la redonnaissance officielle de toutes les cultures, ce vaste mouvement était alors désigné sous le vocable « Printemps des peuples ». Les historiens ne cherchent plus à démonter désormais, ce qu’est vraiment « l’identité nationale », mais s’efforcent plutôt de comprendre comment elle s’est construite, comment elle a été « inventée » et imposée par les vainqueurs de l’histoire au détriment des vaincus. Les évènements de mai 1968 ont exprimé et amplifié l’humeur libertaire et pacifiste, après le refus de la guerre au Vietnam et les suites de la guerre d’Algérie. L’extrême-gauche s’est mobilisée pour le prolétariat révolutionnaire, mais aussi pour d’autres causes négligées par le mouvement ouvrier : féminisme, antiracisme, régionalisme. Ces luttes ont remis au premier plan les questions identitaires discréditées par la guerre mondiale. L’extrême-gauche inversant le discours de l’extrême-droite, a valorisé les identités stigmatisées. Dans le même temps, un puissant mouvement de réhabilitation des identités collectives dominées s’est développé. Les « régionalistes » et militants des ethno-nations (de la Périphérie) ont imposé cette notion en se mobilisant pour faire reconnaître leurs cultures « dominées » comme de véritables « identités nationales ». Avant, d’autres formulations existaient, on parlait alors de « personnalité, d’âme ou de caractère national ». En France, les porte-paroles des nouveaux mouvements sociaux ont critiqué alors les présupposés de l’historiographie de la France imposée par la IIIème République. Aujourd”hui, au-delà de la lutte anti-colonialiste dans les DOM-TOM, les militants qui luttent “pour la libération” de la Corse, du Pays basque, de la Bretagne… se présentent comme les porte-parole de «nations opprimées, victimes du colonialisme français», revendiquant la reconnaissance officielle de leur « identité nationale”. Les mêmes processus sont aujourd”hui à l’oeuvre et se développent dans nombre d’Etats-nations au sein de l’Union européenne.
POGGIOLI Pierre : Docteur en Science politique