(Unità Naziunale – 11 juillet – 18h00) Après des décennies de lutte , nous sommes arrivés, en Corse, à un carrefour décisif : la prise de conscience du Peuple corse et son implication dans la lutte d’émancipation sont manifestes.
L’heure est à un survol de l’analyse et à quelques propositions de base pour initier et élargir le débat majeur qui nous attend. A toutes les femmes et les hommes de notre Pays de réfléchir, de dialoguer et de prendre leurs responsabilités ; la liberté, en marche, est irréversible. Il faut la compléter, la construire et l’enraciner dans la durée, par et dans la démocratie.
Je n’ai jamais cessé d’avoir confiance .
Il a été démontré que le clanisme n’est pas une institution unique, spécifique à la Corse et qu’il a existé et existe encore sous d’autres latitudes. Ici, il a été une adaptation à des nécessités et à des conditions socio- économiques difficiles, marquées du sceau de la misère, du sous-développement, de l’impérieuse nécessité de survivre et d’élever sa famille ; puis par extension et par solidarité, le réseau a élargi les protections, les avantages à toute la parenté, aux amis, générant la dépendance.
Naturellement, la politique y a trouvé un terrain favorable et les liens de sujétion se sont organisés. Le circuit était simple : en bas de l’échelle, une population nécessiteuse puis des intermédiaires – les clans, courroies de transmission- et en haut de la pyramide les dispensateurs de survie, de droits, de prébendes, de passe-droits donc les dirigeants. (Gouvernements, Etats, certains élus etc.). L’idéologie était, non une réalité, mais un habillage pour l’affiliation partisane métropolitaine, au gré des fluctuations politiques.
On l’a vu avec clarté, sous Gênes et avec la France pour la période contemporaine. Le mécanisme est huilé, rodé, éprouvé. La population quémande le droit de vivre et ses ingrédients ; l’intercesseur – le clan- les négocie avec la tutelle, la France actuellement- sans jamais la contrarier et en garantissant absolument la soumission inconditionnelle de la base. A ce prix, il a toute latitude pour contrevenir aux lois, les contourner et donc pervertir la démocratie.
Le résultat est sous les yeux de tous où depuis 60 ans, le clanisme d’hier, gentillet, familial, dynastique- avec des figures de légende, les Landry, les Pietri , les Gavini, les Roccaserra, les Giacobbi- souvent utile, disponible, a été bouleversé dès 1950, par l’intrusion massive de l’argent dans la société corse ; la perte de l’Algérie, les Trente Glorieuses ont gonflé les flux financiers entrants. La marchandisation s’est substituée au troc, a perverti les règles et les principes en usage. La corruption a obligatoirement suivi.
La France, en dehors d’un développement local insulaire automatique mais médiocre, – allant de pair avec celui du siècle – a abandonné l’île, livrée pieds et poings liés, à l’a démocratie et au non-droit. Comme elle a soumis et exploité les colonies, abandonné les régions rurales hexagonales, considérées comme des réservoirs d’hommes pour les guerres, la fonction publique, métropolitaine et coloniale. La période tragique pour la Corse commence en 1950 où elle est en retard de développement abyssal, en état de déshérence totale, en crise de dépopulation chronique, en déprise rurale et agricole. La désespérance est à l’œuvre, sans aucune perspective.
Le choc vient en 1957 où le Plan d’Action Régional (PAR), – agriculture et tourisme- qui affichait comme objectif le développement insulaire, marginalise et dépossède le peuple corse. La révolte, légitime et bénéfique, nait inévitablement, sous deux formes, concurrentes ; la nôtre, réformiste, pacifique revendiquant, dans la légalité – mis à part les luttes pour la terre en 1969, les Boues Rouges en 1973 et Aléria en 1975 – l’Autonomie Interne dès 1973 au sein de la RF et l’autre, révolutionnaire, le FLNC, né en Mai 1976, exigeant l’Indépendance et pratiquant action politique et beaucoup de violences (Attentats).
La révolte était capitale et inévitable ; la lutte contre l’Etat et le clan complices était indissociable ; ils sont soudés par le refus de reconnaitre le Peuple Corse ; ils s’alimentent et se confortent dans ce refus, intransigeant, intéressé et solidaire. Ils évaluent vite – la grande expérience coloniale aidant- le danger que recèle la contestation. Qu’il faut soumettre, spolier et déraciner. L’équation est ainsi posée dans le cadre colonial et publiquement.
De ces choix, naîtront tous les errements des politiques voulues et appliquées en Corse (la répression, la Justice d’exception de la Cour de Sûreté de l’Etat, les Barbouzes de Francia, le blocage culturel, le refus de l’Université, la fraude électorale, le développement discriminatoire et spéculatif, les politiques dilatoires institutionnelles, le renforcement du partenariat Etat-Clan, sur la base de l’a démocratie.
Les dynasties contemporaines (Giaccobi, Rocca – Serra et Zucarelli) prospèrent. La Corse entre alors dans la période noire de son histoire actuelle. La démocratie et ridiculisée par des fraudes qui dévalorisent le suffrage universel, la corruption, le népotisme, la prévarication, avec l’indifférence voire la complicité de l’Etat ; les Conseils généraux jouent un rôle très actif dans cette course à l’abîme ; les parlementaires font trop souvent de la figuration à Paris et la plupart des municipalités sont soumises, ligotées par des soutiens financiers. L’Etat s’installe dans la répression, le laxisme. La litanie est très fournie : la gabegie de la SNCM, l’instrumentalisation de la COTOREP et des centres de Pensions, les primes à la vache, les barbouzes de Francia, le scandale des marchés publics, des routes … La Corse est crucifiée dans son cœur, dans sa culture, dans ses principes, dans son âme . Elle sombre. En effet, l’Etat et le clan, totalement discrédités, se réfugient derrière la République Française et assimilent toute contestation à un rejet et à l’anti France. Cette perversion, le sentiment contre la France croît surtout chez les jeunes et génère souvent un phénomène d’hostilité. C’est la rançon inévitable d’une telle politique.
Sauvent l’honneur et évitent le naufrage, la Santé, l’Education Nationale, l’Edf, les grandes Administrations, la solidarité, les Corses de l’île et de la diaspora, les familles.
Aujourd’hui, la Corse – ébranlée, atteinte dans ses fondements, dans ses valeurs et principes, très en retard- est à rassurer, réformer, à construire mais l’élan est donné, le signes positifs abondent, la liberté est en point de mire. La Corse a démontré, dans le droit fil de son existence millénaire qu’elle ne transigeait jamais sur sa liberté et qu’elle s’insurgeait historiquement contre toutes les agressions. Cette attitude a créé une résistance et une lutte déterminées qui, après cinquante ans de souffrances, de sacrifices a enfin débouché en 2014 sur la victoire électorale à la Mairie de Bastia ; en 2015 sur la victoire à l’Assemblée de Corse et en juin 2017, sur l’élection législative de 3 députés nationalistes sur 4 candidats.
Il faut signaler qu’en 2017, le Président du Conseil Exécutif a été élu à l’unanimité, Président de la Commission des Îles de l’UE, îles qui regroupent 22 millions de personnes. Ainsi ont été confirmées la mutation de la Corse, la forte poussée du mouvement national et la crédibilité de l’île sur le plan extérieur. L’île et sa lutte sont connues et très souvent appréciées, dans le monde entier. La libération est en marche, irréversible, conforme aux Droits de peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le nouveau challenge est plus complexe : il faut construire un Pays. Les difficultés abondent dans tous les domaines mais les atouts sont majeurs (ressources humaines ici et dans la diaspora, ressources naturelles, abondance de l’épargne, appartenance à l’Europe…).
La démocratie et l’éthique doivent être les fondations de la Corse nouvelle ; il ne peut y avoir de compromis sur ces plans car les défaillances conduiraient à l’échec irréversible. La gestion rigoureuse, la justice sociale, les valeurs de l’humanisme sont partie intégrante du projet.
Il n’y aura pas de solution durable sans un contrat de gouvernement faisant appel à toutes les forces de l’île et de la diaspora, dans le respect des convictions des différentes parties prenantes. Et non plus, sans la validation démocratique, in fine, de toute option.
Pour notre part, nous n’avons jamais cessé de défendre la revendication d’un Statut d’Autonomie interne au sein de la République Française ; il doit être de plein exercice, c’est-à-dire détenant toutes les compétences à l’exclusion de celles qui sont régaliennes (Affaires Etrangères et Défense Nationale).
Ce statut nous permettrait, avec son inscription indispensable dans la Constitution de la République Française, de voir enfin reconnue l’identité de notre Peuple – corses d’origine et corses d’adoption-, de bénéficier de la liberté de choix dans tous les domaines essentiels, de choisir nos voies de développement, de privilégier nos priorités, (rigueur dans la gestion, éducation et formation, responsabilité et solidarité). Opposer le développement économique et l’évolution institutionnelle est une erreur : ils sont complémentaires et consubstantiels à notre démarche. Comme est prioritaire la solution définitive et contractuelle de la question corse avec l’effacement des blessures, des séquelles qui seront le socle du nouveau contrat et seront garantes de la création de la confiance, base du respect des intérêts légitimes des parties.