En Corse, le premier tour des élections présidentielles françaises a placé très haut le vote en faveur de Marine Le Pen.
Le fort taux d’abstention explique partiellement ce résultat, taux d’abstention dû au fait que nombre de nos compatriotes, de sentiment national corse, ne se sentent pas directement concernés par ce scrutin. Ils le sont cependant indirectement et ils ne l’ignorent pas. D’autres nationalistes corses n’hésitent pas à se rendre aux urnes. Les deux choix ont leur part de légitimité et de logique.
En ce qui me concerne, en tant qu’indépendantiste corse, je n’ai jamais voté à une élection présidentielle française et je ne le ferai pas davantage cette année.
Il n’en demeure pas moins que le résultat électoral de Marine Le Pen, même relativisé au regard d’une forte abstention et d’un corps électoral contestable, constitue un fait politique majeur. Quelle réaction doit-il susciter de notre part? Certainement pas la stigmatisation ou le mépris des électeurs. Il est clair qu’en Corse comme ailleurs en Europe, la démocratie est fragilisée pas les différentes fractures qui affectent nos sociétés: désaffection pour la politique institutionnelle, fractures entre générations, fractures territoriales et sociales.
Il suffit d’observer le score du Front National dans les quartiers défavorisés de nos villes… Notre majorité territoriale a la responsabilité historique de réduire ces fractures et de réhabiliter la politique dans l’esprit des Corses, car on a pu voir au XXe siècle où peut conduire la haine de la politique et l’antiparlementarisme. En ce qui nous concerne, nous avons commencé à œuvrer à la cohésion de la société corse à travers une autre manière de concevoir l’action publique: réduction drastique des frais des élus, Comité d’évaluation des politiques publiques, Comité de massif pour lutter contre la fracture territoriale, suppression des déserts culturels, sanitaires et numériques, actions de développement économique, statut fiscal et social, mesures en faveur des retraités, politique de l’emploi local, Assemblée des jeunes pour combattre la fracture intergénérationelle…
Ces politiques nouvelles nécessiteront évidemment un délai pour produire leurs effets, mais il n’y a pas d’autre moyen de traiter efficacement, au fond, le cancer d’une démagogie qui déforme et détruit la démocratie. En attendant, et s’agissant du second tour de l’élection présidentielle française, deux attitudes peuvent se concevoir.
- La première est celle que j’adopterai une fois de plus, par choix personnel et par logique politique: l’abstention.
- La seconde concerne les nationalistes qui décideront de se rendre aux urnes: pour eux le choix ne peut être que l’opposition à la candidature du Front National, une candidature radicalement incompatible avec les valeurs du Mouvement national corse, humaniste et paoliste.
JEAN GUY TALAMONI
PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE DE CORSE
(France 3 Corse) (Corse Matin)