Un passé colonial toujours d’actualité. Manifestations historiques en Guyane pour la « journée morte ».
Environ un manifestant pour 20 habitants. La « journée morte » organisée mardi par les 37 syndicats de l’Union des travailleurs guyanais est « la plus grosse manifestation jamais organisée » en Guyane, a concédé dans la journée la préfecture de la région. Sur ce territoire de 250.000 habitants, entre 8 et 10.000 personnes se sont rassemblées à Cayenne et jusqu’à 4.000 personnes à Saint-Laurent-du-Maroni. Le tout dans le calme et une ambiance bon enfant.
« La crise sociale en Guyane prend ses racines dans le passé colonial »
(article du 27 mars 2017)La Guyane se trouve à 7000 km de paris, sur la côte est de l’Amérique du sud, elle ne trouve aucun écho à ses revendications quelque soit le gouvernement, elle est « française avec un statut particulier », prisée par les touristes…
Toute ressemblance avec la situation d’autres « colonies françaises » n’est que le fruit du hasard(?)
La Guyane héberge la base spatiale Européenne, elle est donc, un point stratégique dans cette partie du monde. L’extraction aurifère est la seconde activité exportatrice en Guyane, cette activité est un vecteur de l’augmentation de la population, et de ce qui en découle. On y trouve aussi le CEFE, le centre d’entrainement de l’Armée de Terre… Le tourisme se développe…
Articles sur le sujet (<– lien ici)
Trois forces politiques sur l’échiquier guyanais, la droite loyaliste et a gauche loyaliste, Les autonomistes et les indépendantistes.
La colonisation de la Guyane par la France et synonyme d’esclavage, de racisme, et ce, pendant deux siècles d’occupation, aux mauvais traitements des maîtres d’esclaves la réponse a été la résistance des esclaves rebelles ou « Maroons », la violence était à la fois physique et spirituelle.
Le 20 mai 1802 l’esclavage est rétabli en Guyane.
La fin de l’esclavage en 1848 n’a pas mis fin à la relation entre les maîtres et les esclaves – il a été prolongé à la place grâce à l’engagement forcé des travailleurs contractuels.
Un siècle plus tard…
En 1946, la Guyane est devenu un département français, Territoire d’Outre Mer
En 1960 naît la revendication indépendantiste
La loi de 1946 érige les « colonies » de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française en département français. Malgré les promesses d’égalité portées par la loi du 19 mars 1946, les évènements ne manquent pas pour rappeler que perdurent le mépris colonial, les inégalités et la politique répressive envers les nouveaux DOM-TOM.
1956 : fondation du Parti socialiste guyanais (PSG) et du journal Debout Guyane.
Avant les années 1960, la Guyane fonctionnait de manière insulaire. Puis le territoire s’est ouvert. Il a intégré les communautés. L’identité guyanaise s’est vue remodelée. Les Créoles deviennent minoritaires.
Dans les années 60 la montée du nationalisme anti-colonialisme, indépendantiste voit le jour…
Le 10 avril 1961, un congrès réunit les forces nationalistes antillo-guyanaises en Guadeloupe, afin de réclamer l’autonomie de gestion des DOM. Le Front antillo-guyanais, avec Édouard Glissant, porte collectivement ce discours, mais le gouvernement le dissout pour « atteinte à la sûreté de l’État » en juillet 1961.
En 1962, le 14 juin, la manifestation pro statut spécial est sévèrement réprimée à Cayenne.
« Le jeudi 14 juin 1962, le Front démocratique guyanais, groupant le Parti socialiste guyanais, le parti socialiste S.F.I.O., l’Union du peuple guyanais et tous les syndicats de la Guyane, avait organisé une manifestation avec défilé dans les rues de Cayenne en vue de protester contre le stationnement en Guyane d’unités de la Légion étrangère, et de revendiquer un statut d’autonomie et de gestion pour la Guyane. Le préfet, M. René Erignac (père de Claude Erignac), avait interdit le défilé prévu pour 15 heures. Sous les ordres de M. Authie, commissaire central de police, les gendarmes frappèrent plusieurs personnes avec leurs crosses et leurs canons. A l’occasion de cette intervention brutale des forces de répression, le préfet de la Guyane, dont la mentalité colonialiste est notoire, avait eu soin d’éliminer carrément les agents de la Sûreté nationale, jugés suspects en raison de leur origine guyanaise…
1964 : le gouvernement français décide d’établir en Guyane un nouveau centre spatial en raison de l’indépendance de l’Algérie et du déplacement forcé de la base de Hamaguir, l’implantation du Centre spatial guyanais (CSG) sur une emprise de 96 000 hectares va fonctionner à la fois comme un accélérateur et un fossoyeur pour le nationalisme guyanais. Expropriations des 641 familles de Kourou, Malmanoury et Sinnamary
En 1967, l’Union des travailleurs guyanais (UTG) nait à Sinnamary. L’UTG adopte un drapeau pour la Guyane, et, lors de son 3e congrès, une motion pour l’indépendance.
1973 : l’UTG vote une motion en faveur de l’indépendance de la Guyane lors de son troisième congrès.
13 décembre 1974 : « Complot de Noël » en Guyane ; treize militants du MOGUYDE et de UTG sont emprisonnés. L’UTG déclenche la grève générale. Le préfet ordonne alors l’arrestation de plusieurs indépendantistes guyanais. À la veille de Noël, ils sont incarcérés à Cayenne puis transférés à Paris. (voir ci-dessous)
La Lutte Armée dans les Caraïbes
Aux mouvements publics s’ajoute un mouvement clandestin, le Groupe de Libération Armée (GLA) en 1980, qui lutte pour l’indépendance des Caraïbes. C’était la première organisation structurée à mener des actions contre les forces françaises, puis en 1983 lui succède l’Alliance révolutionnaire caraïbe (ARC), un groupe armé luttant pour l’obtention de l’indépendance de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe. Il revendiquera des actions clandestines, à Paris, en Guyane, Guadeloupe, Martinique, dont des actions contre Air France, la Mairie du 20e et du 10e, le musée des Arts africains et océaniens. Bien que les cibles soient symboliques, et les bâtiments évacués, ceux-ci font inévitablement des blessés – mais aussi des morts. le 12 juillet 1989, année du bicentenaire de la Révolution française, les militants de l’ARC sont libérés suite au vote par l’Assemblée Nationale d’une loi d’amnistie soutenue par Michel Rocard, alors premier ministre.
Le légitime propriétaire du « sous sol », le peuple Guyanais
Deux courants indépendantistes principaux, le MDES (Mouvement de Décolonisation et d’Émancipation Sociale), et Le MOGUYDE (Mouvement Guyanais de Décolonisation)
- 1974 Création en octobre du Mouvement Guyanais de Décolonisation (MOGUYDE) à partir du Comité Crique Populaire. Son fondateur est Guy Lamaze, dirigeant de l’UTG
- 1974 : Arrestation de plusieurs indépendantistes guyanais, dont des militants du Mouvement Guyanais de Décolonisation (MOGUYDE): Guy Lamaze (34 ans, secrétaire général), David Donzenac (31 ans, secrétaire général adjoint), Jean Mariéma (42 ans) Avec Raymond Charlotte (27 ans, FNLG et directeur de Caouca), Georges Wacapou (31 ans, troisième secrétaire de l’Union des Travailleurs Guyanais: UTG), Félix Bade (37 ans, directeur de La Jeune Garde), Michel Kapel (32 ans, PSG) et André Lecante (34 ans, PSG – par ailleurs gendre du sénateur et secrétaire général du PSG Léopold Heder). Guy Lamaze est également dirigeant de l’Union des Travailleurs Guyanais (UTG).
- 1975 ! Libération des indépendantistes incarcérés.
- 1975, Signature d’un appel assimilant l' »immigration de colons français » à « l’invasion de la Guyane par un peuple étranger » et à « une vaste opération de substitution de population » qui « menace leur patrie, la Guyane, et leur identité ». Fédéré dans un « comité contre l’invasion » ou Mayouri.
- En juillet 1980, suite aux attentats, cinq dirigeants et militants sont à nouveau incarcérés à Paris : Raymond Charlotte à nouveau, Éric Blanchart, Eddy Ho-à-Chuck, Antoine Aouegui dit Lamoraille, Edmé Geneviève. Ils resteront emprisonnés un an.
- 1985, D’anciens membres participent à la création du Parti National Populaire Guyanais (PNPG): Guy Lamaze.
1991 : fondation en Guyane du Mouvement pour la décolonisation et l’émancipation sociale (MDES). Il a participé aux changements dans la vie sociale et politique au point que ses militants soient victimes continuellement de la répression depuis les émeutes victorieuses du rectorat de Guyane en Novembre 96.
En novembre 1996, quatre jours d’émeute avaient enflammé la Guyane. A l’origine, les manifestations des lycéens, qui avaient finalement obtenu gain de cause, avec la création d’un rectorat à Cayenne.
Bien que partisan de la souveraineté de leur pays, ce mouvement a su faire le compromis politique nécessaire pour s’allier aux autres forces politiques du pays et permettre l’adoption du Pacte de Développement en 99 puis du Projet d’accord sur l’avenir de la Guyane en juin 2001.
Alors que la production d’or annuelle officielle est en baisse, l’activité clandestine n’a jamais été aussi bien portante, à titre d’exemple, le va et vient incessant des fileuses et porteuses chargées de fûts de carburant ou de matériels d’orpaillage sur le Maroni ou sur l’Oyapock dans des zones interdite à l’activité minière (source MDES)
la migration a profondément remodelé la société guyanaise, deux adultes sur trois ne sont pas nés en Guyane. La population d’environ 250 000 devrait encore doubler d’ ici 2040, elle a été multiplié par 7 depuis les années 60.
Selon le MDES en 2002, en Guyane les idées de racisme et de xénophobie peuvent trouver un terrain propice pour se développer. La politique officielle de l’état français est discriminatoire et provoque l’exclusion des uns et la frustration des autres.
Depuis 2015, les indépendantistes guyanais ont investis la sphère politique et syndicale locale.
Quelques dates récentes de la crise sociale :
(27 mars 2017) Grève générale ce lundi. La mobilisation, soutenue par des collectifs de citoyens, dénonce globalement les problèmes du territoire en matière de santé, d’éducation, d’économie, de sécurité, d’accès au foncier ou de logement.
(26 mars 2017) La compagnie aérienne annonce qu’elle annule ses vols vers la Guyane prévus dimanche et lundi. Avant le début de la grève générale, lundi, les collectifs ont décidé d’entrouvrir les barraques routiers. Il s’agit, expliquent les responsables du mouvement, de permettre à la population de se ravitailler avant le durcissement du mouvement.
(25 mars 2017) Cinq jours (24 mars) après le début des blocages en Guyane, les médias nationaux commencent tout juste à évoquer la situation dans le département. Les internautes étaient nombreux à avoir déploré leur silence…
Entrées de villes bloquées, écoles fermées, liaisons aériennes perturbées. La situation reste tendue en Guyane. Des mouvements sociaux paralysent toujours le département. Des barrages sont érigés dans plusieurs villes.
« Nous voulons rencontrer le Premier ministre et d’autres ministres dont ceux des Finances et de l’Education. »
Après l’annonce par Bernard Cazeneuve de l’envoi en Guyane d’une « mission interministérielle de haut niveau » pour tenter de résoudre la crise sociale qui paralyse le département, le collectif des grévistes réagit : la mission n’est pas la bienvenue et le collectif annonce son refus d’une rencontre.
« La moindre des marques de respect est de passer saluer les gens qui estiment avoir des revendications qui justifient une mobilisation massive sur l’ensemble du territoire »
Ce jeudi 23 mars, L’ancienne garde des Sceaux a rendu visite aux manifestants qui tenaient un barrage à l’entrée de Kourou. Détendue et chaleureusement accueillie, Christiane Taubira a salué le rôle des élus locaux et s’est dite prête à les aider à surmonter la crise que connaît le département. Des dizaines de barrages se sont mis en place dans la nuit dès les premières heures de ce jeudi 23 mars sur le territoire guyanais. Une nouvelle phase de mobilisation plus dure commence alors que plusieurs mouvements sociaux sont actifs depuis la semaine dernière.
Ce mercredi 22 mars, Les sénateurs et députés de Guyane ont interpellé mercredi le président de la République au sujet des conflits sociaux qui « se multiplient de toutes parts » sur le territoire et ont entraîné le troisième report du lancement de la fusée Ariane, lui demandant « un vaste Plan Marshall ».
Ce mardi 21 mars, une tension extrême régnait à Kourou. Les différents collectifs ont tenté de pénétrer dans l’enceinte de la base spatiale, afin d’obtenir un entretien avec le directeur du CSG. Ils ont été aspergés ainsi que des élus de la ville par du gaz lacrymogène. Les manifestants espéraient une entrevue avec le directeur du CSG, ils ont commencé à se diriger vers le centre spatial. Ils ont été bloqués par les forces de l’ordre les dispersant par l’usage de gaz lacrymogène. Des élus présents ont été gazés à bout portant.
La tension était extrême ce matin, sur la route de l’espace, devant le CSG. Le collectif des 500 frères a tenté de pénétrer dans l’enceinte de la base spatiale, en état d’alerte maximale pendant les campagnes de tir. Les mobiles ont fait reculer les manifestants avec des grenades dispersantes. Interrogés, les manifestants n’ont cessé de dire, qu’ils n’avaient aucune intention belliqueuse. Ils ont toujours gardé leur calme et n’ont pas répliqué. Tous les collectifs réunis sur cette portion de route, ce 21 mars, menant des actions pacifistes.
Plus d’informations ici sur la situation récente