« Aujourd’hui, je vais quitter ce monde. Mais je sais que je me rapproche de ce en quoi nous, Tibétains, croyons. Nous sommes condamnés à cette démarche pour reconquérir une patrie à l’agonie, que nous avons perdue depuis longtemps. Nous sommes condamnés à recourir à l’immolation pour redire nos croyances et rappeler l’isolement de notre territoire, » nous dit Tashi Rabten.
La lettre, datée du 8 décembre 2016, et reçue au Tibet Post International (TPI) le lendemain de son immolation, a été traduite du chinois en anglais par Phurbu Dolma, rédacteur au TPI. En voici l’intégralité :
« Je suis Tibétain, et donc, je ne suis pas Chinois. En tant que Tibétain détenteur d’un passeport chinois, je suis prêt à lutter pour défendre les droits de l’homme et la démocratie pour 1,3 milliard d’individus. Cependant, en tant que véritable Tibétain, je dois lutter plus encore pour notre terre et notre liberté !
Aujourd’hui, je vais quitter ce monde. Mais je sais que je me rapproche de ce en quoi nous, les Tibétains, croyons. Nous sommes condamnés à cette démarche pour reconquérir une patrie à l’agonie, que nous avons perdue depuis longtemps. Nous sommes condamnés à recourir à l’immolation pour redire nos croyances et rappeler l’isolement de notre territoire.
Nous voulons suivre Sa Sainteté [le Dalaï Lama]. Nous n’empruntons que des chemins pacifiques pour résoudre notre différend avec le gouvernement chinois. Nous, les Tibétains, ne voulons pas que se reproduise le massacre ni l’invasion inhumaine par l’Armée de Libération Populaire en 1958. Nous ne voulons pas être taxés d’ »émeutiers » (passages à tabac, destructions et vols) comme en 2008.
Mis à part les Chinois de Chine, pratiquement personne au monde, ne croit les Tibétains capables d’ »émeutes ». Parce que les Chinois de Chine subissent un lavage de cerveau. Depuis l’installation de la République Populaire de Chine, ils sont constamment soumis à un lavage de cerveau, obligés de chanter les « chants révolutionnaires » du Parti communiste chinois, dans la perspective de l’avancée du Grand Dirigeant, et de la construction des « Quatre Modernisations ».
Qui, en 2008, était véritablement à l’origine des émeutes ? Les policiers armés et l’armée chinoise envoyés par le Gouvernement chinois, voilà les véritables responsables de la campagne de « passages à tabac, destructions, vols et assassinats ».
Par le passé, les Chinois ont maudit la politique japonaise des Trois Tout (une mesure de contrôle colonial de 1941 dite également « Tue tout, brûle tout, pille tout »). C’est peut-être une simple conjecture, ou cela s’est peut-être réellement passé. Je ne sais pas si c’est vrai ou non. En fait, en tant que Tibétain, je n’ai rien contre les Japonais. J’aime les Japonais, et je les respecte. Pourtant, l’armée chinoise a véritablement appliqué cette politique au Tibet, surtout dans les monastères.
Ils nous ont tabassé impunément, nous les Tibétains ; ils ont tabassé nos éminents moines, détruit les statues bouddhistes dans nos monastères, et dérobé les objets cultuels. Avec leurs armes, ils ont tué des moines, des moniales et des étudiants, et aussi de nombreux pèlerins en route vers Lhassa. La politique poursuivie en 1958 d’incendier les monastères a été remplacée par celle des tanks et des bulldozers. Désormais, dans beaucoup d’endroits au Tibet, de nombreux monastères ont été réduits à l’état de ruines par les tanks et les bulldozers de la police armée chinoise et de l’armée chinoise.
Voilà mon témoignage. Ne pensez pas à une plaisanterie. Je suis sérieux. Je veux que les gens comprennent que nous, les Tibétains, n’avons pas peur de la mort. Pourtant, pour parvenir à une résolution pacifique, je ne vois pas d’autre solution que l’immolation pour avertir le monde. Nous, les Tibétains, avons besoin d’être protégés et que l’on s’occupe de nous. Nous devons vivre sur notre propre terre, comme des individus à part entière.
Vive les Tibétains ! Vive Sa Sainteté le Dalaï Lama !
Machu, le 08/12/2016/, Firing Bird.
Note : En cas de divergence involontaire entre cette traduction et le texte chinois d’origine, seul ce dernier fait foi.
Traduction France Tibet