Selon les services de gendarmerie, Pellier (petit voyou, ancien légionnaire), aurait été en contact avec des militants du FLNC alors qu’il était détenu pour grivèlerie à la prison d’Aiacciu.
Immédiatement après sa libération et dans le droit fil de ses contacts il se serait rendu dans la région de la Marana afin de procéder à des repérages pour une action contre la gendarmerie (attentat du FLNC contre un fourgon de gendarmes mobiles à la Marana le 4 aout 1987).
Enfin après l’action, il aurait hébergé deux personnes et aurait quitté l’hôtel où il séjournait, rejoint Nice avant de se faire interpeller à Monaco puis être transféré à Menton.
Ces « constations et d’autres indices » auraient ainsi justifié l’interpellation et l’incarcération de Pellier, (complicité d’assassinat pour avoir soi disant aidé des militants du FLNC) par un juge de la section spéciale du parquet de Paris… C’est du moins ce que l’on a pu lire dans une certaine presse, largement alimentée en information par la gendarmerie.
LA RÉALITÉ DES FAITS
A la version officielle s’oppose implacablement la réalité des faits. Et ils sont bien différents du montage complaisamment accepté par les médias et lancé à l’opinion.
Libéré de la prison d’Aiacciu, l’ancien légionnaire gagne la région bastiaise et loue une chambre d’hôtel (IBIS) au carrefour de Biguglia. Il va y séjourner du 27 juillet au 4 aout 1987) sous le nom de Santoni.
Depuis cette nouvelle « base opérationnelle », il va en effet voir beaucoup de monde, beaucoup se déplacer, disposer de beaucoup de moyens.
Ainsi il effectuera un « déménagement » -un coup de main à un ami dira-t-il- avec un fourgon loué par cet ami. Celui-ci n’est pas un inconnu. Jean-Pierre Bora, qui était écroué à la maison d’Aiacciu en même temps que Pellier, notoirement lié au groupe barbouzard « francia » dans les années 79-80, a récemment été libéré de prison où il a purgé une peine pour hold-up.
Pellier généreusement logé au luxueux hôtel Ibis, va également louer, toujours sous le nom de J.P Bora une 205 blanche à l’aéroport de Bastia le 31 juillet (…). Cette voiture sera retrouvée après le 4 août dans un terrain vague près de l’aéroport d’Aiacciu. C’est là que Pellier prendra l’avion pour Nice après avoir -vieille habitude- quitté sans payer sa chambre d’hôtel. On y retrouvera un sac identifié comme appartenant à J.P Bora, ainsi que les témoignages du séjour plus où moins prolongé de plusieurs personnes, on retrouvera plusieurs bouteilles d’alcool vide.
DÉSTABILISER LA LUTTE
Interpellé à Monaco, l’ancien légionnaire passe aux aveux !!! Il a aidé le commando. Il donne des noms, des dizaines de noms.
Il reconnaît des patriotes recherchés, et des nationalistes connus responsables de certaines organisations politiques ou syndicales. Des suites sont à attendre, elles ne tarderont pas.
Pourquoi ce travestissement de la vérité, l’intoxication, le coup de force judiciaire sur une telle affaire. Pourquoi la gendarmerie -qui progressivement- prend en main les opérations répressives en Corse sous les apparences des moyens d’un « état de droit », a t elle voulu exploiter une affaire aussi pourrie ? Les réponses sont multiples.
- Enfermée dans sa rage répressive de vouloir venger à tout prix un des siens, la gendarmerie fait n’importe quoi. Après les déclarations triomphalistes de ses portes-parole suite à l’arrestation du légionnaire, il fallait en assumer les conséquences, c’est ce qu’à fait la gendarmerie car elle ne pouvait plus reculer.
- Coup de bluff spectaculaire destiné à camoufler des échecs successifs.
- Justifier de rester en charge de l’enquête malgré les pressions de la Police Judiciaire…
- Course aux résultats et guerre des polices obligent
- S’imposer tant face au Ministère de l’intérieur que face au Ministère de la Justice comme fer de lance de la répression
- Accréditer la thèse jamais prouvée d’une sempiternelle collusion des nationalistes corses avec le banditisme.
Enfin à partir de ce vulgaire montage policier, la gendarmerie empêtrée dans cette affaire ne pouvait -comme nous l’avons dit précédemment- qu’accentuer sa logique répressive en mettant en cause les principaux responsables nationalistes politiques publics, et par là même dissoudre les organisations de la coalition UNITÀ NAZIUNALISTA.
Le fameux Pellier, très loquace se chargeant de mettre en cause dans ses déclarations toutes les personnes que la gendarmerie lui demandait de citer.
Nos craintes allaient se confirmer et la commission rogatoire dans le cadre de l’affaire Pellier devait être utilisée « à tour de bras » pour interpeller, perquisitionner et déporter les patriotes corses.
FAIRE TAIRE U RIBOMBU
Le jeudi 1er octobre au matin, les commandos de la gendarmerie passent à l’action. Objectif: l’hebdomadaire U RIBOMBU, les vérités avancées dans le journal nationaliste n’ont pas plu à la gendarmerie.
A 6h du matin, Léo Battesti, Pasquale Verdi et Yves Stella sont interpellés. Les locaux de l’hebdomadaire sont investis par une cinquantaine de gendarmes… La machination PHASE 2 est en marche.
L’opération de gendarmerie avait un double objectif : faire taire U Ribombu car en Corse faire oeuvre de vérité dérange, et dissoudre les organisations d’Unità pour « collusion avec le FLNC ».
Yves Stella est transféré à Paris par avion militaire, il sera relâché peu après; pour être de nouveau écroué après un appel du parquet de Paris.
La manœuvre était préparée de longue date et comme par hasard ce jeudi matin, les gendarmes découvrent au 1 rue Miot des documents du FLNC et une malette contenant une marguerite utilisée pour frapper le fameux document sur une machine à écrire se trouvant dans les locaux de l’hebdomadaire, toujours selon la gendarmerie.
INTERDIRE LES ORGANISATIONS D’UNITÀ NAZIUNALISTA
Comme de bien entendu, ces documents se trouvent 1 rue Miot, et la mallette contient toute la comptabilité des Journées de Corti organisées en 1987 par la coalition UNITÀ NAZIUNALISTA dont un des trésorier est JEAN MARTIN VERDI.
La boucle est bouclée !
Le FLNC, dans une communiqué, dénonce -tout en assumant certains extraits du document- cette nouvelle intoxication de la gendarmerie qui a effectué une compilation de textes retrouvés lors d’autres perquisitions. Le document présenté aux médias à grand renfort de publicité n’a pu être tapé que par les gendarmes sur la machine récupérée au 1 rue Miot. Ceci leur permettra d’annoncer les fameux liens organiques entre U RIBOMBU, Unità Naziunalista et le FLNC et d’enclencher une vaste campagne de déstabilisation.
Yves Stella, directeur de publication du journal U RIBOMBU est écroué à la Santé et Jean Martin Verdi, trésorier A Cuncolta Naziunalista a été déporté lui aussi à Paris.
Le Juge d’instruction LEGRAND a décidé du maintien en détention du trésorier national de A Cuncolta à l’issue d’un débat contradictoire de pure formalité.
Les accusations qui pèsent sur le responsable nationaliste sont nulles et tiennent du délit d’opinion pur et simple.
Jean Martin Verdi est écroué parce que c’est un militant nationaliste connu et parce que son nom figure sur un chéquier saisi lors de la fameuse perquisition -nulle car effectuée sans la présence d’Yves Stella-. Il n’en faut pas plus pour être à la merci d’une forte condamnation.
Mais la gendarmerie et Legrand ne veulent pas en rester là; c’est ainsi que -toujours dans le cadre de cette affaire PELLIER- sur commission rogatoire, les gendarmes kidnappent Bernard TROJANI (secrétaire général du STC) à 22h au moment où il s’apprêtait à regagner son véhicule. Il est transféré par avion spécial à Paris pour y être entendu comme témoin. Il est placé en garde à vue dans les locaux d’une gendarmerie de la région parisienne…
PELLIER le met en cause pour sa participation à l’attentat de la Marana au cours duquel un gendarme mobile a été abattu.
Bernard Trojani se trouvait en France au moment des faits. Heureusement pour lui!
Ces interpellations montrent l’inconsistance et le ridicule de cette affaire PELLIER. Cela prêterait à sourire si la liberté des militants nationalistes n’était en jeu. Elles prouvent s’il en était encore besoin l’acharnement des forces de répression à vouloir éliminer à n’importe quel prix les nationalistes corses.
D’autres épreuves nous attendent, le pire est devant nous. La répression va s’accentuer dans les mois à venir. Mais éradiquer le nationalisme est une vue de l’esprit, les arrestations, les déportations, les rafles n’entameront en rien la détermination des nationalistes corses, bien au contraire.
Les résultats du STC, cible du pouvoir depuis quelques mois, aux élections Prud’homales du 9 décembre 1987 est significatif de l’implantation et du soutien qu’apporte le peuple corse aux nationalistes corses.
L’heure est plus que jamais à la mobilisation pour faire échec à l’intoxication, aux manipulations, et informer l’opinion internationale sur la situation répressive exceptionnelle que connait la Corse aujourd’hui. Les contacts, les réunions d’informations se multiplient, nous sommes en train de briser le mur du silence. Nous devons nous mobiliser pour faire savoir qu’au « pays des droits de l’homme » ces mêmes droits sont quotidiennement bafoués.
- Index (source)
- Une constante de l’histoire du Peuple Corse… L’acharnement répressif
- Liste des prisonniers politiques
- La répression au jour le jour…
- De l’affaire Tomasi à l’affaire Orsoni. De la torture à l’assassinat
- Garde à vue musclée à Paris: c’est là que ça fait mal… »
- Assassinat politique, l’Affaire Guidu Orsoni
- Machinations et intoxications
- Affaire de Balagna
- Affaire Pellier
- Lettres de prisons : La torture par l’isolement – Antone Verdi
- Témoignage de prison – « Les corses, non… » – Paul Istria
- Conditions inhumaines de détention des prisonniers politiques corses