Le préfet Erignac a été assassiné en Février 1998, à Ajaccio ; Yvan Colonna a été arrêté quatre ans après.
Cette affaire a soulevé une émotion considérable en Corse par la fonction de la victime, le caractère radical de l’action ; la France continentale, l’Europe et ailleurs dans le monde, ont souvent eu connaissance de la « question corse » à travers cette dramatique affaire.
L’Etat français, défié à travers cette action qui a visé son plus haut représentant en Corse, a réagi très fortement par une répression sévère, faisant fi de tous les principes : respect de la présomption d’innocence, respect du droit, emploi de la violence dans les différents domaines des investigations, respect de la personne humaine…… Ce fut un déchaînement de perquisitions, de gardes à vue musclées, de violences contre les personnes – femmes et enfants compris- de mises en cause publiques des personnes interpelées (plus de quatre cents), L’arrestation d’un commando qui comprenait huit personnes a eu lieu en Mai 1999; ses membres furent jugés et très sévèrement condamnés en Mai 2003 .
Colonna, arrêté le quatre Juillet 2003, a comparu au cours de trois procès différents qui ont abouti à une condamnation à perpétuité ; il a fait appel de la dernière décision devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a jugé – fait rare- sa requête recevable et doit statuer lors des prochains mois. Son défenseur, maître Spinosi Patrice, un avocat de talent, pense que son client devrait obtenir satisfaction ; il serait alors renvoyé devant une Cour d’Assises continentale où il serait jugé équitablement.
Ces différents épisodes judiciaires, étalés sur plus de quinze années, permettent aujourd’hui d’avoir un regard rétrospectif sur l’Affaire Colonna » :
*Si Colonna était coupable, pourquoi, au cours de l’instruction et des multiples procès, a-t-il été nécessaire de discréditer publiquement la Police et la Justice, par cette avalanche criante de mensonges, de faux-témoignages ou d’aveux extorqués, de pantalonnades, avec, à l’issue, des verdicts , emmurant Yvan Colonna pour toujours ? La cessation récente et officielle des poursuites contre vingt personnes, injustement incriminées alors, illustre à posteriori « la raison d’Etat » qui était dans les prétoires et visait certes les inculpés, mais, au-delà, la Corse, coupable de rébellion. L’affaire Erignac exigeait des victimes expiatoires.
*La FIDH a suivi le procès Colonna : elle a souligné que « la justice anti-terroriste était dans l’impasse » ( rapport de la mission d’observation au procès d’Yvan Colonna, d’Yvan Colonna tenu à Paris du 12 novembre 2007 au 14 décembre 2007
La Commission d’enquête a conclu :
« Mais au-delà des vicissitudes de l’audience, quand bien même le procès d’appel se serait déroulé dans d’excellentes conditions, ce sont bien les lois de fond et de forme en matière de terrorisme qui sont en cause. En accordant des pouvoirs considérables notamment aux forces de police, elles méconnaissent les droits essentiels des personnes.
C’est pourquoi la FIDH reprend avec force les constatations et les recommandations de sa mission internationale d’enquête de janvier 1999 qui concluait à la nécessité pour la défense des droits de l’homme d’abandonner une justice d’exception en revenant au droit commun, seule manière d’éviter le soupçon qui pèse sur la décision de justice qui a clôturé le procès d’Yvan Colonna ». ( fin de citation).
Nous attendons impatiemment la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et espérons qu’un nouveau et prochain procès rendra la liberté à Yvan Colonna.
Dr Edmond Simeoni
Le 19 Octobre 2016