La Cour régionale des Comptes avait été saisie suite au débat budgétaire d’avril dernier devant l’Assemblée de Corse. Elle vient de rendre son verdict : le « trou » de 100 millions d’euros dénoncé par le nouvel Exécutif est bien réel, et non « un odieux mensonge » comme avait cru pouvoir s’en offusquer Paul Giacobbi.
Cet avis avait été sollicité par accord entre les groupes de la majorité et de l’opposition dans le cadre d’un « compromis budgétaire » sur le niveau d’emprunt autorisé par l’Assemblée de Corse pour faire face à cette montagne d’impayés. La facture de la gestion Giacobbi étant validée dans son ensemble, l’emprunt prévu par l’Exécutif sera donc mobilisé dans sa nouvelle tranche pour y faire face lors du vote du budget supplémentaire ces prochaines semaines.
Il était bien sûr important que ce point soit marqué définitivement par la majorité nationaliste de l’Assemblée de Corse. Et pendant le débat lors du vote du budget supplémentaire, il sera sans doute procédé à un premier bilan des économies réalisées par l’incessante « chasse au gaspi »menée par Gilles Simeoni et son Exécutif.
Pour la rédaction de son rapport, la Cour des Comptes est sans doute un rien embarrassée quand elle rappelle qu’elle avait audité les comptes de la CTC pour la période 2008-2014 sans faire de remarques particulières. Car la pratique de constitution de « stocks de dépenses non honorées (…) sans couverture des engagements par les crédits de paiement correspondants » est une pratique qui était en place depuis 2013. L’année 2015 a fait exploser le système du fait de l’accumulation des dettes impayées, jusqu’à culminer à 94,7 M€ que la Chambre Régionale des Comptes a décidé de porter au compte administratif 2015 qui enregistre ainsi un déficit réel de 98,7 M€, quand l’ancienne majorité affirmait qu’il était quasiment à l’équilibre !
La Cour des Comptes dénonce aussi « l’opacité dans la comptabilité de l’ordonnateur ». Elle épingle également le recours à une cavalerie de trésorerie au détriment de la Dotation de Continuité Territoriale qui, en 2014 et 2015, n’a pas été intégralement versée à l’Office des Transports, permettant de créer une trésorerie qui a servi à payer des dépenses qui n’ont rien à voir avec ces crédits, et étaient donc inéligibles. La régularisation ne pourra se faire sans difficulté.
Au delà de ces confirmations qui confortent l’Exécutif, la Cour des Comptes exprime dans son rapport à quel point la situation financière de la CTC est en fait dégradée, bien plus que ses précédents rapports ne le mentionnaient.
L’encours de la dette, estimé désormais à 600 M€, ne laisse plus aucune marge d’endettement à ressources constantes pour une CTC qui « ne pourra plus recourir à de nouveaux emprunts, du moins de manière importante, à compter de 2017 ». Or la nouvelle tranche n°4 du PEI vient d’être signée pour 450 millions d’euros de travaux, ce qui suppose que les collectivités corses apportent entre 150 et 200 M€ d’autofinancement, la Collectivité Territoriale de Corse contribuant pour l’essentiel. Où trouver une capacité financière suffisante pour cela, et aussi pour couvrir le rythme ordinaire des engagements d’investissements ?
Dès lors, pour la Cour, « ce contexte d’ensemble pose la question de l’utilisation des leviers qu’a à sa disposition la collectivité pour augmenter la fiscalité indirecte ». Une piste a déjà été explorée par l’Exécutif sur la fiscalité des carburants. Ce sera probablement une nécessité.
La CTC actuelle, et la future Collectivité Unique, pâtissent donc d’un héritage bien lourd, celui d’une Corse jonglant avec les comptes publics au gré des constructions politiques clanistes. Remettre sur pied les finances publiques de l’île est une tâche difficile et ingrate. Mais, comme tout ce qui est fondamental, elle permettra à l’Exécutif de bâtir une crédibilité politique solide au service de l’intérêt collectif.