Chers collègues,
Je souhaite aborder aujourd’hui le problème qui est dans tous les esprits depuis plusieurs mois et désormais chaque jour de Bagdad à Saint-Etienne du Rouvray…
Je veux parler du danger que l’Europe et le monde doivent affronter : le phénomène islamiste et ses conséquences violentes. Bien entendu, la Corse n’est pas à l’abri. En tant que garants des intérêts matériels et moraux de ce peuple, et bien que nous n’ayons pas toutes les compétences au plan juridique, nous devons en parler. Nous n’en parlerons pas comme l’ont fait les politiciens du Palais Bourbon qui ont donné récemment un spectacle indigne. Chercher à faire de la récupération politique sur un tel sujet n’est pas une attitude responsable. Dire, par exemple, « avec moi, l’attentat de Nice n’aurait pas eu lieu » c’est prendre les gens pour des imbéciles dans un but purement électoraliste. C’est honteux. Il s’agit là d’un sujet complexe mais nous devons cependant réfléchir et agir. Nous ne serions pas à notre place si nous n’en parlions pas. Pour ma part, lorsque j’ai été élu Président de cette Assemblée, j’ai mis en place, vous le savez, trois conférences permanentes. L’une d’elle traite de la gestion de la diversité culturelle, sujet en lien avec nos préoccupations actuelles. Bien que nous ayons travaillé sur ces thématiques, je ne peux pas exprimer une vérité absolue. Je vous donnerai simplement mon point de vue, ma contribution au débat. Je n’aborderai pas les sujets généraux étroitement liés à ce problème, comme l’impérieuse nécessité d’organiser l’Europe de la défense, car, malheureusement, cela ne dépend pas de notre volonté. Je vous parlerai seulement de la Corse et, pour commencer, d’un lieu très symbolique pour nous : Ile-Rousse, la cité paoline.
Il y a deux-cent cinquante ans, pendant la période d’indépendance, on votait déjà à Ile-Rousse comme dans toute la Corse. Un juif demanda lui aussi à voter. A cette époque, dans un pays chrétien, cela n’allait pas de soi. Face à cette demande, l’administration balanine consulta directement le chef de l’Etat, Pasquale Paoli, pour savoir ce qu’il convenait de faire. Celui-ci répondit : « En Corse, la liberté ne demande pas l’avis de l’Inquisition ». Un homme honnête, installé sur le territoire national, qu’il soit chrétien ou juif avait le droit de vote. C’est par cette réponse que fût instituée la tolérance religieuse en Corse. Les historiens appellent ce fait « l’affaire du juif d’Ile-Rousse ». Cette tolérance ne s’appliquait pas seulement aux juifs : lorsqu’un bateau tunisien avait une avarie près de l’île, Paoli lui envoyait des secours. L’Histoire est parfois curieuse. Deux-cent cinquante ans plus tard, il y a quelques jours, dans cette même cité d’Ile-Rousse, un autre évènement significatif est intervenu : quelques personnes arrivées d’on ne sait où, habillées comme à Raqqa, présentées comme étant des salafistes, ont voulu prêcher dans la salle de prière des musulmans. Ces derniers ont refusé et ces personnes se sont installées sur la plage d’Ile-Rousse pour entamer une prière publique. Les gens présents sur place leur ont demandé de quitter les lieux. Et ils ont bien fait. Ces deux faits ile-roussiens symbolisent, me semble-t-il, une position juste sur le sujet : la tolérance religieuse d’un côté, de l’autre ses limites. La tolérance religieuse est un élément majeur de notre tradition politique. Ceux qui veulent la remettre en cause ne peuvent se revendiquer de notre culture. Ceux qui confondent musulmans et salafistes et qui se préparent, au premier incident, à aller en bande dans les quartiers ou à frapper un homme venu ici pour y trouver du travail, ceux-là n’ont qu’à rester chez eux ou, s’ils en ont le courage, qu’ils aillent en Syrie combattre Daesh. A mon avis, ils ne seront pas nombreux. Par ailleurs, je veux saluer l’attitude des religieux musulmans à Bastia et à Ile-Rousse qui ont fermé les portes de leurs lieux de prière à ces personnes. Dans les jours à venir, je demanderai à rencontrer ces responsables pour discuter avec eux de la situation actuelle. Dans un contexte comme celui d’aujourd’hui, il est important de dire aux musulmans qui vivent en Corse qu’ils ne peuvent être solidaires des personnes, même issues de leur communauté, qui attaquent les pompiers ou qui diffusent des idées malsaines. De la même manière, nous, nous ne serons jamais solidaires des racistes, même s’ils sont Corses. La solidarité que nous devons renforcer est celle entre tous les hommes de bonne volonté qui veulent vivre en paix. Les limites de la tolérance concernent les mouvements idéologiques ou sectaires, inconciliables avec nos valeurs. Les salafistes, y compris ceux qui ne pratiquent pas la violence, portent des idées qui conduisent à la destruction de notre société. Un exemple : on dit du racisme que ce n’est pas une opinion mais un délit. C’est vrai. De la même manière, la vision qu’ont les salafistes de la femme ne doit pas être considérée comme un point de vue mais comme un délit. Un imam qui refuse, dans une école ajaccienne, de serrer la main aux femmes, c’est inacceptable.
La loi est ce qu’elle est, mais on peut modifier les textes sans remettre en cause les principes de la démocratie. Par exemple, par sa loi du 22 mai 2014, la Belgique a introduit la notion de sexisme et les marques de mépris envers les femmes dans le droit pénal. Sur ce point et sur plusieurs autres, le salafisme est contraire à l’essence et aux principes généraux du droit européen. Pour notre part, nous pensons qu’il est temps de déclarer en Europe que le salafisme, le wahhabisme et les mouvements semblables sont hors la loi. Il est temps également de fermer et bloquer les sites internet qui en font la promotion. En attendant ces décisions, qui ne dépendent pas de nous, et n’ayant malheureusement pas les compétences législatives, il me semble raisonnable de demander à l’administration française de faire en sorte que ces gens-là ne puissent plus arriver sur la terre corse où ils n’ont rien à faire. En Corse, nous devons savoir qui prêche et ce qu’il dit. Il en va de notre sécurité. Tous les lieux connus pour diffuser des idées salafistes doivent être fermés. Les voies qui conduisent à la radicalisation et à la violence islamiste sont nombreuses. On sait aujourd’hui que près de la moitié des combattants français de Daesh en Syrie ont grandi dans des familles catholiques ou athées. On compte également quelques Corses. Bien sûr, nous autres, politiques, avons besoin de savoir quelles sont ces voies. Elles ne constitueront jamais des excuses pour ceux qui s’y engagent. Nous les combattrons toujours de toutes nos forces. C’est tout le sens de la résolution que nous proposons, avec le Président du Conseil exécutif de Corse. Il y a un peuple de droit sur la terre corse, c’est le peuple corse. Ce peuple a toujours pratiqué la justice et le respect de chacun. En ces temps troublés, ces valeurs demeurent les idées force qui nous conduiront sur le chemin de la paix.
Je vous remercie.
JEAN GUY TALAMONI, PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE DE CORSE
Cari culleghi, care culleghe, Parlaraghju oghje di u prublema chì accupa tutte e mente st’ultimi mesi, è oramai tutti i ghjorni, da Bagdag, à Saint-Etienne du Rouvray… u periculu chì l’Auropa è u mondu devenu affruntà : u fenomenu islamistu è e so cunsequenze viulente. Di sicuru, a Corsica ùn hè à l’agrottu. Allora noi, cum’è rispunsevuli di l’interessi materiali è murali di stu populu, è ancu s’è ùn avemu micca tutte e cumpetenze nantu à u pianu ghjuridicu, ci tocca à parlà ne. Ùn ne parleremu micca cum’è i puliticanti di u Palazzu Bourbon, chì anu datu ùn hè tantu un spettaculu indegnu. Di un sugettu cum’è quessu, circà à fà ne recuperazione pulitica, ùn hè d’un veru rispunsevule. Per indettu, dì : « Incù mè, ùn ci serebbe micca statu l’attentatu di Nizza », ghjè piglià a ghjente per imbecilli per buscà si qualchì votu. Hè vergugnosa. L’affare hè cumplesssu, è ancu cumplicatu, ma ci vole quantunque à riflette è à asgisce. S’è no stemu zitti, allora ùn simu quì à a nostra piazza. Per contu meiu, quandu sò statu elettu presidente di st’Assemblea, aghju messu in ballu, a sapete, trè cunferenze permanente. Una tratta di a gestione di a diversità culturale, sugettu in lea incù e nostre primure oghjinche. Ancu s’è no avemu travagliatu nantu à ste tematiche, ùn aghju una verità assuluta à sprime. Ma vi daraghju simpliciamente u mio parè. A mio cuntribuzione à u dibattitu. Ùn tratteraghju micca di sugetti generali strettamenti liati à stu prublema, cum’è a necessità urgente d’urganizà l’Auropa di a difesa, chì disgraziatamente, st’affare dipende pocu di a nostra voluntà. Vi parleraghju solu di a Corsica, è per principià, di un locu di Corsica simbolicu assai per noi : l’Isula Rossa, a cità paulina.
ASSEMBLEA DI CORSICA _____________ U Presidente
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Dui centu cinquant’anni fà, à l’epica di l’indipendenza, si vutava digià, in l’Isula Rossa cum’è in tutta a Corsica. Un ghjudeu si presentò per vutà ancu ellu. In sti tempi, in un paese cristianu, l’affare ùn era cusì naturale. Davanti à sta quistione, l’amministrazione balanina dumandò direttamente à u Capu di Statu, Pasquale Paoli, ciò chì ci vulia à fà. Quesssu rispundò : “In Corsica, a libertà ùn cunsulteghja micca l’Inchisizione”. Un omu onestu stallatu nantu u territoriu di a nazione, cristianu o ghjudeu, avia u dirittu di votu. Incù sta risposta, a tulleranza religiosa era istituita in Corsica. I storichi chjamanu stu fattu « l’affare di u ghjudeu di l’Isula Rossa ». Sta tulleranza ùn s’appiecava micca solamente à i ghjudei : quandu un battellu tunisianu avia un avaria vicinu à a Corsica, Paoli li facia purtà aiutu. A storia certe volte hè curiosa : qualchì ghjornu fà, in listessa cità di l’Isula, à dui centu cinquant’anni di distanza, ci hè statu un altru fattu significativu : unipochi di persone ghjunte da ùn sò duve, vestute cum’è in Raccà, presentate cum’è salafisti, anu circatu à predicà in u locu di preghera di i musulmani. Quessi ùn anu vulsutu, è ste persone si sò stallate nantu à a rena di l’Isula per fà una preghera publica. E ghjente presente sopra locu li anu dumandatu di andà si ne. È anu fattu bè. Sti dui fatti lisulani simbulizeghjanu, mi pare, una pusizione ghjusta nantu à st’affari : a tulleranza religiosa d’un cantu, i so limiti da l’altru cantu. A tulleranza religiosa hè un elementu maiò di a nostra tradizione pulitica. Quelli chì a volenu rimette in causa ùn si ponu rivendicà di a nostra cultura. Quelli chì mettenu à buleghju musulmani è salafisti è chì s’approntanu, à u primu incidente, à andà in mansa à mughjà in i quartieri, o à tichjà di colpi u primu disgraziatu sbarcatu quì per stantà si un pezzu di pane, quessi custì, ch’elli stessinu in casa soia o, s’elli a si sentenu, ch’elli andessinu in Siria à cumbatte contru à Daesh. Ma d’apressu à mè, anu da esse belli pochi à andà ci. D’altronde, tengu à salutà i rispunsevuli religiosi musulmani in Bastia è in Lisula, chì anu chjosu e porte di i so lochi di preghera à ste persone. In i ghjorni à vene, dumanderaghju à receve sti ripunsevuli per discutà cun elli di a situazione attuale. In un cuntestu cum’è quellu d’avà, hè impurtante di dì à i musulmani chì campanu in Corsica ch’ùn ponu esse sulidarii di e persone, ancu puru isciute da a so cumunità, chì attaccanu i spinghjifochi o chì spartenu idee malsane. Di listessa manera, noi ùn seremu mai sulidarii di i razzisti, ancu puru corsi. A sulidarità chì ci vole à rinfurzà hè quella trà tutti l’omi di bona voluntà chì volenu campà in pace. I limiti di a tulleranza cuncernanu muvimenti ideulogichi o settari ch’ùn si ponu cuncilià incù i nostri valori. I salafisti, ancu quelli chì ùn praticheghjenu micca a viulenza, portanu idee chì cunducenu à a distruzzione di a nostra sucetà. Un esempiu : si dice spessu chì u razzisimu ùn hè un opinione ma un delittu. Hè vera. Di listessa manera, a visione ch’elli anu i salafisti di a donna ùn deve esse cunsiderata cum’è un parè ma cum’è un delittu. Un imam chì ricusa, in una scola aiaccina, di tuccà a manu à e donne, què, ùn si pò adimette. A lege hè ciò ch’ella hè, ma si ponu cambià i testi senza mette in
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causa i principii di a dimucrazia. Per indettu, incù a so lege di u 22 di maghju 2014, a Belgica hà intruduttu u sessisimu è e marche di disprezzu contru à e donne in u so dirittu penale. Nantu à stu puntu è parechji altri, u salafisimu hè cuntrariu à l’essenza è à i principii generali di u dirittu aurupeu. Pensemu per contu nostru ch’ellu hè ghjuntu u tempu di dichjarà for’ di lege in Auropa, u salafisimu, u vaabbisimu et i muvimenti simuli. È dinù di chjode è di bluccà tutti i siti internet chì facenu a prumuzione di sti muvimenti. Aspettendu ste decisione ch’ùn dipendenu micca di noi, è ùn avendu disgraziamente a cumpetenza legislativa, mi pare ragiunevule di dumandà à l’amministazione francese di fà di manera chì ste ghjente quì ùn sbarchessinu più nantu à a terra di Corsica, induve ùn anu nunda à fà. In Corsica, ci tocca à sapè quale hè chì predicheghja è ciò ch’ellu dice. Ne và di a nostra securità. Tutti i lochi cunnisciuti per e so idee salafiste devenu esse chjosi. Sò tanti i camini chì portanu à a viulenza islamista. Si sà oghje chì, quasi a metà di i cumbattanti francesi di Daesh in Siria sò cunvertiti novi novi ingrandati in famiglie cattoliche o atee. Cuntemu ancu certi corsi. Sò parechje e vie chì portanu à a radicalisazione. Sicura chì, noi altri pulitichi, avemu bisognu di cunosce tutte ste vie ma mai ùn seranu scuse, mai ùn seranu capite, sempre seranu cumbattute cun tutta a nostra forza. Ghjè tuttu u sensu di a risuluzione chè no prupunimu cù u Presidente di u Cunsigliu esecutivu di Corsica. Nantu à sta terra, ci hè un populu di dirittu : hè u populu corsu. Stu populu hà sempre praticatu a ghjustizia è u rispettu per tutti. In issi tempi strani, a ghjustizia è u rispettu fermanu idee maestre per piglià a strada diritta è per mantene a pace. Vi ringraziu.