C’est en « grand équipage » – Premier Ministre, Ministre dédié (Jean Michel Baylet), mais aussi Ministre du Budget, Ministre du Logement, Ministre de l’Education Nationale – que le gouvernement a fait le déplacement en Corse pour présenter le bilan des groupes de travail sur les ordonnances mis en place au lendemain de l’élection des nationalistes à la tête de l’Assemblée de Corse. Pas d’avancée majeure ; pas davantage de retour en arrière : la Collectivité Unique est acquise pour 2018, le reste – co-officialité, statut de résident, reconnaissance constitutionnelle en vue d’un statut d’autonomie, amnistie- sera encore à conquérir. Comme prévu.
Seule la question des arrêtés Miot échappe au statu quo. Là où jusqu’à ce jour les précédents Exécutifs de Corse avaient échoué à faire fléchir la « ligne Charasse » adossée au Conseil Constitutionnel, la négociation des ordonnances avec Manuel Valls a permis d’obtenir une promesse de prolongation des dérogations au droit commun des successions pour la Corse. C’est évidemment un succès important que les manifestations massives, l’unanimité de l’Assemblée de Corse sous Camille de Rocca Serra puis Paul Giacobbi, adossée à leur lobbying en tant que parlementaires, n’avait pas réussir à obtenir. Le succès obtenu sur la question des arrêtés Miot est le signe tangible que les revendications corses pèsent d’un poids nouveau depuis que le mouvement nationaliste est à la tête des institutions territoriales.
Le groupe de travail sur le foncier a lui aussi fourni un rapport avec des propositions intéressantes, bâties autour de la mise en œuvre du Padduc. Il prévoit également la pérennisation du Girtec et de son financement.
Pour la langue corse, quelques avancées sont à retenir : création d’une agrégation langue corse, et de vingt postes qui permettront -enfin !- d’atteindre l’objectif d’une filière bilingue continue par secteur de collège.
Sur la question des intercommunalités, les points de vue pourraient se rapprocher.
Enfin, la confirmation définitive de la création de la Collectivité Unique en janvier 2018 et de la fin des conseillers départementaux, malgré les gesticulations clientélistes de ces derniers jours, particulièrement en Corse du Sud, met bel et bien un terme à une situation historique de 40 ans que les nationalistes ont toujours combattue.
La bi-départementalisation avait été la réforme institutionnelle de « l’après-Aleria », en 1976, un découpage décidé par l’Etat pour conforter le clanisme et contenir la montée du mouvement national. C’en est désormais bel et bien fini, malgré la parenthèse du referendum raté de 2003 par lequel Emile Zuccarelli avait pensé triompher au nom de la Corse « française et républicaine ». En janvier 2018, nous aurons –enfin- franchi un cap.
Ce bilan du déplacement ministériel, que le groupe Femu a Corsica a qualifié « d’annonce contrastée », n’est pas une surprise. Le gouvernement Valls n’avait ni la volonté ni la capacité d’aller plus loin à travers une modification de la Constitution. Il n’a pas de majorité gouvernementale pour ça, et cela l’arrange bien car il n’avait aucunement l’intention de s’y engager.
Pour la majorité nationaliste de l’Assemblée de Corse, élue pour un mandat court, le rapport de forces nécessaire pour obtenir satisfaction à cet égard ne pourra venir que d’un nouveau succès électoral dans le cadre de la future collectivité unique, pour s’imposer à ceux qui, après les échéances électorales de 2017, présidentielles et législatives, gouverneront la France.
A Paris, tous, droite et gauche, spéculent sur la fin de la « parenthèse nationaliste » en janvier 2018. Ils espèrent ainsi se débarrasser « en douceur » du problème. Il faudra bien sûr tout faire pour qu’il en soit autrement.
Femu a Corsica détient les clefs de cette victoire indispensable. A nous de tout faire pour qu’il en ait la capacité d’organisation et d’entraînement, dans le soutien à l’Exécutif actuellement aux commandes, et pour engranger en janvier 2018 une victoire encore plus nette qui signifiera définitivement que le gouvernement de la France, quel qu’il soit, n’a d’autre voie que celle de la négociation jusqu’à l’autonomie de la Corse.