La victoire du « leave » au referendum britannique sur une sortie de l’Union Européenne est un échec majeur dont les conséquences iront crescendo avec le temps.
David Cameron est un peu comme le George Bush des années 2000 engageant l’intervention américaine en Irak en réponse aux attentats du 11 septembre 2001. 12 ans plus tard on en mesure les conséquences. Certes l’Europe reste un continent stable et nous ne craignons pas le même type de conséquences. Mais l’onde de choc du Brexit sera de long terme et elle impactera fortement les années qui viennent.
Les débats d’avant referendum portaient avant tout sur la question de l’immigration. C’est ce point sensible qui a emporté le scrutin. Pourtant, chacun sait que Londres ne sera pas plus exempt des tensions migratoires avant qu’après. Ceux qui gouverneront à la suite de David Cameron seront bien en peine pour dégager des solutions qui satisferaient les attentes de leurs partisans, car les migrations internes au sein de l’Union n’ont que peu de poids dans les craintes exprimées par les électeurs. Aussi le débat médiatique, depuis que le vote est acquis, s’est mis subitement à ignorer la question de l’immigration.
Les réactions d’après Brexit sont avant tout tournées vers les conséquences économiques et politiques prévisibles. Car, sur ce plan, les impacts sont immédiats et particulièrement sensibles. La chute brutale de la livre sterling en 24 heures, et la montée au créneau immédiate des partisans d’un referendum d’indépendance pour une Ecosse qui à 62% a choisi de rester européenne, sont les questions qui désormais effacent toutes les autres.
A l’évidence, le prix que paiera l’espace économique britannique est important. L’Europe est obligée de réagir car il lui faut éviter l’hémorragie et une contagion parmi les autres Etats membres. Jusqu’à ce jour, un partage empirique concédait à la place financière de Londres le bénéfice de l’activité économique générée par l’ensemble des capitaux liés à l’espace économique européen. Cette activité va progressivement revenir au sein de l’espace euro, à Paris, à Milan, ou, plus probablement, à Francfort. La City, qui a voté contre le Brexit et fait connaître ses craintes dès le début de la campagne, sait déjà que son rayonnement est menacé. Les capitaux qui veulent s’investir en Europe ne peuvent le faire efficacement qu’à partir de places financières situées à l’intérieur de l’espace réglementaire européen. Londres ne le sera plus.
La question de l’Ecosse, et aussi celle de l’Irlande du Nord, vont se poser dans l’urgence. Durant deux ans, selon les termes du traité de Lisbonne, les conditions du départ du Royaume Uni de l’UE vont se négocier. C’est dans cet espace temps restreint que l’Ecosse essaiera de placer son propre agenda pour pouvoir rester au sein de l’ Union Européenne à travers son indépendance. Le SNP, qui a soutenu le large succès du « remain » en Ecosse, a manifestement décidé de pousser les feux d’un nouveau referendum. Les conséquences économiques immédiates pour l’économie britannique vont encourager l’opinion publique écossaise à aller dans ce sens, d’autant plus que l’argument massue agité par les opposants à l’indépendance de l’Ecosse il y a deux ans était justement que se séparer du Royaume Uni aurait conduit l’Ecosse hors de l’Union Européenne. Pour le peuple écossais, une opportunité historique est là, il lui faut la saisir.
Un basculement s’est opéré le jeudi 23 juin et le choix du Brexit devra s’imposer, coûte que coûte, même si les scenarios que les experts imaginent aujourd’hui sont presque tous des scénarios difficiles. Le peuple anglais a voté majoritairement pour, mais il est lui même divisé car les plus jeunes ont voté largement contre. Cette fracture entre les générations est porteuse de situations qui peuvent déstabiliser le futur pouvoir à Londres et provoquer de larges remises en cause. Le Brexit va soulever des problèmes dont il apparaitra rapidement qu’ils sont très difficilement surmontables.
Les deux ans qui viennent seront très compliqués. Il n’est pas exclu que de nouveaux rebondissements surviennent : on a bien vu les « non » aux referendum en France et en Hollande sur la Constitution européenne déboucher sur le Traité de Lisbonne qui en est la copie conforme. La crise du Brexit ne fait que commencer.