Ségolène Royal a une image positive en Corse. Elle date de 1993 quand, jeune Ministre de l’Environnement de Michel Rocard, elle avait promis lors d’un discours improvisé sur les falaises de Bonifaziu de lutter contre le trafic de matières dangereuses dans les Bouches de Bonifaziu. Et sa popularité ne tient pas tant à sa promesse, mais à la suite positive qui lui a été donnée.
La suite de son parcours ministériel a régulièrement été marquée d’une « pierre blanche » pour la Corse. Il y a deux ans, l’épopée de l’épave du Costa Concordia au large de Bastia l’avait amené à donner raison à celui qui était alors le tout nouveau maire nationaliste de Bastia, Gilles Simeoni, qui demandait que le Canal de Corse, entre Cap Corse et les Iles de Toscane, soit protégé plus efficacement contre le trafic incessant de cargaisons dangereuses qui y transite. Le même Gilles Simeoni, désormais président du Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale de Corse, se devait donc de saluer le succès des démarches engagées depuis auprès l’Organisation Maritime Internationale qui a accepté, sur la demande insistante de la Ministre, de renforcer les mesures de sécurité dans cette zone très fréquentée.
Même observation concernant la xylella fastidiosa où le Ministère de l’Environnement a bousculé celui de l’Agriculture et obtenu les mesures de précaution qui, depuis, ont préservé la Corse la bactérie qui dévaste les oliveraies dans le sud de l’Italie.
Ségolène Royal est donc le meilleur argument du gouvernement pour garder une certaine crédibilité en Corse. Sans doute le dernier. Aussi, après tant de déception ces derniers mois, ce voyage ministériel était un peu celui de la dernière chance.
A Aiacciu ce lundi, Ségolène Royal était attendue sur le dossier de l’énergie, qui, depuis trente ans, rythme régulièrement la vie politique en Corse, depuis le Comité Anti-Vaziu qui a définitivement sensibilisé la Corse aux méfaits du fioul lourd et aux bienfaits des énergies renouvelables.
Présidente de la COP 21, Ségolène Royal est à l’aise sur le terrain de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais les exigences sont élevées dans une Corse qui doute des promesses qui ont été faites d’une conversion au gaz de la production thermique d’EDF qui, depuis trente ans, empoisonne l’atmosphère de la Corse, y compris l’atmosphère des relations avec Paris. On se souvient de Nicolas Sarkozy promettant le branchement de la Corse sur le fantomatique Galsi. Dans la foulée EDF attaquait les travaux de la Centrale de Lucciana pour un fonctionnement au fioul lourd. Fort heureusement, la mobilisation réussie sur place a permis que le choix du fioul léger soit finalement imposé. Ce qui a maintenu la porte ouverte à une solution gaz pour l’île, mais sans garantie véritable.
Le long débat énergétique qui a abouti à la promulgation de la PPE (Programmation Pluri Annuelle de l’Energie) de la Corse a certes relancé la solution gaz, une barge en mer au large de Lucciana et un gazoduc Cyrénée reliant Lucciana à Aiacciu avant que la nouvelle centrale du Vaziu n’ouvre ses portes. Mais, les mois passant, la confiance s’est amenuisée, et de plus en plus nombreux sont ceux qui se sont mis à douter de l’engagement ministériel.
Lors de son intervention d’Aiacciu devant le Conseil Energétique de Corse convoqué par Fabienne Giovannini, conseillère exécutive en charge de l’énergie, en présence de Gilles Simeoni, Ségolène Royal a rassuré. Elle a pressé le calendrier de la réalisation des investissements nécessaires pour que la Corse soit alimentée au gaz naturel dès 2023, date prévue de la réalisation de la nouvelle centrale du Vaziu. Elle a aussi donné de nouvelles perspectives aux projets d’autonomie énergétique de la Corse via les ENR et les économies d’énergie. Son discours a été positif et énergique. Il est une éclaircie après tous ces mois de messages négatifs prodigués depuis Paris.
Puisse-t-elle être suivie par d’autres dans cette volonté d’ouverture !
François ALFONSI
13 juin 2016