La manifestation d’avril 2009 à Bastia avait été émaillée de graves incidents : 15 personnes ont comparu hier en correctionnelle, certains prévenus ont reconnu partiellement les faits. 52 parties civiles dans ce dossier. On avait parlé à l’époque de « scènes de guérilla urbaine » car, malgré les appels au calme lancés avant le début de la manifestation organisée à l’appel de mouvements et syndicats nationalistes, les autorités n’avaient pu contenir un déferlement de violence inouï dans le centre-ville de Bastia.
Le 4 avril 2009, en réaction aux incidents survenus quelques jours plus tôt, lors d’un grand rassemblement de soutien à Yvan Colonna*, au cours duquel un jeune collégien avait été grièvement blessé, un cortège de 3 000 à 4 000 personnes se forme devant le palais de justice de Bastia.
La tension grimpe en fin de parcours et les premiers dérapages ont lieu vers 18 heures devant la préfecture alors que les forces de police, fusée rouge à l’appui, viennent de donner le signal de dispersion.
La ville s’enflamme
Des cocktails Molotov sont tirés, les gendarmes mobiles ripostent avec des gaz lacrymogènes, la ville s’enflamme. Plusieurs agences bancaires sont saccagées, et un début d’incendie dans les locaux de l’ancienne mairie nécessite l’intervention des sapeurs pompiers. Au final, des dégâts extrêmement lourds, sur la place Saint-Nicolas, sur la place du marché, sur le boulevard Paoli, et surtout des dizaines de blessés parmi les forces de l’ordre et les manifestants pacifiques qui s’étaient attardés. On avait dénombré en gros une cinquantaine de « casseurs » , déployés par petits groupes à travers les rues.
Plus de deux ans après les faits, une quinzaine de personnes ont comparu hier, devant le tribunal correctionnel de Bastia présidé par Anne David, poursuivies à des degrés divers pour « participation, avec ou sans arme, à un regroupement après les sommations de dispersion », « violences aggravées » et notamment violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique, et « dégradations de biens d’autrui en réunion ».
« Encouragés par des activistes »
Les prévenus, âgés pour la plupart de 25 à 30 ans, ont reconnu partiellement leur participation, minimisant le plus souvent leur responsabilité dans une action « isolée ». L’un d’eux admet un « comportement immature », un autre s’est « senti obligé de faire comme tout le monde », un troisième déclare vouloir « assumer »ce qu’il a fait,le même qui déclarait lors de l’enquête : « Parfois, je m’arrêtais de lancer pour reposer mon… bras ».La boutade soulève quelques ricanements vite réprimés par la présidente qui rappelle que des seaux remplis de projectiles avaient été stockés à la gare des chemins de fer : bombes artisanales, pierres, « mottes de terre », barres de fer, boulons, piquets, fusées, pétards, fumigènes et on en passe… démontrent qu’il y avait eu « une organisation préalable» et les affrontements encouragés « par des activistes au moyen d’un mégaphone » ont donné lieu à des « scènes impressionnantes ».
Mise à sac des agences du Crédit Mutuel, du Crédit municipal, de la Société générale et de la Banque de France ciblée par « un noyau de casseurs masqués » qui est parvenu à pénétrer dans l’enceinte, provoquant un début d’incendie sous les yeux du gardien «paniqué et choqué » par cette intrusion. Un fourgon de police avait été caillassé, une voiture de gendarmerie et des véhicules de particuliers détruits par le feu. Une cinquantaine de CRS parmi lesquels de nombreux blessés « dont un, gravement, à la face, suite à des tirs d’objets métalliques », ont été entendus dans le cadre de l’enquête, ainsi qu’une quarantaine de gendarmes mobiles. Brûlures, traumatismes crâniens, perte auditive, « l’état d’un CRS qui avait reçu entre autres de l’essence sur le corps, n’est toujours pas stabilisé », précise Anne David.
Au total, on aurait recensé 87 blessés. Les manifestants suspectés de ces exactions ont été identifiés sur photo et grâce aux images de vidéosurveillance, ils ont été interpellés en octobre 2009. Trois mineurs également mis en cause ont été jugés par la juridiction compétente.
Hier, le tribunal a entendu tous les prévenus, les représentants des 52 parties civiles sont intervenus ainsi que le ministère public. Les plaidoiries de la défense se poursuivent ce matin à partir de 8 h 30, le délibéré sera prononcé en fin d’après midi.
* La première manifestation avait pour but de dénoncer « l’injustice » du verdict de condamnation d’Yvan Colonna pour l’assassinat du préfet Erignac.
D.R Hélène Romani
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Dossier Manif du 4 Avril 2009 Corsica Infurmazione