On connaissait récemment – puisque rendue publique – l’analyse de Georges Mela sur le marasme de la Droite en Corse.
Constatant, notamment lors des dernières élections territoriales qui ont consacré la victoire du Mouvement Patriotique, son absence de propositions spécifiques pour la Corse et son développement, le premier magistrat de notre commune prône alors la pertinence d’une Droite « corsiste », élargie des prérogatives de Paris, et plus ancrée dans les réalités économiques insulaires. Il restait à en préciser concrètement l’ossature. C’est désormais chose faite depuis le journal d’information « Al Ahdath al Maghribia » ( journal marocain) : » la proposition d’autonomie est une solution très avancée. Elle a permis aux institutions locales de la Corse de jouir d’une liberté de gestion tout en gardant les spécificités culturelles et linguistiques au sein de la République française »…
Et de rajouter toujours dans le même journal d’information : » Cette forme de gestion a mené la majorité des corses à délaisser définitivement toute idée de séparatisme ». Ces propos rejoignent quelque peu – au même moment – ceux tenus par un responsable de cette Droite française en Corse et également élu territorial, José Rossi, dans « In Corsica » de ce mois de mai 2016 : » l’autonomie de la Corse dans la République française ne se construira pas si elle apparait comme une étape vers l’indépendance ». A l’évidence le camp libéral – au delà de ses récentes tensions internes – recentre son discours. De fait, un spectre hante la Droite française en Corse : le spectre de l’indépendance.
On est bien loin de l’antienne alors véhiculée par toutes les forces conservatrices et obscures du système français en Corse, l’autonomie, anti chambre de l’indépendance…Actuellement la stratégie de cette Droite pourrait se résumer en une formule : l’autonomie, un rempart contre l’indépendance…
En 1977, jetant les bases d’une lutte structurée de Libération Nationale, le Front de Libération Nationale de la Corse, critique alors fermement l’autonomie : » Avec l’autonomie interne, c’est le principe sacré du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui est bafoué. » Le Front n’hésite pas alors de parler « d’impasse » voire même « d’entrave au courant que nous représentons. » Aussi cette projection de l’autonomie demeure t-elle d’actualité avec cette nouvelle et droitière phraséologie… N’omettons pas toutefois d’ajouter à cette analyse que historiquement malgré bien des vicissitudes, le mouvement autonomiste et l’ensemble de ses composantes ( ARC, APC, UPC, ect…) ont en grande partie privilégié dans leur stratégie, le Mouvement National. Le dernier exemple étant la liste « Per a Corsica » au deuxième tour des élections territoriales 2015. A l’inverse le Mouvement de Libération Nationale, particulièrement au moment de son accroissement s’est trouvé confronté à de violentes dissensions dont on connait les conséquences fratricides…Certains observateurs n’hésitant pas à évoquer le noyautage et la manipulation pas les services spécialisés français …
L’aspiration indépendantiste – qui n’est pas le fruit d’une infime minorité – inquiète fortement le pouvoir français. La position de la Droite en Corse n’est qu’une des traductions de cette inquiétude, la gauche française reprenant en grande partie cette position. On ne comprend que mieux José Rossi lorsqu’il précise toujours dans « In Corsica » : « Les indépendantistes font désormais partie de la majorité territoriale et pèsent réellement sur les choix ». Bien que le contexte suppose – avec un ensemble d’initiatives unilatérales – apaisement politique, force est de constater que le Mouvement Indépendantiste demeure une cible privilégiée …Au demeurant, avec la répression, certains faits survenus ces dernières années peuvent trouver explication dans ce dessein. L’objectif étant de contenir le Mouvement indépendantiste…
Revenons à Georges Mela. Outre le fait de sa pérégrination marocaine, nous apprenons un jumelage de notre commune avec celle de Harhoura ( station balnéaire au sud de Rabat ), nous découvrons que notre premier magistrat de la commune s’essaie a un périlleux exercice de regard international défendant la » marocanité du Sahara » face au « Polisario » ( mouvement indépendantiste saharien), omettant quelque peu le regard de l’O.N.U. sur ce conflit, et prônant « l’abandon des thèses séparatistes en suivant la même voie que nous en Corse, celle de notre attachement à la France, la mère patrie. » Comme si les indépendantistes que nous sommes allions renoncer aux fondements de notre combat qui aujourd’hui commence à récolter les graines semées malgré bien de pénibles, durs et sanglants obstacles …
Le temps n’est pas à la renonciation de la projection indépendantiste. Mais bien à sa popularisation pour un partage avec le plus grand nombre. L’indépendance, aux antipodes des postures de circonstance peut être l’aboutissement naturel d’un processus qui suppose préalablement reconnaissance du peuple et de ses droits. Elle doit être aussi garantit par le choix – majoritaire – du Peuple.
L’indépendance fait peur à la France. Comme elle fait peur à tous ces Etats d’Europe qui sont aujourd’hui pour reprendre les propos de Henri Malosse toujours dans « In Corsica » » les plus grands ennemis de la construction européenne ». L’émancipation de la Corse, de la Sardaigne, de la Catalogne, du Pays Basque – pour ne citer que ces exemples – dessinent une toute autre logique européenne axé toujours selon Henri Malosse ( In Corsica de mai ) sur « le pouvoir des territoires à partir desquels de véritables relations de coopération et de solidarité peuvent être nouées. » A l’évidence, comme pour la Droite française en Corse, un spectre hante l’Europe et c’est le spectre de l’indépendance des peuples et nations encore niés en son sein …