Dix-huit ans après l’assassinat en Corse du préfet Erignac, le parquet de Paris a requis un non-lieu général dans l’enquête menée sur une piste dans les milieux agricoles, a-t-on appris de sources judiciaire et proche du dossier.
Cette procédure est restée ouverte des années, avec de nombreux mis en examen, malgré l’arrestation du véritable commando.
Si les juges d’instruction suivent les réquisitions du parquet antiterroriste, datées du 3 mai, le non-lieu bénéficierait à 31 mis en examen pour association de malfaiteurs terroristes, dont la plupart avaient fait plusieurs mois de prison en 1998 et 1999, au tout début de l’enquête. Deux d’entre eux sont décédés.
« Cela fait 16 ans qu’il n’y a plus vraiment d’investigations et que dure ce dysfonctionnement », a déploré l’avocat de sept des mis en examen, Emmanuel Mercinier-Pantalacci, contacté par l’AFP. Ses clients ont assigné l’État pour obtenir réparation devant la justice civile.
Lorsque le préfet Erignac est abattu le 6 février 1998, l’île est traversée par une contestation agricole violente contre une nouvelle politique du gouvernement resserrant la vis sur les aides financières.
Les services antiterroristes s’étaient aussi lancés sur cette piste en raison de liens qu’ils établissaient avec de précédentes actions. Résultat: des dizaines d’interpellations dans les milieux nationalistes agricoles.
Après l’arrestation en 1999 du commando, objet d’une procédure distincte ayant abouti à plusieurs condamnations, l’information judiciaire initiale est restée ouverte et n’a été clôturée qu’en mars 2014. Parmi les 31 mis en examen figurent plusieurs membres du commando condamnés pour l’assassinat du préfet.
La procédure oubliée avait resurgi lors des débats au premier procès du principal accusé Yvan Colonna en 2003, ses avocats en profitant pour dénoncer les errements des enquêteurs.
« On a l’impression un peu désagréable d’un dossier pénal ouvert et permanent qui sert à alimenter au fil des besoins les enquêtes à venir », avait remarqué le président de la cour d’assises, Dominique Coujard.
Dans ses réquisitions, rapportées à l’AFP par une source proche de l’enquête, le parquet antiterroriste estime que l’information judiciaire n’a démontré « aucunement les liens entre les membres de la filière agricole démantelée dans ce dossier et la résolution, la préparation et l’exécution » de l’assassinat du préfet Erignac.
Le parquet relève que « la contestation radicale » dans le milieu agricole à l’époque « a ainsi pu se trouver au cœur d’actions collectives violentes excédant le cadre légitime ». Mais il estime que « la particulière complexité des investigations, leur durée et le climat d’apaisement en Corse commandent de requérir, en opportunité, le non-lieu à l’égard de tous les mis en examen », a rapporté la même source.