A l’initiative de son Président Jean Guy Talamoni, l’Assemblée de Corse a lancé une « initiative pour une charte en faveur de l’emploi local », qui engage concrètement un début de corsisation des emplois.
La conférence réunie par le Président de l’Assemblée de Corse sur cette question a regroupé les membres de la section « économique et sociale » du Conseil Economique Social et Culturel, les chambres consulaires, Pôle emploi, le Recteur, le Président d’Université, l’ensemble des Centres de Formation, les grandes entreprises impliquées dans le tissu économique insulaire, etc…
La nécessité d’une telle initiative est attestée par les grandes difficultés du secteur de l’emploi en Corse, avec un chômage qui est passé de 13.000 à 22.500 demandeurs d’emploi en dix ans, +75% ! Conséquence directe de ce chômage, la précarité atteint sur l’ile des niveaux sans précédent : 60.000 personnes, 20% de la population, vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de 970 € par mois.
Chaque fois qu’un Corse vivant sur l’île ne peut avoir accès à l’emploi qui y est créé, il gonfle les statistiques du chômage, ou il alimente les chemins de l’exil dont on ne revient que très difficilement. La ressource humaine que forme le peuple corse est ainsi mise à l’écart du développement économique de son territoire. Rien n’est fait pour favoriser sa participation à la vie économique locale. L’avenir du peuple corse, son projet collectif sur sa terre, en est alors lourdement hypothéqué.
Depuis des dizaines d’années les organisations politiques et syndicales nationalistes, et d’autres comme la CFDT, se battent pour la corsisation des emplois. Mais sans succès, et Jean Guy Talamoni en fait le constat : « ici, on continue à chercher des compétences extérieures malgré l’existence de ressources sur l’île ; à l’instar de nombreux postes de direction de divers établissements qui sont attribués en écartant délibérément les candidatures corses ».
Or telle n’est pas l’attitude adoptée partout ailleurs dans le cadre français, en particulier sur l’île de la Réunion. Là-bas, Préfet, Pôle emploi et neuf grandes entreprises ont signé une « Charte pour l’emploi local », en présence de Manuel Valls, qui demande :
– « d’étudier de manière systématique la possibilité de pourvoir les emplois à des ressources issues du territoire »,
– « d’assurer une plus grande transparence de l’offre de travail à l’attention des chercheurs d’emploi présents sur le territoire ou déplacés par une mobilité à l’extérieur »
– « de préparer les compétences des demandeurs d’emplois sur le territoire pour anticiper les besoins »
Et Jean Guy Talamoni d’enfoncer le clou : « Il me semble qu’une mesure similaire serait très intéressante pour la Corse. Face à nos difficultés économiques et sociales que plus personne ne peut nier, nous ne saurions admettre que cette démarche soit écartée alors qu’elle a été jugée possible ailleurs ».
Autre point intéressant de l’initiative réunionnaise, la mise en avant du concept de « centre des intérêts matériels et moraux » pour une personne d’origine réunionnaise vivant hors de son île. Il y a là pour la diaspora une approche tout à fait intéressante, qui admet que, même si elle vit hors de Corse, elle peut continuer à y avoir le « centre de ses intérêts matériels et moraux ». Ce type de dispositif permettrait d’intégrer la diaspora au statut de résident.
« Partons de cette nécessité que les emplois disponibles ici puissent être proposés aux Corses, dès lors qu’ils en ont les compétences » : Jean Guy Talamoni lors de son allocution a paraphrasé la déclaration faite par François Hollande lors d’un déplacement à la Réunion en août 2014. Il propose de passer à l’action dans les trois mois à venir pour :
– impliquer les acteurs privés ainsi que les collectivités ;
– identifier les besoins en formation éventuels (évaluation ex ante) ;
– élaborer un document qui nous rassemble, construit avec le concours de chacun des partenaires qui sont présents aujourd’hui et ceux qui n’y sont pas ;
– associer le plus grand nombre d’établissements à cette charte ;
– la faire signer par des organisations représentatives, d’ici la rentrée, si possible ;
– faire en sorte que l’ensemble des partenaires puisse s’impliquer activement dans la démarche ;
– procéder à son évaluation de façon régulière (évaluation ex post).
La démarche engagée le 29 mars dernier à l’Assemblée illustre à point nommé l’utilité d’une majorité nationaliste au sein de l’Assemblée de Corse. Arritti suivra avec la plus grande attention les développements de cette initiative à laquelle le peuple corse souscrit bien au delà de la famille nationaliste.
François Alfonsi
14 avril 2016