L’Assemblée Générale de l’ALE a été l’occasion d’un débat qui a, pour la première fois, placé à une même tribune ceux qui soutiennent les prisonniers corses et ceux qui soutiennent les prisonniers basques. Gabi Mouesca pour les Basques, Jean Marie Poli et Dumè Tafani pour les Corses, ont témoigné de leurs combats autour de Lorena Lopez de Lacalle, membre de la direction de l’ALE et de Tatiana Zdanoka, députée européenne engagée depuis trois mandats au sein du Friendship basque au Parlement européen.
Cette convergence entre Corses et Basques est plus que nécessaire, elle est d’évidence. Et même elle va de soi quand on connaît les affinités réelles entre les protagonistes corses et basques à ce sujet, qui, par dizaines, ou même par centaines, se sont côtoyés dans les mêmes prisons, voire dans les mêmes cellules et dans les mêmes cours de promenade, et jusque dans les mêmes couloirs des Palais de Justice. Mais le fait est là que, malgré un engagement militant comparable, jusqu’à présent, la mise en commun des actions n’a pas été une priorité.
Après deux heures de débat, cette priorité s’est imposée, et l’ALE s’est proposée pour la prolonger à Bruxelles dans une manifestation commune qui mette le projecteur sur les comportements insupportables, et même irresponsables, de l’Etat français et de l’Etat espagnol.
L’attitude des deux gouvernements est politiquement irresponsable car en Corse et au Pays Basque se sont engagés des processus de paix par lesquels le FLNC et ETA ont décidé, l’un et l’autre, l’ETA depuis 2011, le FLNC depuis 2014, un arrêt définitif de la violence. Avant eux, en Irlande du Nord, l’IRA avait ouvert la voie à la fin des conflits armés qui perduraient dans l’Europe en construction. Mais le gouvernement britannique de Tony Blair avait alors réagi tout autrement. La négociation a été engagée sans délai, et menée jusqu’à ce que l’arrêt de la violence soit irréversible.
Car c’est là le devoir de tout gouvernement responsable : saisir quand elles se présentent les opportunités qui permettent de consolider la paix sur un territoire, quel qu’il soit, qui, jusqu’alors, a subi les conflits et les tensions. Le gouvernement anglais a su le faire. Les gouvernements français et espagnol se refusent à le faire, et il faut mobiliser l’Europe démocratique contre cette attitude irresponsable.
Pour cela André Paccou, qui représentait la Ligue des Droit de l’Homme à cette tribune, a souligné à quel point le contexte de la décision d’arrêt de la violence changeait la donne et permettait de mobiliser de nouveaux cercles de solidarité autour de la dénonciation des injustices auxquelles sont régulièrement soumis les prisonniers politiques et leurs familles. A commencer par la première d’entre elles, le refus de reconnaître la réalité de prisonnier politique à des détenus qui, pourtant, au quotidien, connaissent de la part de l’administration pénitentiaire un traitement particulier, tant pour les conditions de détention que pour le traitement des libérations conditionnelles, ou la prise en compte des maladies dont sont atteints certains détenus, avec souvent des situations humainement terribles ; et, utilisé de façon systématique, en contradiction avec toutes lois en vigueur en France comme en Espagne, malgré plusieurs condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’éloignement, dont le seul objet est d’aggraver la peine prononcée par les tribunaux.
Car l’éloignement est la première des politiques répressives qui est appliquée aux détenus politiques, tant par l’Espagne que par la France. En Corse, la mer à traverser crée une première barrière, naturelle et financière, et le refus systématique ou presque de rapprocher les prisonniers politiques sur l’île génère une condamnation supplémentaire pour les familles qui doivent assurer la visite de leurs proches durant les longues années de leur détention. En Espagne, les distances sont terrestres, mais les éloignements sont systématiques, sur des milliers de kilomètres, avec seulement deux détenus basques sur 400 incarcérés au Pays Basque. L’exil leur est imposé parfois jusqu’aux prisons des îles Canaries pour casser les plus combatifs d’entre eux. Et en France aussi, les distances de trajet sont délibérément allongées par l’administration pénitentiaire qui applique ainsi aux familles la « double peine ».
Le rapprochement des prisonniers est la grande revendication commune des Corses et des Basques vis à vis de la France et de l’Espagne. Ils la partagent en France et peuvent donc faire pression ensemble sur le gouvernement français pour l’obliger à des avancées sur ce point. Car l’attitude du gouvernement français sert de couverture aux attitudes encore plus répressives du gouvernement espagnol qui maintient en détention des centaines de militants basques dans des conditions absolument scandaleuses.
En Corse comme en Euskadi les temps ont changé. Corses et Basques se sont engagés dans des processus démocratiques pour leur émancipation, et il faut consolider les succès obtenus ici comme là-bas. Le combat pour les prisonniers politiques est un combat de première importance. La Corse a d’ores et déjà engagé une campagne pour l’amnistie quand les Basques estiment que cette question devra venir sur la table le jour venu, quand le processus de paix sera définitivement consolidé.
Le mouvement nationaliste a un devoir de solidarité sur cette question des prisonniers politiques. Cela ne fera que conforter son unité qui et indispensable, les élections en Corse de décembre dernier l’ont montré, pour emporter de grandes victoires politiques et démocratiques.