Extrait du débat sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité (2e lecture), 15 mars 2016 :
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, je vais concentrer mon bref propos sur la création de l’Agence française pour la biodiversité. Ce projet de loi se justifie par le fait que la France est riche d’une immense biodiversité et qu’elle a besoin, dans ce domaine, d’un outil global, adapté et disposant des moyens nécessaires. Si votre projet ne peut qu’être approuvé dans son principe, la simple phrase que je viens d’énoncer souligne tout ce qu’il faudrait tout de même corriger, ou affirmer, pour que l’AFB soit à la hauteur de l’enjeu.
Notre diversité est essentiellement maritime et ultramarine. La France terrestre représente moins de 600 000 kilomètres carrés tandis que la France maritime, c’est-à-dire les espaces sous juridiction française, englobe pour sa part plus de 11 millions de kilomètres carrés. De surcroît, l’essentiel du maritime français, donc de sa biodiversité, se situe outre-mer, dans le Pacifique et l’Atlantique.
La Nouvelle-Calédonie a créé le parc naturel de la mer de Corail sur un 1 300 000 kilomètres carrés, ce qui en fait la plus grande aire maritime protégée du monde, et la Polynésie a un projet de grande ampleur de protection de la zone économique exclusive des îles Marquises. Les Antilles ne sont pas en reste quant aux initiatives et aux besoins dans ce domaine, à l’aune de la richesse de leur biodiversité. J’y insiste, car si la compétence pour établir ces protections et veiller à cette biodiversité, dans ces exemples, appartient aux gouvernements de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie, il n’en demeure pas moins que la nouvelle agence devra inscrire dans ses priorités ces grandes aires marines protégées, qui représentent à elles seules une partie prédominante de la biodiversité française.
Vous avez, dans la préfiguration du projet d’agence menée sous la direction d’Olivier Laroussinie, qui était, jusqu’à une date récente, à la tête de l’équipe de préfiguration, pris en compte les dimensions maritime et ultramarine, en proposant des comités d’orientation pour la mer et pour l’outre-mer. Il faudra évidemment que, dans le cadre de la politique menée, la dimension maritime et ultramarine de la biodiversité française – c’est-à-dire 95 % du sujet – soit prise en compte à sa juste mesure sur le plan budgétaire, sur le plan des moyens.
Par ailleurs, et on peut le regretter, l’Agence française pour la biodiversité n’est pas globale puisqu’elle n’inclut pas l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, qui dispose pourtant de moyens de surveillance qui seraient bien utiles pour garantir le respect des règles édictées. Mais surtout, cette agence ne disposera pas des moyens nécessaires. Aujourd’hui, nous constatons que l’on crée des parcs marins de plus en plus théoriques. De fait, la première génération des parcs marins, sur le modèle de celui de la mer d’Iroise, dispose de moyens d’études et d’ingénierie mais aussi de moyens d’action et de surveillance sur le terrain. La deuxième génération détient des moyens réduits d’études et d’ingénierie mais aucun moyen d’action sur le terrain ; elle se trouve généralement dépourvue de bateau, ce qui est tout de même une lacune rédhibitoire pour un parc marin. Et les parcs marins de troisième génération, qui sont en cours de création, ne disposent à ce jour ni de moyens d’ingénierie et d’études, ni de moyens de terrain, et peuvent à peine mettre en place des organes de gouvernance.
Il a été annoncé par le Gouvernement des moyens supplémentaires : 250 millions d’euros viendraient de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques – ONEMA – ou des agences de l’eau, dont on apprend soudain les richesses insoupçonnées – après toute une série de prélèvements qui les laissent tout de même, si j’ose dire, à sec – et plus de 60 millions viendraient des programmes d’avenir, dont je redoute qu’ils ne soient une version contemporaine et administrative des plans sur la comète. (Sourires.)
M. Jean-Paul Chanteguet. Non, ils sont appliqués !
M. Paul Giacobbi. Dans l’attente de ces moyens mirifiques, les parcs sans bateau, sans possibilité d’études et réduits à la gouvernance de comités de gestion qui n’ont pas les moyens de gérer restent pour l’heure sceptiques. Les personnels de l’Agence des aires marines protégées sont souvent dans une situation précaire et souhaitent que des perspectives soient ouvertes pour eux à l’occasion de la création de la nouvelle agence. Vous avez lancé un chantier statutaire qui, de fait, doit permettre des avancées : c’est un point tout à fait positif.
En tant que président du conseil d’administration de l’Agence des aires marines protégées, j’ai soutenu et continue à soutenir très fortement un avis favorable de ce conseil à l’égard de la nouvelle agence pour la biodiversité. Une partie des conditions posées par le conseil d’administration sont remplies, ou à tout le moins peut-on trouver dans le projet de loi des éléments qui vont dans le bon sens. En revanche, l’inquiétude est encore grande sur les moyens. Il faudra bien, au-delà des affirmations et des incantations, que des preuves tangibles soient données le plus vite possible de votre volonté, dont je ne doute pas, de faire de la biodiversité un véritable enjeu national. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)