Le dernier débat de l’Assemblée de Corse sur la desserte maritime de la Corse est venu rappeler à ceux qui l’avaient oublié que la nouvelle majorité régionale n’est que relative. Pour autant les commentaires acerbes émanant de dirigeants, d’élus et de syndicalistes nationalistes en disent long sur la conception très ouverte qui est la leur en matière de débat démocratique. Pour faire court ils acceptent la confrontation tant qu’elle n’est pas contradictoire. Dans ce cas, la contradiction exprimée est qualifiée d’obstruction voire de position partisane.
Chacun pourra tirer les conclusions qu’il se doit de ce constat surtout quand les propos viennent de surcroit justifier le mensonge et couvrir des arrangements de couloir. Monsieur Mosconi du STC a ainsi expliqué dans les colonnes de Corse Matin du 26 février que nous « jouons avec l’emploi des marins et leur avenir » en parlant d’une « opposition réactionnaire » destinée à « empêcher les nationalistes d’avancer sur la question des transports maritimes ».
Or contrairement à ces affirmations fallacieuses le vote qui est intervenu montre que la délibération de l’Exécutif a finalement bénéficié d’une abstention bienveillante de la part de la droite de l’extrême droite et du groupe Prima a Corsica à l’exception de deux de ses élus qui ont voté contre comme le groupe des élus communistes.
Le fameux « cordon sanitaire » a donc largement failli face à la logique ultralibérale. Mais cela n’a que peu d’importance au regard des faits. Si nous nous en tenons à ceux-ci on s’aperçoit, non pas « que toutes les pistes doivent être examinées » mais qu’il en est une que l’Exécutif a écarté depuis le 5 janvier dernier. Pourtant il s’agit de celle, entérinée devant le Tribunal de commerce (TC) de Marseille le 20 novembre dernier et fondée sur un plan de cession avec un projet industriel ayant fait l’objet d’une négociation de l’ensemble des organisations syndicale avec les administrateurs judiciaires et le repreneur de la SNCM.
Ce projet permet de sauvegarder 900 emplois de disposer d’une flotte permettant de desservir dans le cadre de la DSP, que l’Exécutif semble vouloir écarter, sur l’ensemble des ports de la Corse et de maintenir un rayonnement en méditerranée avec la desserte du Maghreb. Ce projet pouvait donc être conforté par l’Exécutif qui devait refuser l’ouverture de la ligne sur Bastia par Corsica Linéa. Au contraire, alors même que le procureur vient de déclarer que c’était illégal en requérant une astreinte journalière de 150 000 euros pour sanctionner cette concurrence déloyale, il ne le fait toujours pas.
En conférence des présidents de groupes de l’Assemblée de Corse, le président de l’Office de transports a dit qu’il fallait absolument délibérer pour donner un signe fort avant le 5 mars faute quoi, les difficultés de MCM étant trop importantes, la liquidation judicaire serait probable et il n’existerait plus aucune autre alternative. Ainsi en n’adoptant pas la délibération nous mettrions en cause, les intérêts de la CTC comme ceux des salariés. Ces arguments n’étaient pas convaincants car à l’évidence si la situation de MCM était si catastrophique la délibération proposée n’y changerait rien. Au demeurant les attendus du jugement du TC de Marseille, qui a statué le 25 février sur la poursuite du plan de cession, confirme son attribution.
Le jugement précise ainsi que la MCM n’a pas de difficultés de trésorerie ce mois ci et qu’elle n’en n’aura pas non plus le mois prochain. Après paiement des salaires en février elle dispose de 3 M€ et elle sera en capacité d’honorer ses dettes sociales pour un montant de 225 000€. L’hypothèse de récupérer au bénéfice de la CTC tout ou partie de la flotte de l’ex SNCM comme bien de retour s’est également évaporée.
De même, il faut retenir qu’une fusion de l’ex SNCM avec une autre entité quelle qu’elle soit, devrait non seulement être soumise au TC mais que celle-ci se heurterait à une clause du jugement du 20 novembre stipulant que le capital de la SAS MCM ne peut être modifié dans les deux années consécutive à la cession.
Après quoi l’Exécutif martèle que les décisions du TC de Marseille n’ont que peu d’influence et explique qu’il faut s’en affranchir. C’est une curieuse conception de l’Etat de droit et à tout le moins une source de contentieux supplémentaires négative pour la CTC alors que prétendument tout est fait pour les éviter et préserver ses intérêts.
Reste enfin la question du pourquoi une telle insistance de l’Exécutif à faire passer une délibération, même très édulcorée par rapport à la précédente, pour obtenir une abstention bienveillante de l’opposition non communiste et de ce fait réaliser à son profit une manoeuvre que nous ne qualifierons pas de « réactionnaire » mais de compatible avec les objectifs ultralibéraux et low costs de destruction de la continuité territoriale ?
La réponse est sans doute dans l’opacité des tractations qui se déroulent entre les patrons Corses, conformément au protocole d’accord établi par l’Exécutif le 25 janvier, pour contourner les choix du TC de Marseille et présenter devant celui-ci a l’appui de l’accord signé entre Messieurs Padrona et Rocca une délibération de l’Assemblée Corse attestant de la fin des hostilités entre eux. Car effectivement si le TC de Marseille venait à suivre, ce serait la moindre des choses, les réquisitions du Procureur contre l’ouverture illégale de la ligne Corsica Linea cela aurait un impact fort.
Ainsi les accusations qui nous sont faites n’ont aucun fondement et peuvent à bon droit être retournées à nos détracteurs. Nous ne jouons ni avec l’emploi, ni avec les principes du service public essentiels pour le devenir de l’ex SNCM et de la CMN. Dans ces conditions nous nous adressons à l’ensemble des travailleurs de la filière maritime en Corse comme sur le continent afin d’empêcher les mauvais coups qui se trament à travers des pratiques douteuses pour ne pas dire mafieuses contre la desserte de continuité territoriale.